Lieu insolite

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Le marché de noël grouillait de monde, mais elle ne voyait que son cul bombé. Les gens s’agglutinaient autour des chalets enneigés pendant qu’elle imaginait ses jambes écartées. Chants de Noël jaillissant des enceintes postées aux quatre coins de la place ; pieds qui craquent sur la neige ; froid mordant à travers les couches de vêtements ; rires et discussions animées : le décor parfait de fêtes de fin d’année.

Le ciel opalin étendait son manteau blanc sur les épaules du monde ; suaire glacial parsemé de flocons esseulés. Transis, chacun tentait à sa manière de se réchauffer. Plusieurs personnes se réunissaient en cercle autour des chaudrons en cuivre d’où sortaient des effluves de vin chaud aux arômes fruités et de marrons grillés. D’autres se frictionnaient les mains en contemplant ce que les exposants proposaient.

Une mère et sa fille vendaient de magnifiques mugs customisés, des écharpes aux motifs de rennes et de traîneaux ainsi que plusieurs sortes de vêtements. Un vieil homme en costume de Père Noël proposait des calendriers de l’avent contenant des chocolats, des sachets de thé et même des petites décorations. Des adolescents combattaient le froid derrière plusieurs jouets et peluches.

Marie délaissa le fessier rebondi de sa déesse et scruta la foule : des enfants aux bonnets sûrement tricotés par leur grand-mère s’enfilaient des bonbons à la pelle, des couples se tenaient la main – faute de tenir autre chose en public -, des hommes et des femmes solitaires se rapprochaient, tandis que d’autres semblaient juste vouloir profiter du moment et acheter des babioles ou des friandises.

Elle tendit l’oreille quelques secondes et entendit des conversations sur tout et n’importe quoi : la guerre dans un pays éloigné, l’actualité avec le virus en vogue, le plat qu’untel allait cuisiner dans la soirée, les devoirs que l’enfant d’une autre personne n’arrivait pas à faire… Les mots à la volée glissaient sur elle, des maux si éloignés du moment qu’elle était en train de vivre.

Une voix étouffée engloba le marché.

« Approchez, approchez ! La tombola va démarrer. Un ticket pour un euro et vous allez pouvoir repartir avec plusieurs cadeaux : plusieurs bons de cinq euros sont mis en jeux et utilisables parmi nos exposants, des paquets garnis de pâte d’amande et de terrine, deux trottinettes électriques ainsi que les protections qui vont avec et un chèque de cent euros pour le plus chanceux d’entre vous. »

Marie pouffa. Elle n’avait jamais été friande des jeux de hasard, même s’il lui arrivait à l’occasion de tenter le célèbre Euro Millions ou d’acheter un petit jeu à gratter le jour de son anniversaire. Pas une seule fois, elle n’avait empoché plus d’une centaine d’euros. Elle pouffa de plus belle en voyant la cohue devant l’homme au micro, se frotta les mains pour se réchauffer quelque peu et regarda à nouveau les alentours.

À sa gauche, un couple hors-sol, déconnecté du monde, s’embrassait comme s'il n'y avait qu'eux. Les mains disparaissaient sous les manteaux et les jambes bougeaient au rythme des assauts cachés. À sa droite, assis sur le rebord de la fontaine, un autre couple attirait son regard : un homme imposant et une femme perchée sur des haut talons. La tension sexuelle enflammait l’atmosphère ; alors que la brune susurrait quelque chose, ils se levèrent et disparurent en riant à gorge déployée.

Toute cette chaleur gagna Marie qui sentit son entrejambe frissonner. Elle mordit ses lèvres et contempla à nouveau celle qu’elle désirait tant. Elle dandinait, sa belle de jour, sa belle de nuit, sa belle Hélène. Rien d’une sainte, un côté démoniaque monstre, celle qui peuplait ses rêves se retournait par intermittence pour happer son regard. C’est à ce moment-là que Marie se sentait comme Napoléon, en exil sur les terres affriolantes de sa succube adorée, prête à abdiquer encore une fois devant ses lèvres sensuelles qui l’appelaient. Percluse de désir, son entrejambe frémit à nouveau et elle sentit un liquide chaud couler sous ses bas résilles.

Lentement et faisant attention à être discrète, elle passa une de ses mains sous son manteau puis sous sa jupe. Ticket de métro oblige - « le persil ne dépassait du cabas » comme disait son meilleur ami – la soirée s’annonçait des plus belles et des plus chaudes. Elle caressa son sexe du bout de l’index et ressortit sa main délicatement. Marie se dépêcha de rattraper sa chérie, ne lui laissa pas le temps de dire quoi que ce soit et lui fît goûter son doigt brillant.

  • Oh coquine ! Ce goût, je le reconnaîtrais entre milles.
  • Viens par là, j’ai envie.
  • Mais t’as vu le monde ! Tu veux pas att…
  • Oh hey ! Tu m’excites depuis tout à l’heure et tu crois que tu vas t’en tirer. Jamais de la vie. Viens derrière.

Elles s’éclipsèrent et Marie plaqua sa déesse contre l’un des pans du chalet. Elles s’embrassèrent à pleine bouche, leurs mains baladeuses et leurs respirations calées sur le même rythme du désir. Quand l’une mordait, l’autre la repoussait et la mordait de plus belle à son tour. Si elles pouvaient, elles auraient envoyé valser les vêtements et fait l’amour à même le sol, leurs deux corps si bouillants que la neige auraient fondu dans la seconde.

Hélène se fit exploratrice et passa sa main sous la jupe de Marie, qui ne put retenir un petit gloussement tant ses mains étaient glaciales. Elle fit de même, impatiente de goûter à la sainte cyprine de sa déesse, nouvel hydromel dont elle se délectait depuis de très longs mois. Le tanga déplacé sur le côté, elle la caressa et la doigta plus que de raison.

Leurs doigts dansaient un ballet coquin, le plaisir montait, la température se réchauffait. Elles n’étaient plus dehors, entourées d’inconnus. Elles n’étaient plus que deux, deux amantes, deux amoureuses, deux âmes sœurs. Marie prit le contrôle, pinça les lèvres déjà fort mouillées d’Hélène qui s’étiraient en un sourire mutin, puis glissa un doigt et caressa le clitoris qui se gonflait déjà du plaisir donné et de celui à venir.

Langues humides, avides du nectar divin

S’acoquinent délicatement entre les mailles du destin.

Doigts agiles, gourmands des corps entravés

S’enserrent tendrement, tirent les chaines brisées.

Elles égrènent sur leurs corps infernaux

Des notes sibyllines au fier tempo.

Femmes fatales, libertines, lubriques :

Concerto sensuel de deux âmes euphoriques.

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