Mon père, c'est le meilleur

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Finel l'elfe écoutait Bartheod le barbare rendre compte de sa mission d'exploration dans les Contrées du Nord. Assis à ses côtés, Ronnus le magicien et Rondrin le nain lui prêtaient également une attention particulière ; le Roi en personne leur avait confié une quête de la plus haute importance.

« Tu n'as pas rencontré trop de trolls ? fit Ronnus.

- Oh, si, répondit Bartheod. Mais ils sont ma spécialité. En tous cas, j'ai l'information qu'il me fallait. Le Nécromancien prépare quelque chose de bien pire que ce que nous avions prévu. »

A ce moment l'aubergiste vînt leur apporter leurs boissons. Absorbés par le récit de Bartheod, aucun héros ne le remarqua.

« Comment ça ? demanda Finel. Je croyais que la nécromancie était une science démoniaque interdite dans toutes les terres connues. Comment a-t-il pu devenir une menace aussi sérieuse ?

- Je l'ignore, reprit Bartheod d'une voix sombre. Mais l'avenir du Royaume est en jeu. Il va falloir que nous soyons extrêmement prudents.

- Je dois admettre que quelque chose a changé récemment, je ne me l'explique pas mais je le sens, remarqua Ronnus en lissant sa barbe. L'équilibre est rompu.

- De combien de temps disposons-nous ? interrogea Finel.

- En étant optimiste, je dirais envir...

- Qui a demandé un sanglier confit ? cria l'aubergiste en déambulant dans l'auberge.

- Moi ! fit quelqu'un.

- Excuse-moi, reprit Finel, je ne t'ai pas entendu.

- Nous avons une bonne semaine, peut-être dix jours. Mais d'ici là il sera trop tard. J'espère que vous êtes prêts à couvrir de longues distances, et à le faire discrètement.

- Bah ! répliqua Rondrin. Nous pourrons toujours nous ravitailler dans les montagnes ! Mon peuple se fera une joie de nous accueillir.

- Rondrin, je ne crois pas que ce soit une très bonne idée, dit Bartheod, crispé.

- Quoi ?

- Vois-tu, j'ai moi-même voulu rendre visite aux nains. Malheureusement... il semblerait que leur bastion ait été détruit par une armée de goules. »

Sonné par la nouvelle, Rondrin souffla avec difficulté et posa sa chope tandis que ses coéquipiers le regardaient avec compassion.

« Vous reprendrez quelque chose ?

- Pardon ? réagit Finel.

- Ben, je vois que vous avez tous fini, sauf le nain, alors je me disais que...

- Non, merci, répondit sèchement Ronnus. Vous pouvez y aller.

- Quand même, c'est drôle de voir comme l'histoire se répète, vous ne trouvez pas ? Lors de la Première Guerre, c'est exactement comme ça que les armées des ténèbres ont commencé leur Invasion. Même qu'il y avait aussi des goules à cette époque ! C'est...

- Désolé, mais nous sommes en mission confidentielle, lâcha Bartheod. Retournez donc à vos petites affaires de commerçant.

- Bon, bon, moi ce que j'en disais... »

Une fois l'aubergiste parti, les quatre héros reprirent leur conversation.

« Bon euh, alors... Quel est le plan ? demanda Finel.

- Nous devons tuer le Nécromancien avant qu'il ait réussi à lever une armée trop puissante pour nous. D'ici à ce que l'armée Royale soit prête, le Nécromancien sera inarrêtable. Seul notre petit groupe peut sauver le Royaume, récapitula Ronnus.

- Quel chemin allons-nous emprûnter ? questionna mollement Rondrin.

- On se dirige vers le nord en évitant les montagnes, puis...

- Forcément, puisque les goules y ont tout détruit. Très malin, intervînt l'aubergiste qui passait à côté de leur table.

- Mais vous allez nous lâcher, oui ?! cria Finel, excédé.

- Oh, ça va.

- Non, ça ne vas pas ! Vous ne pourriez pas respecter la vie privée de vos clients ? »

Abandonnant l'elfe à sa colère soudaine, l'aubergiste haussa les épaules et retourna dans sa cuisine. Presque tous les clients avaient eu leur repas, et bientôt il pourrait enfin se coucher. La semaine avait été bonne et les affaires florissantes, surtout grâce à cette troupe de gobelins itinérants qui...

« Hey ! Mais c'est quoi ce délire ? s'écria Bartheod depuis la salle à manger de l'auberge.

- Nom de nom de... grommela Finel.

- Restez là, intervînt Ronnus. Je vais voir. »

Trois secondes plus tard, la porte de la cuisine claqua.

« Je peux savoir ce que vous fabriquez avec le narrateur ? demanda le magicien.

- Hein ?

- Ne jouez pas à l'abruti ! Vous nous avez pourri la vie pendant toute notre discussion et maintenant vous accaparez le narrateur ! Vous savez que je commence à en avoir marre de vous ?

- Oh, le narrateur, oui ! Tiens, c'est vrai qu'il est ici. Il faut croire qu'il préfère s'intéresser à ce que je fais moi. Voyez-vous, j'ai décidé d'intervenir un peu plus souvent dans les histoires de mes clients. Je trouve qu'ils sont beaucoup trop stéréotypés, un peu d'inattendu ne peut pas leur faire de mal.

- Tu vas voir ce que c'est que de l'inattendu ! »

Le vieux mage leva son bâton et commença une incantation.

« Très joli, le bâton, même si c'est un peu cliché, pour un sorcier.

- JE SUIS MAGICIEN !

- Ouais, c'est pareil.

- Mais vous allez me laisser lancer mon sort ?!!

- Laisser lancer... C'est drôle à dire, vous ne trouvez pas ?

- ARRRRGHH !

- Ronnus, que se passe-t-il ? demanda Finel en entrant dans la cuisine.

- J'en peux plus, Finel ! Je craque ! pleurnicha Ronnus. Ce type est insupportable ! Et il me vole mon histoire !

- Notre histoire, corrigea Finel.

- Oui, admit Ronnus, mais bon, entre nous, c'est quand même moi qui terrasserai le Nécromancien à la fin. Je suis le seul à avoir assez de pouvoirs pour faire ça.

- Euh, excuse-moi, mais il me semble quand même que le mieux placé pour abattre un nécromancien, c'est un elfe. Tu sais, une créature magique ? Surdouée ?

- Vous me faîtes rigoler, lança Bartheod qui les avait rejoints. Qui va vous permettre d'arriver jusqu'au Nécromancien en tuant tous ces soldats morts-vivants ? Pas vous.

- MDR, rétorqua Finel, ça, n'importe quel débile avec une hache peut le faire. Rondrin, par exemple. T'es loin d'être indispensable, loser.

- Répète un peu ?! hurla Rondrin qui avait récupéré de la triste nouvelle et brandissait sa hache comme un taré prêt à défoncer une armée de trolls.

- Alors par contre si vous cassez vous payez, déclara calmement l'aubergiste. Et puis d'ailleurs, moi si vous voulez, je peux vous aider à dégommer votre Nécromancien, là.

- Ouais, c'est ça, se moqua Ronnus. Tu vas tous nous sauver, l'aubergiste.

« Le narrateur est avec moi, pensa-t-il. Ça va marcher. »

- Ben oui, dit-il avec l'air le plus détaché possible. Il suffit de souhaiter que le Nécromancien soit téléporté ici sans ses pouvoirs et avec le quart de sa taille, et le tour est joué. »

Aussitôt que l'aubergiste eût prononcé ces paroles, un petit être avec un capuchon noir apparut dans la cuisine où flottait encore une odeur de sanglier confit. De sa voix grave et sifflante, le Nécromancien, car c'était lui, s'écria :

« MALEDICTION ! Comment suis-je arrivé dans ce lieu maud... Ah non, il a l'air pas si mal, ce lieu. Cuisine bien entretenue, four en parfait état de marche, valeur immobilière très intéress... AH ! NON ! DU SANGLIER CONFIT ! J'AVAIS POURTANT TOUT FAIT POUR GARDER CETTE FAIBLESSE SECRETE ! QUELLE HORRIBLE ODEUR ! JE ME MEURS ! NOOOOOOOOOOOOOOON... »

En dix secondes, le Nécromancien se liquéfia sur place et se tranforma en une pathétique petite flaque noire après un couinement parfaitement insupportable. Finel, Bartheod, Ronnus et Rondrin, bouche bée, fixaient l'immonde tâche sur le carrelage immaculé de la cuisine de l'aubergiste.

« Bon, fit celui-ci. L'affaire est réglée. Super ! Ecoutez, je suis assez crevé, j'aimerais vraiment aller me coucher. Ça ne vous dérangerait pas de passer la serpillière ? Vous irez sans doute plus vite avec vos capacités. N'oubliez pas, demain vous avez droit à un petit déjeuner à demi-tarif vu que vous restez pour la nuit dans mon auberge. A demain ! »

L'aubergiste se dirigea à l'arrière de la cuisine et entra dans sa chambre. Avant de s'endormir dans son lit, il entrouvrit une autre porte qui donnait sur une seconde chambre plus exiguë. Outre un lit et une commode, un jeune garçon était assis sur un petit bureau et semblait plongé dans une grande concentration.

« Eh bien, fiston, tu ne dors pas ?

- Bientôt. Je termine ça et je vais au lit.

- Ne traîne pas. Bonne nuit. »

Le jeune homme écrivit une dernière phrase et se leva, satisfait. Il souria en repensant à ce qu'il venait de rédiger.

« J'ai fini ! Tout est bien qui finit bien. Pourvu que ma réponse à ce défi plaise ! »

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