Chapitre 15

5 minutes de lecture

Ecrit en écoutant notamment : Pawlowski - Operation Smackdown [Acid Techno]


Je sais parfaitement que mon niveau d’énervement ne me permettra pas de m’endormir avant un bon moment, alors je décide de m’enfoncer dans le canapé de mon étage, désormais écrasé par le poids de la lassitude. Pour toute occupation, je fais défiler les posts Facebook sans intérêt sur mon téléphone, et ricane seulement lorsque je vois quelques photos de la soirée qu’un collègue de la sono a posté.

Vingt minutes plus tard, comme je m’y attendais plus ou moins, une silhouette gracile fait son apparition. Je lui demande :

— Ah tiens, mais ils n’ont pas besoin de toi pour t’occuper un peu de la soirée ?

— Mouais, ça devrait aller pour la petite heure restante. Par contre, j’espère que tu viendras quand même m’aider pour le démontage…

Impossible de refuser, il est vraiment beaucoup trop attendrissant… Mais pour l’instant, j’ai juste envie qu’il reste avec moi ici.

— Oui, oui, évidemment… Allez, assis-toi un moment.

Nous restons là un moment sans parler, nos jambes à une trentaine de centimètres l’une de l’autre. Je remarque bien que Renan me détaille avec envie, mais qu’il n’ose pas se rapprocher plus de moi, ce qui paraît tout à fait compréhensible. Pour mettre fin à sa langueur, je profite d’un frisson pour venir coller mon flanc contre le sien. Et le sourire entendu qu’il me fait me fait fondre autant qu’il me réchauffe l’âme. Au bout d’un moment, estimant avoir assez profité de ce qu’il pense, à tort, être uniquement de la bienveillance de ma part, il me tape sur la cuisse et se lève :

— Allez, on y retourne ! Il ne doit plus rester grand monde, on va pouvoir bosser en paix.

Il prend les devants d’un pas assuré, semblant à nouveau pétiller de vitalité. Je sens une vague de chaleur m’envelopper, mue par le plaisir indicible de rendre quelqu’un heureux. Mais franchement, à ce point-là, ne serait-ce pas une manifestation classique du fait qu’on est amoureux ? Il va falloir mettre ça au point rapidement. Et puis, si c’est vraiment le cas… et puis merde ! C’est pas parce que mon père a toujours envisagé que je devais lui ramener une fille, en me charriant sans cesse là-dessus, que je dois m’en sentir obligé ! Et puis tiens, Laszlo, ça le remettrait bien en place. J’essaye d’imaginer rapidement un plan à mettre en œuvre, et me fais un clin d’œil à moi-même une fois que j’en ai trouvé un assez satisfaisant.

Effectivement, comme Renan l’avait plutôt bien prédit, nous croisons les derniers fêtards qui quittent poussivement les lieux, houspillés par les deux agents de sécurité qui ne demandent probablement qu’à pouvoir rentrer chez eux. Nous les remercions chaleureusement d’avoir accompli leur mission, puis regagnons la salle désormais désertée. Les spots lumineux tournoyants ont laissé place aux néons fades éclairant la piste de danse jonchée de taches et de gobelets, la musique aussi forte qu’enivrante s’est tue, remplacée par le grésillement sourd d’une enceinte qui a été mal éteinte. Heureusement, nous ne sommes pas tout seuls pour ranger, ce qui nous permet de remettre les lieux en état au bout d’une bonne heure.

Finalement, nous nous retrouvons seuls, et c’est le moment que je choisis pour mettre mon plan à exécution. Renan, qui semblait malheureux que la soirée se termine, a le visage qui se ranime lorsque je lui dis doucement :

— J’ai quelque chose… de particulier à te demander.

Il acquiesce simplement en guise de réponse, pour m’inciter à poursuivre.

— J’aimerais savoir ce que ça fait d’embrasser un mec, mais en étant sobre et en pleine possession de mes moyens.

— Ah bah ça, je peux t’en parler, mais tu sais, ce n’est pas en embrassant un mec au hasard que tu sauras si t’es vraiment fait pour ça.

Mais euh ! Il est un peu long à la détente ! En même temps, j’ai l’impression qu’il n’a pas oublié tout ce que je lui avais dit il y a trois semaines.

— Non, non, voilà, j’aimerais du concret, maintenant…

Bien que je me sois préparé mentalement depuis un moment, je ne peux retenir quelques tics de gêne, lesquels semblent particulièrement contagieux.

— Quoi ? Tu veux dire… réessayer avec moi ?

— Heu oui, si ça ne te pose pas de problème…

— Heu non, pas vraiment…

— Bah donc…

Bon, il va m’embrasser, oui ou merde ? Il semble de plus en plus gêné, et j’ai comme l’impression que mon plan était en réalité complètement foireux. Ce n’est pas parce qu’il est gay qu’il a forcément envie de m’embrasser, en pleine conscience cette fois-ci. Tant pis, j’y vais… J’essaye de rendre le moment un minimum solennel en rapprochant doucement mon visage du sien, mais voyant l’expression de surprise que prend son visage, je plaque d’un coup mes lèvres sur les siennes pour éviter quelques secondes de malaise supplémentaires.

Voilà, on y est, et non, le temps ne s’est pas arrêté pour autant. Par contre, la sensation est des plus agréables, finalement pas si différente d’avec une fille. C’est le sentiment affectif, qui lui, est fondamentalement opposé. Pour autant, cela ne m’empêche pas de vouloir aller un peu plus loin, et je le force à entrouvrir ses lèvres. Je pense soudain à Laszlo, ce traître de meilleur ami, et ça me donne juste encore plus envie de passer un bras derrière le cou de Renan. Lui, apparemment trop heureux de la situation, se laisse plus ou moins faire.

Je finis par me reculer, presque à regret finalement, et Renan me demande, avec des yeux malicieux :

— T’aurais pas envie de réessayer une deuxième fois, juste pour vérifier ?

— Si !

Nous nous abandonnons alors quelques minutes supplémentaires à ce plaisir. Renan pose ensuite ses fines mains sur mes épaules, me regarde droit dans les yeux, et déclare d’une traite :

— Émilien, sérieusement, je n’en peux plus, je t’aime ! Tu ne peux même pas imaginer comme je m’en suis voulu la dernière fois ! Et c’était encore dix fois meilleur cette fois-ci !

— Euh… euh… moi… je ne sais pas…

Mais je suis con… c’est débile comme réponse ! Heureusement, il ne semble pas contrarié et me dit :

— Je comprends… je comprends… c’est assez nouveau pour toi. Mais t’as quand même l’air d’aimer m’embrasser, alors on peut continuer si ça ne te dérange pas.

— Euh non, pas de problème, ça me va très bien.

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