Chapitre 10

5 minutes de lecture

Ecrit en écoutant notamment : Vortek’s – Le Sol Commence à Bouger [HardTrance]

Point de vue Mia (mercredi, vers 19h)


Il est temps de se lancer, même si je n’utilise vraiment pas la technique la plus noble. Alors qu’il est allé profiter de la PlayStation 4 du fils des voisins, je me glisse dans la chambre de mon frère et trouve son smartphone posé sur sa couverture.


Évidemment, il y a un code. Je ne me laisse pas dérouter et me mets à réfléchir : qu’est-ce que j’aurais bien mis à sa place ? Mais oui ! Depuis deux semaines, il se pavane comme un coq avec sa nouvelle copine. J’espère que sa fierté abusive le piégera pour une fois.


Je sors mon propre téléphone, tout juste offert par mes parents au début de l’année scolaire, et entre le nom de sa copine dans la barre de recherche de Facebook. Plusieurs profils s’affichent, mais vu comme il se complaît à montrer des photos d’elle ces derniers jours, je reconnais immédiatement le bon. Je continue ma navigation jusqu’à trouver sa date de naissance : 21 décembre.


J’essaie donc de taper ‘2112’, et la magie opère. Tu me déçois frangin, c’était presque trop simple ! Tu es vraiment comme tous les autres mecs ! Je m’empresse de consulter ses messages, ceux échangés avec Michaël. Je n’ai pas le temps de commencer à lire que j’entends des pas dans l’escalier. Reconnaissant ceux de mon frère, je réfléchis à deux mille à l’heure, et ma curiosité étant décidément bien trop forte, je sors de sa chambre en courant et me dirige vers la salle de bain pour m’y enfermer.


Quelle surprise en lisant un message de lundi dernier ! Mon cousin Michaël qui serait gay, ça pour le coup, c’est tellement improbable que je viens à douter de l’authenticité de cette affirmation, même si le contexte a vraiment l’air de le confirmer. Il n’empêche que cela pourrait expliquer pas mal de choses, surtout avec nos parents qui sont si peu tolérants.


Je me remémore avec plaisir cette fantastique scène d’il y a deux ans, en plein débat concernant le mariage gay : mes parents avaient voulu nous emmener manifester avec eux contre le projet de loi du gouvernement. Mon frère les avait accompagnés nonchalamment, comme on irait faire des courses, mais moi, du haut de mes dix ans, je leur avais envoyé un « Non ! » catégorique à la figure. Ils savaient qu’ils avaient une fille caractérielle, mais ce jour-là, ils en étaient restés littéralement scotchés.


— Ce n’est pas parce que je n’ai que dix ans que je n’ai pas le droit d’avoir mon propre avis ! leur avais-je balancé aussi sèchement qu’un sirocco brûlant.


Enfin, c’est l’effet que ça a eu… Ils sont devenus instantanément rouges vifs. Je n’ai jamais su si c’était de la colère ou de l’embarras, car ils sont partis sur le coup et ne m’en ont plus jamais reparlé.


Point de vue Michaël :


Le mercredi soir, je m’endors avec une rare sensation de volupté, peut-être même plus agréable que celle que ma main gauche pourrait me procurer. J’ai à peine le temps de me rappeler que, dans 3 jours, je vais pouvoir aller chez mon ange, que je commence à sombrer dans un sommeil profond.


La fin de semaine me paraît très longue, mais avec l’expérience, je commence à apprécier simplement l’attente des bons moments. Il suffit de se convaincre du fait qu’il vaut mieux qu’un évènement plaisant soit à venir que passé. Enfin bref, assez de considérations pseudo-philosophiques, de toute façon, ce n’est pas vraiment mon fort en cours. J’ai d'ailleurs un peu de mal à suivre les diverses élucubrations de notre cher M. Castagnier en ce début d'année. D’ailleurs, aujourd’hui, il nous a expliqué les fondements philosophiques de l’idéologie marxiste, et devinez-quoi ? On aurait dit un chaman en pleine transe extatique.


Quelques heures plus tard, la dernière sonnerie de la semaine ayant retenti, je ressens une violente montée d’excitation, mais je sais qu’il faudra que je me contrôle face à mon frère Nathan.


Quant à lui, mon père revient de son travail avec un sourire radieux, ce qui nous surprend tous, habitué qu’il est à débarquer en râlant encore sur ses employés, qui sont trop stupides, lents et inefficaces à son goût.


— Ce soir je vous emmène tous au restaurant, il faut bien que nous fêtions les bons résultats de l’entreprise cette année!


Nous nous montrons tous les trois très enthousiastes, car c’est plutôt rare que nous sortions le vendredi soir en famille.


Je pensais commencer mes recherches pour mon travail en anglais, mais ça attendra demain matin, d’autant plus que je risque d’être réveillé assez tôt, tellement je suis impatient de voir Morgan. J’espère arriver à terminer son devoir de maths assez rapidement pour qu’on ait le temps de faire autre chose !


Arrivés au restaurant et enfin confortablement installés, notre père nous encourage pour une fois mon frère et moi à commander une bouteille de vin avec lui.


— Vous êtes des hommes maintenant, non ? dit-il en fronçant légèrement les sourcils quand son regard croise le mien.


Oui, ce n’est pas parce que je suis gay que je ne suis pas un mec, un vrai. A l’instar de Nathan, je fais seulement mine de consulter la carte des vins, mes connaissances étant très limitées sur le sujet. Comme d’habitude, ma mère, beaucoup trop prévenante, lâche, inquiète :


— Oh, chéri, tu ne crois pas que c’est un peu fort pour les jeunes ?


Nous la dévisageons tous les trois d’un « Non ! » en chœur, qui nous fait partir dans un fou rire. Seulement, je fais peut-être le malin, mais ce n’est vraiment pas dans mes habitudes de boire de l’alcool, je ne sais pas trop comment je tiens, et je redoute potentiellement le moment à partir duquel la désinhibition pourrait tromper ma vigilance ! Surtout à propos de Morgan ! Le repas se déroule dans une ambiance familiale tout à fait sympathique, à mesure que nos verres se vident et se remplissent.


Le sujet de la discussion finit par dévier sur le foot, et comment se profile la nouvelle saison. Heureusement pour moi, je prends conscience que le moment est crucial et qu’il faut désormais être attentif. Jusqu’à ce que Nathan parle de Morgan.


À ce moment, même si j’arrive plutôt tranquillement à contenir mes émotions, j’ai l’impression que tous les trois peuvent scanner en direct mes pensées - je sais c’est assez ridicule et infondé -, mais je ne peux réfréner ce sentiment étrange. Ma mère, qui n'a cure de ces discussions footballistiques, reprend la parole pour sauter du coq à l’âne :


— Bon, les soûlards, il faudrait quand même que vous restiez en forme pour demain ! Je vous rappelle qu’on doit partir à 6h du matin ! Nathan, Michaël, vous avez déjà préparé vos affaires au moins ?


Et merde ! J’avais complètement oublié l’anniversaire de mes grands-parents paternels - qui par une étrange coïncidence sont nés tous deux un 10 septembre -, et pour lequel nous allons traditionnellement chez eux à Namur en Belgique. Il faut dire que depuis une dizaine de jours, je suis bien plus focalisé sur Morgan que sur eux…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire lampertcity ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0