Le philtre de la tempête, ou comment Galaad trahit sa foi

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Galaad, à l’instar d’Ulysse succombant au chant des Sirènes, fut envahi d’une torride langueur, envouté par une voix chaude, veloutée, une mélopée enjôleuse susurrée amoureusement à ses oreilles ; ç’eût pu être l’ensorceleuse Léna Horne du Cotton Club, l’invitant à partager sa tourmente : Stormy Weather !

La quête du Graal pouvait attendre ! Il fallait qu’il retrouve Celle-qui-jamais-ne-mentit, devienne son héros, l’arrache des griffes de son frère félon, l’envieux Perceval.

- On dit qu’elle serait partie sur la Nef Merveilleuse, en compagnie de ce preux chevalier Perceval, lui précisa le Colibri.

- Comment ? Oiseau de mauvais augure ! Quelle outrecuidance ! Laisse-moi courir, nager et braver cette Nef Merveilleuse et pourfendre cet intrigant de l'épée que le bon roi Salomon a forgée pour moi.

Dans son effroyable ire, sa jalousie exultante, Galaad invoqua la volonté du Très Haut. Dès lors, tel l'éclair écrasant le démon, le ciel se déchaîna. L'orage, avant la tempête, traîna ses haillons sur la plaine. Quelque chose d'obscur, de visqueux comme un essaim de mouches, s’amoncela sous les branches des arbres, dans le creux des vallons. L'orage est comme le cadavre d'un chien dans les remous d'un fleuve. Une nausée. C'est une odeur de maïs, de lait et d'urine, une odeur de figues sures, de paille humide, de vieilles loques ; une odeur de litière. Une odeur de sève, de harpie mal lavée. De pain moisi. Les nuits s'allongent. Le sommeil devient un supplice compliqué. Moites et froissés, les draps s'enroulent autour des cuisses, des bras, du torse de Galaad. Il rêve de serpents. Au petit matin il se lève la bouche mauvaise. Tout est souillé, le cuir colle à la peau, et dans la chariote qui le conduit au fort, la poignée d'airain d'Excalibur, sous sa paume, poisse. La foule sent le musc. Les licols, le linge mou, tout irrite, entaille la peau, les encolures, les aisselles. Mêlés de sueur, l'eau de Cologne et les parfums virent. Les fards, en beurre fondu, se liquéfient. Le Castel de Stonehenge, au fur et à mesure qu'il se remplit de populace, pue le sucre et la pisse, le cabinet de toilette et le loukoum...

L'orage n'est pas la pluie, Dieu l'a voulu ainsi. La pluie s'avance dans des parfums d'herbes coupées, de fougères. Quelque chose qui vient de la terre fraîche que la pelle ouvre et remue. La pluie c’est du silex qu'on lave. L'orage, puis la tempête, travaillent dans les hauteurs. Des bourrasques qui, brusquement, soulèvent la poussière par-dessus les arbres et les buissons bruissant d'épines. La tempête cherche longtemps des cimes, des mâts, des heaumes et des oriflammes où accrocher ses griffes et ses ailes d'insecte métallique. C'est de la soie qu'on déchire. On ne le connaît qu'avec les nerfs, qu'avec la peau, toute entière.

Have, broyé, transsudant et transi, Galaad au travers d'une brume méphitique, se retrouva, comme en songe, aux côtés de Celle-qui-jamais-ne-mentit.

- Beau cœur naïf, je t’avais dit : Quand tu me rencontreras de nouveau, ce sera pour me voir mourir. Puisque tu es là, c’est que le moment approche. Je ne sais quelle sera ma mort, mais tu y assisteras.

La Nef les guidait vers le royaume d'une reine lépreuse, une île au milieu de rien. Et déjà, un château au donjon fantasque s'y profilait dans l'azur du matin. Barges, bélandres et chalands s'engluaient aux quais émergents. La Nef s'y faufila... Galaad, transfiguré, en compagnie de Perceval tout à son ouvrage d'avec Celle-qui-jamais-ne-mentit débarquèrent.

Où es-tu, preux chevalier ? Le seul qui pouvait s’asseoir à la droite du roi Arthur sur le Siège Périlleux, le seul à tutoyer l'épée de Salomon, comme prédit par Merlin...

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