Chapitre 69 : Les retrouvailles

5 minutes de lecture

Pedro traînait chaque matin du côté de la Résidence du gouverneur pour glaner des nouvelles qu'il rapportait ensuite à la maison. Rodrigo et Don Felipe écoutaient toujours avec attention le jeune adolescent. Jour après jour, la situation se stabilisait et maintenant que l'état d'Oudh était à nouveau sous le contrôle de l'armée britannique, que les derniers soubresauts de soulèvement s'étaient éteints, chacun pansait ses plaies, réapprenait à vivre. Pour les réfugiés de la Résidence, cela avait effectivement ressemblé à un apprentissage. Ne plus sursauter au moindre bruit violent, ne plus regarder par les fenêtres avec crainte, ne plus être attentif au rationnement.

Luna comme Sophie puisèrent leur force dans leurs enfants. Bien que plus jeune que Myriam, Roy était un bébé costaud et Sophie dut vite recourir aux services d'une nourrice car elle ne pouvait, seule, subvenir à ses besoins. Luna de son côté parvenait toujours à allaiter Myriam et la petite fille se développait bien. Elle n'avait pas été sujette aux maladies et aux faiblesses qui touchaient souvent les jeunes enfants occidentaux. Elle n'était pas capricieuse non plus et offrait ses sourires à tous ceux qui s'approchaient d'elle. Don Felipe passait de longues heures à profiter de sa présence. Comme Luna quand elle était petite, Myriam éclairait les journées du vieil homme de rayons de bonheur.

Un de ces matins frais d'avril, Pedro se trouvait près du palais du gouverneur lorsque l'arrivée d'un petit convoi militaire en provenance d'Oudh fut annoncée. Il se précipita aussitôt à ses devants et son visage s'illumina d'un grand sourire en reconnaissant la silhouette élancée d'Alex et celle plus massive de William. Il courut aussitôt vers eux, se glissant entre les curieux, et se précipita pour saisir le mors de Kashmir et l'arrêter.

- Ho la ! fit Alex en tirant sur les rênes pour arrêter son cheval. Pedro !

- Bonjour, Sahib ! Quel plaisir de vous revoir !

- Sacré gamin ! lança William qui avait lui aussi arrêté son cheval et s'empressait d'ajouter : comment vont les nôtres ?

- Tout le monde va bien ! répondit Pedro, le sourire toujours aux lèvres. Je connais deux grandes dames qui vont être heureuses de vous revoir !

- Mène-nous donc jusqu'à elles ! continua Will. Nous aussi, il nous tarde de les revoir ! Et raconte-moi comment va mon garnement !

- Il marche déjà, Sahib !

- Non ? Tu te moques ! Je vais te tirer les oreilles !

Pedro éclata de rire et sur un signe d'Alex, il grimpa derrière lui sur le dos de Kashmir.

- Guide-nous donc, Pedro. William est porteur d'un message pour le gouverneur. Nous allons passer au palais, puis tu nous conduiras. Tes parents avaient trouvé à vous loger, je crois ?

- Oui. C'est une belle maison, spacieuse et fraîche. Nous y sommes bien.

Pedro mena donc la petite troupe à travers les rues bondées de Calcutta. Les deux officiers furent reçus sans tarder par Lord Canning avec lequel ils s'entretinrent de la situation à Lucknow. Puis, le gouverneur les invita à demeurer au palais, mais ils déclinèrent tous deux, arguant qu'ils étaient attendus en famille.

**

- Où est donc passé Pedro ? soupira Isabella d'une voix légèrement préoccupée. D'habitude, il rentre beaucoup plus tôt... J'espère qu'il ne lui est rien arrivé.

- Ne vous souciez pas, fit Rodrigo en tournant la tête vers sa femme. Il traîne parfois en chemin, s'arrête auprès d'un vendeur de fruits et revient avec quelques provisions et une belle histoire à raconter. Il ne devrait pas tarder.

Son épouse ne répondit pas et parcourut encore la véranda tout en scrutant l'allée qui traversait le jardin ombragé. Puis elle retourna dans la maison pour y revenir peu après, finalement alertée par un grand cri :

- Will !

Sophie se trouvait à la fenêtre de sa chambre et fut la première à apercevoir les deux cavaliers qui remontaient l'allée. Elle descendit à vive allure l'escalier et se précipita au-dehors en criant le nom de son mari. William fut le premier à mettre pied à terre et il serra fort Sophie dans ses bras alors qu'elle riait et ne cessait de répéter son nom. Alertée à son tour, Luna avait suivi son amie. Elle s'arrêta sur le seuil.

- Alex ! soupira-t-elle en fermant les yeux de bonheur et en portant les mains à son cœur.

L'instant d'après, le jeune homme était à ses côtés, la prenait contre lui. Des larmes de joie jaillirent aux paupières de Luna lorsqu'elle sentit les bras de son mari se refermer autour d'elle et la serrer fort contre lui.

- Mon amour, souffla-t-il tout bas. Quel bonheur de vous retrouver enfin !

Et il l'embrassa aussi passionnément que William embrassait Sophie.

Lorsqu'Alex et William reposèrent leurs deux épouses, toute la famille s'était rassemblée et attendait de les saluer à leur tour, de se réjouir de leur arrivée. Dès que Luna s'écarta d'Alex, celui-ci prit sa mère contre lui :

- Maman ! Je suis si heureux de vous revoir ! Mais vous m'avez bien inquiété à avoir fait le voyage...

- Je n'ai pas couru le moindre risque, mon fils, répondit-elle. Mais j'ai été si heureuse d'être à Calcutta quand Luna et Don Felipe y sont arrivés... Et d'avoir pu faire connaissance avec ma petite-fille. Tu vas la trouver changée... Mais si belle ! Elle te ressemble tant...

Sonya s'écarta de son fils auquel Don Felipe donna l'accolade. A ce moment-là, la voix inquiète de Luna résonna :

- Nagib n'est pas avec vous ?

Alex la reprit dans ses bras et lui dit :

- Ne soyez pas inquiète. Il va bien. Il est resté à Lucknow. Il estimait devoir y remplir une mission un peu spéciale...

Luna leva vers lui un regard étonné. Alex se tourna vers Don Felipe et dit :

- Avant de quitter Lucknow, nous avons pu nous rendre à la Casa de Los Naranjos. Votre maison a été pillée, mais elle ne présente pas de traces de destruction ou d'incendie comme cela a été le cas dans plusieurs demeures d'Européens, dans les alentours de la ville. Hamid et son épouse s'y trouvaient.

- Comment vont-ils ? le coupa Don Felipe pourtant peu enclin à interrompre un de ses interlocuteurs.

- Ils vont bien, sourit Alex. Hamid m'a dit être revenu quand il a su que nous avions repris la ville et que l'ordre régnait dans la province, hormis au nord où demeure encore une poche de résistance. Je l'ai encouragé à y rester et il m'a assuré qu'il allait tout remettre en ordre pour votre retour. Je lui ai dit qu'il était possible de faire revenir vos autres serviteurs et il va les prévenir. J'ai informé le commandement de leur présence, afin qu'ils ne soient pas considérés comme des voleurs, et Nagib va veiller à ce qu'ils ne soient pas inquiétés.

Don Felipe soupira, puis secoua lentement la tête :

- Vous arrivez vraiment avec de bonnes nouvelles, Alex.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Pom&pomme ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0