Maisonrouge était une ancienne école militaire reconvertie en hôpital peu avant la première guerre mondiale. Ordonnés en U à l'entrée d'un vaste parc arboré, les bâtiments de plain-pied en briques arboraient une coiffe d'ardoises noires rendues luisantes par un crachin pénétrant. Les briques étaient une abbhération dans cette région de pierres sèches, mais avaient justifié le nom du domaine. L'ensemble avait ce charme désuet que seule peut conserver la campagne entre bâtiments anciens et espace verts. Passé le portique d'entrée, Robert fut frappé par le calme de l'endroit, pourtant proche de la ville.

Il avait passé la dernière heure entre l'acceuil, le service R.H. pour formaliser son transfert et la sécurité pour ses accès. Il avait été bien reçu, même par la secretaire R.H. qui lui avait bien fait comprendre que son dossier était arrivé sur son dossier au mépris des règles administratives. Robert avait souri en la remerçiant de sa grande bonté. Elle devait encore fulminer, la pauvre.

" Bienvenue Robert ! Je suis Caroline Aubin, planificatrice du service psy. Le docteur Baudry, médecin chef de psy femme, m'a chargé de vous guider. Je vous attendais plus tôt. Je vais vous présenter à vos nouveaux collègues.
- Merci. Comment va Nathalie ?
- Nathalie ?
- La jeune femme brune que j’ai amené mardi dernier. Chambre C4, face à la salle des infirmiers.
- Nous n'avons pas de Nathalie ici. La dernière patiente que nous avons admise en C4 et que vous avez accompagnée s'appelle Jeanne, sans nom de famille. Votre dossier et son ancien dossier concordent. Elle avait déjà fait un séjour chez nous, déplacée de Rennes pour cause de travaux.
- Qu'est-ce que c'est que ce bazar ? Qui... Que...
- Apparemment vous êtes fatigué du voyage... Je vais vous faire visiter les locaux, vous me suivez ? Je vous emmenerai voir Jeanne après.
- Oui... que... oui.. Vous permettez ? J'ai un coup de fil à passer à...
- Peut-être plus tard, le coupa-t'elle, je n'ai pas toute la journée, vous vous en doutez.
- Oui, après vous. On peut commencer par aller voir Nathalie...euh... Jeanne ?
- On finira par là, si vous le permettez. Allez, suivez-moi.

Elle s'éloignait déjà à grandes enjambées de blouse blanche pressée. Robert se mit dans son sillage, happé par son énergie. Le crissement des graviers de l'allée lui l'ancra dans la réalité en dissipant ses interrogations. Nathalie, Jeanne, qu'importait si c'était toujours elle ?