Petit déjeuner continental

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Quand je me réveille au petit matin, alors que ce pédé de soleil ne fait que montrer le bout de son nez incandescent, c'est à cause d'une curieuse sensation. Si, petit à petit, je m'habitue aux craquements nocturnes et mystérieux, j'avoue que j'ai encore du mal avec celle que je découvre maintenant.

Le sol tremble. Voilà, comment dire mieux que ça ? Oui, le sol tremble et, parce que je suis allongé, je ressens ces trépidations lointaines sur toute ma peau. Un tremblement de terre ? J'y crois pas trop : ça colle pas avec tous les reportages que je me suis tapé à la télé, le dimanche après-midi sur mon canapé en velours vert dégueuli. J'ai jamais voyagé de ma vie, sauf devant ma télé. Faut dire que ma femme n'aime pas les voyages qui la séparerait trop longtemps de sa mère. Ma belle-mère...

Un immonde tas de saindoux, avec une paire de roploplos qui suffirait à alimenter une nurserie entière. Un caractère de merde, servi par une voix nasillarde et traînante. Des binocles à la Hubble qui mettent en valeur deux yeux vipérins. Toujours là pour me les concasser aussi, celle-là. Tiens, si ça se trouve, c'est elle qui m'a expédié ici !

L'image du monstre familial s'efface rapidement parce que le sol se rappelle à moi, lui aussi. Les tremblements s'intensifient.

Un tremblement de terre qui se rapproche ? Comme dirait un petit prince : ça n'existe pas !

Je constate aussi que la terre ne s'ouvre pas sous moi. Ce qui m'arrange. Ceci n'explique rien, mais ça m'arrange !

En attendant, j'ai l'impression plus précise d'un train qui arriverait sur moi à grande vitesse. Il est temps que je me lève, non ?

Ce que je fais d'un bond plus ou moins gracieux... A présent plus haut de quelques dizaines de centimètres, mon regard peut plonger vers le grand large. Je peux regarder au loin, quoi.

Et je découvre un nuage de poussière qui vient du Sud.
Une tempête de sable, alors ? Pourquoi pas ? Ouais, possible. Pourtant...

Ma télé m'a jamais dit qu'une tempête de sable provoquait un tel barouf. Vrai, quoi ! Plus j'observe le truc, et plus je trouve que quelqu'un monte le son. On dirait un giganteque roulement de tambour, long et sourd. Un rythme bizarre, à franchement parler.

Marcelle se réveille. Vite debout, en train de se gratter les meules, elle mate vers le Sud, elle aussi.

  • Putain de merde... souffle-t-elle doucement.
  • Tempête de sable ! fais-je, plein d'assurance.

Elle scrute encore l'horizon pendant quelques secondes sans rien dire puis, me toisant d'un oeil plein de mépris, me déclare simplement :

  • Du sable, vraiment ? T'es vraiment une burne, dans ton genre, tu sais ça ?
  • Quoi d'autre ? rétorqué-je, déjà agacé.
  • Et qu'est-ce qui te fait penser que c'est une tempête de sable, pauvre con ?
  • Eh bien... ça peut pas être un tremblement de terre, sinon on serait déjà en train de s'accrocher comme des malades à tout ce qui nous tomberait sous la main. Ensuite, je vois pas pourquoi il serait inconcevable de subir ce genre de perturbations climatiques en plein désert !
  • Perturbations climatiques... De mieux en mieux. Bon, alors on fait quoi ? On enfile nos cirés jaunes, une paire de bottes et on chante de ces trucs paillards que braillent tous les marins du monde ?
  • Ben, je sais pas trop, en fait. On se bricole une embarcation de fortune en vitesse ?
  • C'est ça. Moi je vais creuser un tronc d'arbre avec mes dents, pendant que tu arracheras quelques branches de séquoÏa avec tes ongles. Allez, au boulot ! s'exclame-t-elle en claquant des mains. Et n'oublie pas de trouver les arbres, hein !
  • Alors dites-moi ce que c'est, plutôt que vous foutre de ma gueule ! m'écrié-je avec hargne.

Elle sent qu'elle a poussé le bouchon un poil trop loin. Cependant, comme pour mieux m'assommer de sa toute puissance, elle prend son temps avant de me répondre, la garce.

Puis, elle m'envoie deux scoops, coup sur coup.

  • D'abord, ce truc qui déboule à toute vitesse vers nous, ça s'appelle un troupeau.
  • Un troupeau ?
  • La ferme ! Je parle... Ouais, burnes creuses : un troupeau.
  • Des bisons ?
  • Nan...
  • Des vaches à grandes cornes comme on en voit des millions au Texas ?
  • Nan...
  • Quoi alors ? m'impatienté-je.
  • Des bestioles qui viennent enfin de nous révéler où on se trouve en ce moment, mon pote !
  • Ben oui ! Texas, Arkansas, Nevada ou un truc comme ça. Rien de bien surprenant, hein ?
  • Mon cher bon à rien, le jour où tu verras des quadrupèdes à rayures blanches et noires chez les Ricains, tu me feras signe...

Abasourdi et totalement perdu, j'ouvre de grands yeux tout ronds. Mais je pense que c'est ma bouche grande ouverte qui lui fait perdre son calme...

  • Des zèbres, connnard ! Des zèbres et des gnous. Par dizaines de milliers. Une migration, comme tu dirais.
  • Mais alors.... mais alors... Mais ALORS ?
  • Alors, on est en Afrique, mon gars !

A suivre...


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