Défi lancé par DomC

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Ritournelle


"Tout ce que tu aimes te sera horripilant.
Tout ce que tu hais te sera séduisant"

Je me réveille en sursaut, la ritournelle encore à l'esprit accompagnée d'un mal de crâne. Encore un sale rêve. J'allume la veilleuse. Dans l'appartement, il fait froid. J'ai dû oublier de fermer une fenêtre. J'essaie de récupérer un peu de couverture pour me réchauffer, en vain. Il est encore là, enroulé dans la couette qu'il a tiré vers lui me laissant à la merci de l'air glacial de la nuit. Égoïsme nocturne. Son sourire niais semble me narguer. Sa barbe finement taillée, d'un noir profond accueille un filet de bave luisant. Pélerinage de gastéropodes noctambules ? J'aperçois un tatouage ringard usé par le temps sur son avant-bras. Un cœur frippé avec nos initiales à peine visibles et notre année de mariage. "Ho ! que c'est mignon !" Foutaises !

Écœurée, je me lève, enfile un pull épais et déambule. Je n'arriverai pas à retrouver le sommeil avant longtemps. Autant m'occuper. Quand j'y pénètre, il règne dans la pièce d'à côté un ordre froid et rigide. Tout est résolument à sa place. On dirait que j'habite dans un caisson aseptisé de la NASA avant un départ pour l'ISS. Comment peut-on seulement exister dans un endroit aussi stérile de vie ? Quelques tableaux incompréhensibles d'art abstrait tentent d'habiller les murs du salon. Des photos stupides de nous deux à la plage, nous deux à la montagne ou nous deux à la salle de sport montrant avec complaisance nos vieux abdos. Pathétique.

J'ouvre le frigo. La grande bouteille de Coca que notre vieille fille a ramenée de je ne sais où fera l'affaire. Les bulles font exploser mes narines et je manque de m'étouffer. Sensations nouvelles. Je lâche un rot long à peine discret qui, de toutes façons, ne réveillera pas l'ours voleur de couette. Je glousse de plaisir. J'entame ensuite un morceau de pain beurré dans lequel je sens une mayonnaise un peu rance. "Pas grave, me dit ma tête qui bordonne toujours, ta fille ne t'en voudra pas." Un bout de jambon pendouille le long de ma bouche. Il semble vouloir échapper à son cruel sort. Un jeu d'équilibriste se joue avec ma langue. Je pouffe de nouveau de rire. Un bout de lard finit par terre. Je le ramasse et l'engloutis sans honte. J'ouvre le compartiment du congélateur. Ma main hasardeuse fouille dans les méandres des glaces. Ça sera un Magnum aux amandes ! Je souris comme le pirate ayant enfin trouvé le trésor tant convoité.

Le mal de tête augmente.

Je m'arrête un instant, vautrée dans le canapé devant une série allemande d'un autre temps. Mais que m'arrive-t-il ? Pourquoi ai-je en aversion cet univers que j'ai eu tant de mal à construire au prix de grands sacrifices ? Pourquoi suis-je impulsivement attirée vers ce qui le détruira ? La vie serait-elle en train de me donner une leçon ?

La petite mélodie revient dans ma tête et je m'endors avec espérant un prochain matin plus conventionnel.

"Tout ce que tu aimes te sera horripilant.
Tout ce que tu hais te sera séduisant"

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