La poudre et le feu

2 minutes de lecture

Appelez les pompiers pour maîtriser le brasier, les urgences pour apaiser les victimes, les militaires pour évacuer les innocents, les scientifiques pour comprendre ce qu’il se passe !

Le monde est en flammes, j’entends « de l’eau ! il nous faut de l’eau ! », puis tonne le contre-ordre immédiat « Non, surtout pas d’eau, apportez du pain ! », et on apporte du pain, mais pour beaucoup il est déjà trop tard.

Nous sommes brûlés de l’intérieur, au degré le plus traître car nous n’en mourrons pas. Ce sera pire, nous en garderons des séquelles morales et physiques, du moins pour le reste de la soirée.

Nos regards se croisent, les larmes ruissellent. Que se passe-t-il ? Pourquoi cela nous arrive-t-il ?

Pourtant, tout avait bien commencé.

Ils étaient tous là, une bière en main, les yeux malicieux et clairvoyants. Je jubilais en mon for intérieur : quelle réussite, ils sont réunis, mes potes ! Les voisins étaient prévenus, ce serait l’enfer… bordel, j’ai vu trop juste, trop vrai !

Les bols garnis de gâteaux apéritifs se vidaient rapidement, les bouteilles s’accumulaient, les cendriers débordaient, la chaîne hi-fi hurlait sur un tempo binaire, et j’étais un peu ivre.

Néanmoins, c’est avec une conviction farouche qu’en milieu de soirée, je m’arrachais enfin à la conversation et passais en cuisine afin d’ouvrir le frigo et rester émerveillé devant tout ce qui s’offrait à moi. Il était hors de question que je fasse les choses à moitié, alors j’avais chargé la mule et décidé de préparer un truc chiadé, qu’on pourrait déguster avec les doigts.

Ce n’était pas compliqué : il suffisait de suivre la recette au dos de l’emballage. J’avais juste eu à acheter des filets de poulet, deux poivrons et un oignon, couper tout cela en lamelles, huiler la poêle, ajouter un sachet de poudre et attendre. Fastoche. Très vite, ça s’était mis à sentir bon, un peu fort peut-être ? Mais merde, comment aurais-je pu savoir ?

J’avais collé les galettes au four, je touillais la mixture lorsqu’on vint s’enquérir de la situation.

  • Alors, alors ?
  • Ça va déchirer !

Je n’entends pas de sirène, pourtant la maison brûle toujours, et les invités agonisent. Du pain ! de la mie de pain ! putain quoi, plus de pain ? Enfilez-vous les galettes, gavez-vous, ou on va tous crever !

Mon brasier perso palpite ; j’ai la gueule en feu, la langue morte, le palais boursouflé, l’œsophage comme un lit de lave, le ventre en combustion, les yeux embués et le cerveau gelé.

Je me sens salement responsable d’avoir acheté de quoi préparer des Fajitas, mais merde, comme si je savais que vider le sachet de poudre allait nous envoyer des tisons dans le corps !

La prochaine fois, je ferai des pâtes.

Annotations

Vous aimez lire Goji ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0