Un travail à plein temps

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Vous est-il déjà arrivé de trouver un billet sur le sol?, de passer une journée merveilleuse où tout se goupille si bien que cela en devient presque irréel ?. Les astres sont-ils alignés ?, est-ce le fruit du hasard?. Toujours est-il que même si vous ne comprenez pas vraiment, vous avez maladroitement affublé ces évènements des mots tel que mojo, chance, bonne étoile, karma.

Et-si cela n’était pas le fruit du hasard ?, qu’une entité singulière régulait la balance, influençant subrepticement votre quotidien et vos malheurs. Peut-être même que cette pensée fugace vous a déjà titillé dans un moment de réflexion intense quant au sens de la vie, que vous l’avez touchée du doigt, défoncé, procrastinant après un bon gros joint.

Fautes de preuves, ou d’oreilles attentives à vos réflexions pertinentes, vous avez enterré ces questions dans un coin de votre tête, l’abandonnant dans la pièce des pensées oubliées après en avoir jeté la clef.

Je m’appelle Shaun, juste Shaun et d’aussi loin que je me souvienne je passe mon temps à réguler vos pauvres vies de mortelles, mais ne vous y méprenez pas aucune condescendance dans ce terme. Je rêverai d’avoir le loisir de partager une existence aussi brève que la vôtre, ce qui me dérange c’est justement le temps que vous investissez dans des choses qui vous rendent malheureux et qui dérègle ce précieux karma, dont je suis l’un des garants.

Vous n’êtes pas trop loin de la vérité avec vos histoires d’anges gardiens, mais en aucun cas je ne suis un ange, plutôt votre comptable impartial, vous aimez vraiment les réflexions manichéennes mais c’est votre droit, et peut-être que c’est moi qui me trompe sur toute la ligne.

Toujours est-il que je suis dans cette voiture, qui roule bien trop vite, trop vite pour lui, pas pour moi, je ne suis pas dépendant de votre chair si fragile, votre organisme me fascine, c’est une horloge si complexe, qui chaque seconde assure votre survie, ce tic-tac incessant que vous vous efforcez d’ignorer, suis-je le seul à l’entendre ?.

Bref à côté de moi, le conducteur diabolique de ce monstre de métal, se nomme Fred. Fred et moi c’est une longue histoire 44 ans de bon et loyaux services, et le voilà qui vrille complètement lancé à 130 à l’heure sur l’autoroute de sa propre folie.

Ne le jugez pas trop vite, ce pauvre bougre n’a pas eu une vie facile, je le suis depuis sa plus tendre enfance et la loterie n’est pas vraiment efficace pour tout le monde. Le plus chiant c’est les premières années de vos vies, nourrissons vous n’avez pas vraiment l’occasion de faire beaucoup d’actions problématiques, votre notion du bien et du mal n’est qu’un fatra de pensées. Je me retrouve à faire du gardiennage, c’est terriblement ennuyant, heureusement petit à petit ça s’améliorer votre complexe d’oedipe est ma partie préféré, cette douce frustration qui s’installe dans votre être, cette guerre perdue d’avance face à vos géniteurs. C’est délicieux et après tout va très vite, l’école et la crèche lui a permis d’expérimenter ses premières actions dignes d’intérêts.

Les premiers larcins, risibles, cette bille qu’il désirait tant posséder et qu’il déroba à son camarade à la récréation. Saisit de remords face à sa détresse, il ne pût s’empêcher de lui remettre discrètement cette petite sphère brillante dans son cartable, il ne supportait pas la tristesse et les larmes de son ami. Et il apaisa ainsi sa conscience torturé par la même occasion. Je vous l’avais dit ce n’est pas un mauvais bougre mon Fred, c’est l’accumulation de ses choix qui l’a mené à ce moment précis, à ce moteur vrombissant et hurlant aussi fort que son coeur.

Il est trop gentil mon Fred, et c’est pour ça que je l’aime particulièrement, il a fait des mauvais choix mais c’est parce que son coeur est bien trop gros pour votre petit monde sournois.

Son papa n’était clairement pas au niveau, et c’est dans un foyer digne des malheurs de Sophie qu’il a passé le plus clair de son enfance. Porté sur la bibine, le daron a pas vraiment été tendre et aimant, sa mère passait le plus clair de son temps à rattraper les bévues de ce poivrot. Et malgré son amour débordant, les séquelles n’ont jamais complètement résorbées.

J’ai fais du mieux que j’ai pu, j’ai évité le maximum d’ennuis à mon précieux Fred, écarté les routes dangereuses, et personnes toxiques de son chemin. Atténué ses chutes éméchés lors de ses beuveries d’adolescents, mais mon pouvoir est limité et j’ai beau être en service permanent, parfois ça ne suffit pas.

L’amour l’a cueilli très tôt et la volupté des premières amourettes a clairement adoucis son quotidien, le problème c’est son syndrôme de l'infirmier. Il a toujours choisi des fleurs trop fanées par la vie mon petit jardinier. Et même le meilleur jardinier ne peut faire refleurir une rose sur un sol de gravier.

Et la dernière rose en date ne l’a pas épargné, magnifique mais piquante, il l’a trouvé bien trop belle pour lui, et c’est cette dévalorisation qui le mena à sa perte. Ses yeux verts qui s'emplissaient aisément de larmes il n’a jamais su y résister. Il lui a toujours tout cédé à celle-là, tout pardonné mon bon Fred. Il l’a retapé, et chéri cette rosselis*, l’a arrosé plus qu’il s’en faut. Mais une fois lassé de lui, et de son bon coeur, elle a voulu plus de la vie, plus que ce qu’il pouvait lui offrir?.

Faut bien dire qu’il est pas très passionnant et inventif mon Fredo, il suffit pas d’être gentil pour garder le coeur d’une femme, la passion, ça, il a oublié de la nourrir, et la petite rose a cherché une nouvelle abeille.

Il a vite travaillé et est allé à l’usine mon Freddy il c’est cassé et a oublié le goût de la vie, les marmots les ont rapprochés un temps mais maintenant qu’ils sont loin… . Sa petite femme elle a voulu vibrer, brûler un peu sa bougie, mais pas avec lui, et ça, ça l’a cassé mon ptit Fred. Il les a surpris au bout des draps, encore trempé de sèves, et ça a fait crac, un crac sourd et vibrant dans sa poitrine. J’ai essayé de le rattraper du bout des doigts, mais il m’a pas écouté le bougre, il est partis se biturer, ah la mauvaise idée.

Il s’est noyé le cerveau sous presque un demi-litre de Jack Daniels en fixant la mer, et mon beau Fred il a prit le volant, je lui ai suggéré d’aller voir ses amis, d’appeler ses parents, mais ça l’a énervé semble t-il, il a jeté son portable dans le grand bleu, en criant.

Et il est monté dans sa voiture la rage au ventre, les larmes aux yeux.

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