La main rouge.

4 minutes de lecture

C’était l’heure où le soleil envoie à la terre ses baisers les plus ardents, où tous ceux qu’une absolue nécessité ne chasse point au-dehors, cherchent un peu de fraîcheur et de repos sous les tentes en poil de chameau ou à l’ombre maigre d’un bosquet rabougri.

Il foula à grands pas le sable vermeil regagnant sa tente devant laquelle de nombreux guerriers vêtus de blanc de pieds en armes l’attendaient.
L’un d’eux, qui devait être leur chef pris la parole.
C’était un homme à l'image du désert, maigre, sec comme un acacia. Il était élancé à l'image d'une dague de bronze, son port était facile, élégant et son geste comme sa parole étaient nobles.

  • Ô chef illustre et généreux, j’entre chez-toi. Moi, Al-Garci, chef des tribus du Sawhaa, maître de 15 oasis, patriarche du clan des Garcidis, je viens t'offrir notre alliance.
  • Ce sera pour ton bien et pour la justice, s’il me plaît. Mais ici il n'est point question d'alliance mais de protection. Moi Samaël, prophète du désert, je t’accorde ma bienveillance et suis heureux de compter parmi nous les fiers guerriers de tes tribus.
  • Ici qui parle de protection ? Je puis lever autant d'hommes que toi, mon nom suffit à faire trembler des citées entières.
  • Alors, que fais tu ici ?
  • Comme je te l'ai dit je viens négocier une alliance.
  • Une alliance ? Je n'en ai que faire, je suis Samaël, veux tu que je t'apprenne le respect, ce que vaut la vie ou la liberté d'un chef de clan ici ?
  • Tu n'en feras rien car je suis sous ta tente et quoi que tu sois un monstre, tu n'en respectes pas moins les lois du désert.
  • C'est vrai, mais que te coûte ta soumission ?
  • Je suis homme libre et comme le soleil m'éclaire ici comme il nous éclaire tous je n'ai d'autre maître que ma volonté.
  • Comme c'est joliment dit. Mais pour ce qui est de lever une armée, pour ce qui est de faire trembler les cités je n'en suis plus là, mon ombre déjà fait trembler des nations et tomber des villes. Aussi pourquoi ne médites-tu pas mes paroles ? Veux-tu que toi et ton peuple soyez proscrits parmi toute l'immensité du désert ? Je vois que tu réfléchis, tu sais que j'ai raison et qu'il vaut mieux... oui tu voulais parler ?
  • Oui, si ce qu'on dit de toi en vrai, tu as sûrement raison. En gage de notre loyauté, permets-nous de t’offrir ce présent.

Il leva la main, dix hommes portant difficilement un coffre s’avancèrent et sans attendre le posèrent devant Samaël.

  • Aux confins de nos terres, nous avons trouvé une larme de la grande Lune. Nos forgerons ont réussi à forger cela. Quand je dis forger ce n'est pas le terme exact... enfin rends toi compte Noble Samaël.

Il ouvrit le coffre.
Sur un coussin, était posé une sorte de marteau ou plutôt une masse à la lourde tête noire et luisante. Le manche ainsi que la cage qui retenait cette pierre rhomboïdale était du meilleur acier cimmérien.

  • Nul homme ne peut le manier, nos forgerons ont été incapables de la travailler... mais il est vrai que tu n’es pas un homme. Reprit-il avec un léger sourire.

Samaël sourit également.

  • Je n’attendais de toi que le merir*. Me mettrais-tu à l’épreuve Al-Garci ?
  • Je n’oserai pas, prophète.
  • Mais tu penses… D’ailleurs à quoi penses-tu ? Et ce disant, il saisit l’arme d’une main comme s’il s’agissait d’un jouet. Ah oui, tu voulais une preuve… Et si moi, j’en voulais une de ta loyauté ?

Al-Garci blêmit en le voyant jouer avec le marteau.

  • Ce présent, n’en est-il pas une ?
  • Il est vrai que c’est un présent digne de moi, mais pourtant... Je ne suis pas satisfait, peut-être à cause de ce que je sens comme une marque de défiance dans tes silences et tes actes.
  • Si par hasard, je dis bien par hasard, mon clan et moi avions le moindre doute... Tu viens de le lever aussi facilement que ce marteau. À partir de ce jour, nous te serons fidèles et dévoués jusqu’à la mort.
  • Si cela est vrai... Sors de ma tente et donne-moi ta vie.

Mais à ces mots son escorte mit la main au fourreau.
Al-Garci blêmit, il savait maintenant qu’on ne pouvait rien refuser à Samaël.
Il fit un geste pour calmer ses hommes et dit :

  • Comment veux-tu que je procède ?
  • Tranche-toi les veines ! Le désert a soif du sang des braves, si tu es un brave, que ton sang nourrisse mon désert !
  • Que ta volonté soit faite. Car ainsi parle le Saigneur ! Il prit son poignard à la lame courbe et se trancha les veines.
    Dans un surcroît d’orgueil et de fierté, il lui dit :
  • Tiens prends aussi ma lame en cadeau, ainsi, tu te souviendras que les Al-Garci n’ont qu’une parole, quoi qu’il leur en coûte. L’homme était resté debout et le sang de ses poignets coulait formant deux flaques brunes qui déjà séchaient à ses pieds.
    Samaël s’approcha lentement, se pencha, posa sa main droite bien à plat dans le sang, puis il regarda sa paume, écarta les doigts et tout aussi lentement, il se redressa, il croisa le regard résolu et fier de celui qui attendait la mort.
  • Tu es courageux et intelligent. Qu’on lui bande les poignets ! Désormais, tu seras mon bras droit et que pour que tous le sachent… Il appliqua sa main écarlate aux doigts écartés sur la cape et la rondache d’Al-Garci.
    Ainsi, naquit un ordre mystérieux.
  • Comment vous nommer ? Vous les hommes d'Al-Garci ? Mes hommes de mains ? Non cela fait pillards. Non plutôt les hommes de ma main ou plutôt les hommes de la main, oui c'est bien, les hommes de la main... et puis non. Après tout vous êtes des pillards, alors va pour les Hommes de la Main Rouge.

merir*: cordon en poil de tri-bosses ou en laine qui retient le kefieh sur la tête, donner son merir signifie que l'on se décharge sur le nouveau possesseur du soin de son honneur, c'est aussi le reconnaître pour chef.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire sergent ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0