Chapitre trois

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Inspirer, expirer. C'était tout ce que j'avais à faire. Respirer profondément et ouvrir cette porte. Anna avait eu de la chance, elle était tranquillement installée dans la salle. Elle m'avait envoyé en SMS pour me dire sa place exacte. J'avais juste à rentrer et à m'installer. Je ressentais juste une petite appréhension, comme un artiste entrant sur les planches lors d'une représentation.

La pièce était retombée sur Pile. Dans le fond, même si j'adorais être un brin démoniaque, j'aurais préféré avoir une année plus tranquille. C'était déjà moi le démon l'an dernier... du moins pendant le premier mois. Anna voulait faire une crasse à une fille et nous avions échangé nos rôles, rapidement. De toute façon, c'était toujours comme ça, on échangeait souvent nos caractères. C'était beaucoup plus amusant.

Il fallait que j'y aille. Je remis mon casque de moto sous mon bras et je poussai la porte. C'était un amphithéâtre et j'étais tout en haut. Je venais d'apporter de la lumière dans cette obscurité. Je ne fermai pas la porte et je vis des visages se tourner vers moi. Même le directeur cessa de parler une petite seconde avant de reprendre. Je prenais mon temps pour deux raisons. La première c'était que je marquais les esprits. Les rebelles ne se dépêchaient jamais. Le monde leur appartenait. Et la seconde c'était que je ne voyais pas du tout où était ma sœur. Mon téléphone vibra et je m'arrêtais en milieu d'escaliers. Encore deux rangs. Superbe entrée mec. Je repérai la rousseur des cheveux de ma sœur et je pris place à côté d'elle en soupirant. Elle leva les yeux au ciel et parut agacée que je m'asseye à côté d'elle. Elle avait un bloc à la main et prenait des notes. J'y jetai un coup d'œil tout en prenant mon téléphone sur la tablette de l'amphi. Je n'écoutai absolument pas le discours, je jouais sur mon téléphone. Je reçus un message de Rick, plus exactement une photo de Rick. C'était une meuf à poil. Je crois que mon ex veut que je me.. Je n'eus pas le temps de lire la suite parce que j'entendis un rire masculin juste derrière moi et la fameuse phrase : Mate ce qu'il y a sur son tel. J'avais horreur de ça. Qu'on regarde par dessus mon épaule. Je retournai au message de mon ami « mon ex veut que je me sente seul. Comment lui dire que je préfère ma main à sa bouche ? ». Je fis mon possible pour ne pas éclater de rire. Je laissai mon téléphone au plus près d'Anna et je la vis sourire. Elle posa son crayon et applaudit en même temps que tous les autres. Je ne le fis pas. Je n'étais pas hypocrite à ce point. 
-Tu peux me faire un résumé en moins de 20 mots ? demandai-je à ma jumelle à voix basse.
-Nouvelle année, nouveaux profs, youpi, travail, diplôme, grande institution, fierté, dignité, fraternité, dortoirs non mixte, au secours, pendaison.

-Merci. 

J'applaudis à mon tour et je vis les gens en train de se lever. La fille à côté de ma sœur se pencha vers elle pour lui parler alors qu'elle prenait son téléphone. Je me levai pour partir à mon tour et sortir de cet endroit. Mon téléphone vibra. On se rejoint plus tard. On doit retourner aux dortoirs, et tu dois trouver ta chambre. J'attends ton SMS et l'emplacement de ton lit.

Je ne savais pas où aller, c'était le souci avec un nouvel établissement. Aussi je décidai de me la jouer cool et de visiter. Je n'en avais jamais eu l'occasion avant puisque Lord Hamilton s'était chargé de l'inscription.
-Monsieur Hamilton.

Je me retournai en entendant mon nom et je vis un homme que j'identifiai comme étant le directeur venir vers moi. Je souris et je lui tendis la main pour qu'il la serre. Je voulais être sur un pied d'égalité avec lui. Mettre les choses au clair. Je n'étais pas un élève comme les autres. Le directeur avait des cheveux blonds cendrés et des yeux verts. Il avait l'air sympathique. Il me serra la main. 
-Monsieur.. Lightwood ?
-Oui, c'est ça. Colin ! interpella-t-il un jeune homme. Tu peux montrer à ce jeune homme où est son dortoir ?
-Vous tutoyez souvent vos élèves ? demandai-je le sourcil levé.
-Seulement quand ils ont la moitié de mes gènes. J'espère que vous vous plairez dans notre établissement. 
-J'espère aussi monsieur. 
-Oh.. La prochaine fois, arrivez à l'heure jeune homme. Sinon vous serez sanctionné.
-Souci de moto sur la route, fis-je en agitant son casque. Je ne l'avais pas prévu. 
Se prendre une retenue le jour de la rentrée aurait été un record pour moi mais Lord Hamilton n'aurait pas du tout aimé. Le directeur hocha la tête et je suivis son fils. Ce dernier ne prononça pas un seul mot.
-Soyons bien d'accord, je te montre ton dortoir, ça ne fait pas de moi ton meilleur ami, juste un fils qui obéit à son père.
-Ça me va très bien, mon meilleur ami le prendrait très mal si je le remplaçai par un autre blond. Je suis là pour avoir mon année, pas pour me faire des amis, alors parle-moi, ne me parle-pas, ça reviendra au même.
-T'es un rebelle toi.
-Je vis ma vie comme je l'entends. 
Le fils du directeur eut un sourire en coin. 
-Colin Lightwood, dit-il en me tendant la main.
-Adam Hamilton. 
-Okay Hamilton, voilà comment ça marche ici. Les gens viendront vers toi d'eux-même. Ils te demanderont probablement ce que font tes parents pour savoir s'ils doivent s'attacher à toi. Je parle des meufs bien sûr, mais certains mecs sont comme ça aussi. Je vais être sympa et te donner deux conseils : Évite les gens qui te demanderont le métier de ton père. Le second, c'est que si tu n'aimes pas le foot, fais semblant d'aimer ça.
-J'ai juste une question, est-ce qu'il y a un starter pack avec une corde et une flasque comme dans mon ancien établissement ?
Lightwood s'arrêta et me fixa avant de se mettre à rire.
-Putain je t'ai cru. T'es con Hamilton.
Nous sortîmes de l'établissement et vîmes un parc dont l'herbe était impeccablement coupée. Nous traversâmes la cour pour nous éloigner du bâtiment principal. Le fils du directeur s'arrêta devant une porte et montra le bâtiment juste en face. 
-Celui de là-bas est celui des filles. Celui-ci, celui des mecs. Les filles sont interdites dans les dortoirs lorsque la porte est fermée. Et le surveillant de notre dortoir est un Argus Rusard, si tu vois la référence.
-Laisse-moi deviner, je suis britannique, je sais lire, et je porte un uniforme sous mes fringues de moto. Tu crois vraiment que j'ai jamais lu ou ne connais pas Harry Potter ?
-Oh tu sais, on a plus d'amateurs de littérature du XVè que d'amateurs de littératures actuelles ici.
Il poussa la porte et je fus frappé par l'odeur de bois et de musc. C'était clairement un endroit où des meufs ne venaient jamais.
-Bonjour monsieur Stevenson, voici Adam Hamilton, il aimerait connaître son dortoir.
Il avait raison. C'était un Argus Rusard. Mais grimé en Severus Rogue. Il était aussi grand que Lightwood et moi, maigre, avec de longs cheveux noirs noués au catogan, il avait un nez presque crochu et de petits yeux enfoncés dans son crâne. Son teint était olivâtre. Ce gars n'avait jamais dû pécho dans sa vie. J'étais tellement en train de l'observer que Lightwood m'écrasa légèrement le pied pour me ramener à la réalité.
-Merci monsieur, répondis-je avant de suivre mon camarade.
-Les étages sont attribués en fonction du niveau d'étude. Dernière année, dernier étage, m'expliquait Lightwood alors qu'il me précédait dans les escaliers en chêne massif.

Il m'emmena au dernière étage sans ascenseur et je remarquai avec plaisir qu'il n'y avait que mes bagages dans la chambre alors qu'il y avait deux lits. 
-Tu as de la chance. Tu as une chambre individuelle visiblement. Au moins, tu ne te retrouveras pas avec un con. Je suis la porte à côté avec mon meilleur ami, Seth, ajouta-t-il avec un petit sourire en coin. S'il te manque un truc, n'hésite pas.
-Je croyais que tu ne voulais pas devenir mon ami.

-Je t'ai dit d'éviter les gens qui voudraient connaître ton CV, je t'ai rien demandé de tel. Et puis, mon père risque de criser. Personne ne veut voir ça. Pas moi en tout cas. En plus je suis de bonne humeur. À plus Hamilton.
Il ferma la porte de ma chambre. Je retirai mes habits de moto faisant apparaitre mon uniforme. Je posai mon casque sur le bureau avant d'appeler Anna.
-Salut Bella, chambre individuelle.

-Tu es sérieux ? Tu as de la chance toi, je suis avec une fille, Gladys. Elle est.. innocente et elle a emmené son nounours. 
Je me mis à rire. 
-Je suis au dernier étage, je vais ouvrir la fenêtre. Dis-moi si tu me vois.

-Je suis déjà à la fenêtre. J'ai envie d'en griller une Adam, juste pour faire chier les bien pensants mais les gens bien ne fument pas. 
J'ouvris la fenêtre. Anna était juste en face de moi. De l'autre côté. Sa jambe pendait dans le vide. Elle me fit un signe et je répondis.

-Au moins, tu seras la première personne que je verrai en ouvrant la fenêtre. 
-C'est vrai. Anna, ce n'est que quelques mois. Et puis, j'ai un lit en plus dans ce dortoir. Tu viens quand tu veux. 
-J'en avais bien l'intention. Tu as garé la moto où ?
-J'ai loué un des garages juste au bout de la rue pour l'année. On va pouvoir ranger notre voiture aussi. 
-Gé-ni-al. Tu as parlé à des gens ?
-Un gars, il a l'air sympa. Je ne l'ai pas encore bien cerné, si ce n'est que c'est un bon fils à Papa qui n'a pas envie de se rebeller mais qui aimerait le faire. Et notre surveillant est apparemment un Argus Rusard qui ressemble à Rogue.
-La nôtre est vieille et sent la naphtaline. Gladys m'a dit que c'était une peau de vache. Et après elle a rougi et gloussé parce qu'elle avait dit peau de vache. Je vais m'éloigner de la fenêtre, j'ai un peu la nausée et avec le vide... J'aurais pas dû regarder en bas, j'ai un peu le vertige.
-C'est l'alcool. Colle-toi deux doigts dans la bouche, dis-je en m'éloignant à mon tour. Je te mets en haut-parleur.
Je commençai à ranger mes affaires tout en parlant avec Anna. J'installai mon enceinte et mis de la musique doucement. Le son était impressionnant. Ça m'avait coûté une fortune mais ça valait le coup. 
-J'entends ma coloc, je raccroche. On se parle tout à l'heure.
-Oui, bien sûr.
Anna raccrocha et je sifflotai tout en mettant mes valises dans l'armoire. Il fallait que je change la déco de cet endroit. Ça allait devenir ma caverne pendant plusieurs mois. On frappa à la porte.
-Entrez, dis-je en triant mes cravates par taille dans la commode.
-Hamilton ?
Encore lui ? Il n'allait pas me lâcher ? Je me retournai et je vis un mec métis. Je ne pensais pas qu'il y avait des métis dans cette école ultra élitiste. Je trouvais ça cool.. Il était plus grand et je pouvais voir le dessin de ses muscles sous son T-shirt. Mais ce n'était pas la chose la plus remarquable chez lui. Il avait de grands yeux verts immenses, entourés de cils fournis. Un regard très doux.
-Je te présente Seth. 
Je n'avais même pas vu Lightwood. Je m'approchai du fameux Seth et lui serrai la main. 
-Excuse-moi, je n'ai pas compris ton nom de famille.
-Logan D'Arcy. Mais tout le monde m'appelle D'Arcy. Putain, les enceintes de folie.

-Ah oui, je me suis fait ce cadeau l'an dernier. 

Je regardai D'Arcy s'approcher de mes enceintes dernier cri avec un petit sourire de satisfaction. 
-J'avoue qu'elles sont splendides, répondit le fils du directeur en entrant un peu plus dans ma chambre. Tu as même une vue sur le dortoir des filles. Les filles ont tendance à oublier qu'on peut les voir. Elles se déshabillent presque toutes dans leurs chambres, la lumière allumée. Elles ne tirent pas les rideaux.
Intéressant. J'allais devoir prévenir ma sœur. 
-Je me souviens le mec qui était dans cette chambre, il monnayait la vue. Et laissait les mecs de dernière année venir ici pour mater. Je n'ai jamais compris l'intérêt.
-J'en vois pas mal personnellement, répondis-je en riant. 
-Enfin, je veux dire de payer pour mater. En tout cas, il s'est fait plusieurs milliers de livres. La vue coûtait chère.
-Dois-je comprendre que tu veux venir te vider dans ma chambre ? 
Colin Lightwood se tourna en riant. Il avait légèrement rougi.
-Non merci, mais c'est gentil de proposer. 
-On est juste venu te dire que les douches étaient au fond du couloir, intervint son meilleur ami. Et on avait l'intention de se faire un tournoi de babyfoot avec certains.. si ça t'intéresse de venir.. 
-Si vous n'avez pas peur de vous faire éclater par un rouquin.
Lightwood éclata de rire et je ne compris pas pourquoi. 
-Seth a dit la même chose : Si vous n'avez pas peur de vous faire éclater par un métisse. Bon, suis-nous Hamilton. 

Je les suivis. Se faire intégrer par les autres était toujours plus facile que de s'intégrer tout seul. Du moins, c'est toujours ce que j'avais pensé. Je n'avais pas eu à m'intégrer depuis longtemps. Il y avait une sorte de salle commune avec des canapés, un billard, un babyfoot. Sur le côté je vis un espace de travail avec des tables. 
-Et de ce côté, il y a une cuisine, me disait Colin. On est réapprovisionné toutes les semaines. Sauf pour les gâteaux etc.. on doit se débrouiller tout seul. 
J'hochai la tête et je vis ce qui devait être mes futurs camarades. On me présenta, je serrai des mains. Un mec avec des cheveux bruns et un teint pâle me fixa.
-Je propose qu'on s'amuse un peu et qu'on mise sur la partie. Celui qui gagne rafle tout l'argent. 
Il essayait de me tester. C'était évident. 
-Okay. De combien est la mise de départ. 10£ ?

-Je pensais plutôt à 500, répondit le garçon. 
J'en vis certains en train de faire la gueule et mes deux camarades de palier déclinèrent du coup le tournoi. Je plissai des yeux. Je pris mon téléphone et j'appelai Anna, tout en m'éloignant.
-J'ai besoin de 750£. 
-Tu te fous de moi ?
-S'il-te-plaît. Je te rembourse au moment du repas.
-Okay, j'arrive.
Je sortis de la salle, remontai dans ma chambre et sortis ma valise de billets. J'étais un peu dégoûté de dépenser tout mon argent d'un seul coup. Je pris 750£ que je fourrai à l'intérieur de ma veste et je sortis en même temps qu'Anna.
-Tournoi de babyfoot.
-Tu les as prévenus que tu as appris avec le champion du monde ?
-Non. Je vais leur raquer leur argent. On est 6 à jouer, je vais payer pour deux autres. 
-Je veux la moitié de tes gains et tu me payes le restau.
-Vendu.

Je pris l'argent de ma sœur et je rejoignis mes camarades. Ils étaient en train de s'engueuler apparemment. Je revins et je balançai l'enveloppe sur la table devant eux.
-On y va. J'ai payé pour vous, ajoutai-je pour Colin et Seth.
-Tu viens de sortir 1500£ de ton placard ? hallucina le gars qui avait lancé le pari.
-La moindre des choses quand on lance un défi c'est d'avoir les moyens de le soutenir, répondis-je sèchement. Dois-je comprendre que c'était une parole en l'air ?
-Bien sûr que non, répondit le gars brun. Je reviens. 

Je savais reconnaître un gars qui flippait. Il pensait que j'allais me défiler. C'était mal me connaître. Et un gars qui flippait avant de commencer une partie ne pouvait pas s'en sortir. Les autres garçons allèrent chercher l'argent également.
-Tu n'aurais pas dû, ça me gêne vachement..

Je me tournai vers Seth. 
-Si vous gagnez, vous me rembourserez. C'est qui ce mec en fait pour être aussi arrogant ?
-Julien ? Son père vient d'être nommé Conseiller privé au Cabinet. Il est insupportable, répondit Colin. 

Il se tut quand le gars revint, il n'avait pas l'air aussi détendu. Je pouvais être beaucoup plus arrogant que lui. Je lui fis un sourire qui lui fit perdre tous ses moyens. Je me retrouvai en finale face de mon arrogant camarade. 
-Alors ? ça te fait quoi de perdre 500£ ? D'autant plus que je vais probablement me payer une pute avec cet argent ? 

Premier but de ma part. Je souris. 
-Ou alors je vais m'acheter de la coke. à 50£ le gramme, je vais pouvoir m'amuser ce week-end.

Deuxième but de ma part. 
-Ou alors je vais faire les deux. Sniffer de la coke sur un corps nu. C'est presque aussi grisant que de lécher de la chantilly sur des parties intimes.

Troisième but de ma part. Mon sourire s'agrandit. Dans deux buts, je raflais la somme. Je me dis que j'allais lui laisser un peu de la marge au lieu de lui infliger un 5-0. Je le laissai marquer un but et je lui en collais deux. Je pris mon argent.
-L'important c'est de participer. On se la refait quand vous voulez les mecs. 

Je remontai dans ma chambre. Je devais rendre les 750 de ma sœur et je lui avais promis la moitié de mes gains. Je rangeai dans l'enveloppe et je remis mon argent à sa place. Je mis de la musique et je pris un livre. 

Mes voisins de pallier vinrent me prévenir qu'il était temps d'aller dîner. Ils étaient plutôt sympas. Surtout Seth. L'autre était un petit peu trop BCBG pour moi. Mon téléphone vibra. « Apparemment on a pas le droit de sauter de repas ici. Fais chier, j'ai pas faim. » Anna n'allait pas bien. Ça ne me fit pas rire du tout. Je n'aimais pas la savoir aussi mal. Je reçus un autre SMS. « En plus, on est les dernières filles à y aller, parait que tous les trucs diététiques partent rapidement. Fais encore plus chier. » Au réfectoire, je vis tout de suite qu'il ne restait qu'un bol de soupe. Je décidai de le prendre ainsi qu'une assiette de légumes, et un fruit.
-Putain, tu te la joues diététique ? 

J'étais assis à une table de mecs. Ils avaient tous pris des hamburgers. J'allais répondre à cette interpellation quand je vis Anna. Je levai la main et elle arriva vers moi. Elle posa son plateau, composé de gras et de gras avant de regarder le mien. Elle avisa de la présence de tous les garçons et rougit innocemment. Elle était mignonne comme tout. Elle jouait son rôle à la perfection. Elle m'embrassa sur la joue rapidement et nous échangeâmes nos plateaux. Nous n'avions pas besoin de parler. 
-Anna ? Tu viens ?
Elle se retourna et suivit une fille asiatique. 
-Tu la connais ? demanda un gars qui s'appelait Sam.
-C'est ma jumelle. 
-Ah ouais. Elle a l'air.. tellement différente de toi.
-On nous dit souvent ça.
-Et tu lui as pris la dernière soupe ? C'est très prévenant de ta part, sourit Seth en coin. 
-Ouais, elle est malade. Il faut nécessairement prendre soin d'elle, soupirai-je en levant les yeux au ciel. Et..
Anna avait laissé son sac sur place à côté de moi.
-Et elle a oublié son sac, cette tête de linotte. Excusez-moi. 
Je sortis discrètement l'enveloppe, la glissai dedans et je me rendis à sa table. Je vis une fille piquer un fard en me regardant. Je lui rendis sans un mot avant de retourner à ma place. Elle avait fait exprès, je l'avais bien compris. Je n'avais pas mangé de burger depuis des lustres. Les mecs parlaient foot et je les écoutais. Je n'étais pas très sport d'équipe à plus de deux. Je m'y connaissais un peu comme tout le monde, c'était pas mon truc. C'est à ce moment que je compris qu'ils en faisaient pratiquement tous autour de la table, dans l'équipe du lycée.
-Et vous êtes bon ? 
-Ouaaais ! Tu n'as jamais entendu parler de notre équipe ?

-Je n'ai pas vraiment suivi les compétitions de mon ancien lycée.

-D'ailleurs pourquoi tu as changé ? 
Ils me regardaient tous.
-Je me suis fait virer en fait. J'ai pas vraiment eu le choix.

Ils restèrent bouche bée.
-Qu'est-ce que tu as fait ?
-J'ai fumé, j'ai bu.. à mort. Une fois j'ai tellement bu que j'ai vomi sur mon prof de maths, je suis arrivé en retard, plein de fois. J'ai été insolent aussi. Je pense avoir récolté plus de colles que n'importe qui. Enfin bref. Je ne préfère pas en parler.
Je ne pouvais pas dire que j'avais été surpris avec mon ex en pleine action dans le placard à balais et que j'avais menacé un plus jeune. Il avait tellement été traumatisé qu'il avait tout simplement cessé de parler. Par ma faute. Je m'en voulais.. Et puis il y avait tellement d'autres choses et je ne voulais pas monopoliser la parole.
-Et vous ? Vous êtes là depuis longtemps ?

Je m'en foutais mais je changeais de conversation. J'en profitai pour observer les gens autour de la table. Ils étaient en train de rire, de s'animer sauf une personne. Seth Logan D'Arcy. Il était en train de me regarder, accoudé sur sa chaise. Il semblait n'en avoir absolument rien à faire de ses autres camarades. J'en étais presque gêné en réalité. 
-Et toi D'Arcy, pourquoi tu n'utilises pas ton nom en entier ?
-Logan est celui de ma mère et je n'ai plus vraiment de contact avec elle. Je préfère la rayer de mon nom. C'est plus simple de toute façon. Qu'est-ce que tu vas faire avec ton argent ?
-Le dépenser, probablement.
-Il y a une boutique sur le campus où tu peux aller acheter des trucs.
-Des goodies à l'effigie des enseignants ? 
Colin eut un léger sourire.
-Non, de la bouffe, des T-shirts, du déo... enfin les trucs de première nécessité. 
-Oh, on peut acheter des capotes avec l'écusson de l'école ? Parce que j'ai un bon paquet de potes que ça pourrait bien faire rire..
-Tu es tellement décomplexé.
-J'ai passé l'âge difficile. Qu'est-ce qu'on peut faire ici de fun ? On a le droit de partir de l'établissement ? Je me ferai bien un ciné.

-Heu.. on est en internat.
-Et ?
-On ne sort pas en semaine. Nous avons le droit de sortir pendant le week-end pour ceux qui ne rentrent pas chez eux. Et parfois le vendredi soir. 
-T'es sérieux là Lightwood ?
-Très sérieux. 
-Okay, on va improviser alors. Une partie de poker dans ma caverne, ça intéresse quelqu'un ? Pas d'argent en jeu. Je vais pas vous rafler tout votre argent mon premier jour..
-Très peu pour moi les jeux d'argent, répondit Colin. Mais allez-y.

Nous sortîmes du réfectoire. Il faisait froid et je refermais ma veste d'uniforme. Colin resta avec nous pendant la partie, il regardait par ma fenêtre et il se plongea dans la lecture d'un livre. John Keats, apparemment. Hum. Choix intéressant.. J'aurais bien aimé inviter Anna, elle adorait jouer aux cartes. Elle devait sûrement être avec les filles du réfectoire et je ne voulais pas la déranger. En plus, je n'avais pas eu de nouvelles depuis.. tout devait bien se passer. Du moins, je l'espérais.


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