Démons d'antan

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-Tu vas bien ?

-Oui.

Mensonge.

Mais que pouvais-je répondre d’autre ? Que rien n’allait plus ? Que chaque jour n’était qu’un enfer ? Que je ne trouvais plus goût en rien ? Que je haïssais ce monde comme je n’avais jamais haï ?

Je choisissais de me taire. De fermer cette bouche d’où ne sortait que des sottises. Je ne pouvais plus risquer de me détester encore plus par des paroles insensées. J’étais déjà pitoyable. Je me dégoutais plus que tout. Je me dégoutais de me plaindre sans arrêt. C’était trop simple de se plaindre. Je me dégoutais de jeter une assiette entière sous prétexte de devoir avaler de la nourriture pour chien qui aurait plu à tant de gens. Je me dégoutais d’être consciente de tout cela et ne rien faire pour changer. Je me dégoutais sur tous les points.

Mais j’étais si naïve de croire qu’il me fallait simplement attendre que l’humanité toute entière crève pour résoudre mes problèmes. J’étais naïve parce que j’espérais encore qu’un militant changerait le monde en se battant. J’étais naïve parce que je savais que je resterais toute ma vie enfoncée dans mon lit sans bouger mon cul pour que le monde change. J’étais naïve de croire en des choses en sachant que le contraire serait bien mieux.

Je laissais simplement mes larmes couler à l'infini. J’attendais que le bonheur vienne à moi sans savoir que c’était moi qui devais aller à lui. Parce que personne ne voudrais jamais m’en offrir. Parce que j’aurais passé ma vie à aimer, à rêver, à espérer, sans me rendre compte que mes efforts n’allaient que dans un sens. Sans me rendre compte qu’en réalité, j’étais seule. Plus que tout, j’étais seule. Seule dans un monde qui n’en avait que faire de ma présence.

Je haïssais cette réalité. Je me haïssais de m’en être rendue compte si vite. Je me haïssais d’avoir osé la regarder en face. Tout ce que j’avais aimé, j’avais fini par le haïr. Surtout moi. Je m’étais adorée. Je m’étais crue au-dessus de tout. Je m’étais imaginée reine de l’humanité.

Je me répugnais.

Je me demandais pourquoi j’étais née. Pour polluer l’air ? Pour emmerder le monde ? Pour salir la vie de la tâche noirâtre que j'étais devenue ?

Je me détestais.

Je me détestais.

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