C'est Marc, il est policier à Nantes…

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— Dis, tu connais la dernière ?

— Non et ça ne m’intéresse pas, mais…

— C’est Marc. Tu vois qui c’est ?

— Je vois que ça a l’air de te démang…

— Oui, lui, tu ne devineras jamais, il est policier à Nantes.

— …er et mon avis semble moins important que le besoin de m’interrompre.

— Ohé ! tu m’écoutes ? Bref, c’est au sujet de Marc, il est…

— …policier à Nantes, oui, ça va, continue.

— Tu le connais ?

— Non, c’est toi qui viens juste de me le dire.

— Mais tu viens de dire que tu sais de quoi je parle.

— Bien sûr, tu parles de Marc, qui est flic à Nantes, et parce que tu as la capacité d’attention d’une drosophile, je te fais tourner en rond sans que tu t’en rendes compte.

— Parfois, j’ai l’impression que tu te paies ma tronche.

— Que veux-tu ? Il y a toujours des soldes quelque part dans le monde ou sur Wish.

— Euh, bref, Marc…

— Qui est policier à Nantes.

— Ouais, donc tu le connais, il…

— Non, mais tu mets la charrue avant de réinventer la roue à routourner.

— Arrête de m’interrompre !

— C’est l’hôpital qui se fout du beurre de karité.

— Quoi ?

— Non, pas le bon dicton. C’est l’encéphale qui se moque du qu’en-dira-t-on ?

— Arrête ! On ne peut jamais discuter avec toi.

— J’ai pourtant dit que ça ne m’intéressait pas.

— Mais tu ne sais pas de quoi je parle !

— De la sauce pita qu’on fait avec chasteté.

— Hein ?! Non ! Marc ! Le policier à Nantes !

— Oh, bon bah, il fallait le dire tout de suite. Tu ne sais pas trop raconter les histoires, toi.

— C’est parce que tu me fais perdre le fil. Donc, Marc, il a euh… perdu quelque chose, mais j’ai oublié ce que c’était. Rah ! c’est ta faute !

— La prochaine fois, si tu veux mon humble avis, ne fais pas plus compliqué qu’une blague de Toto. La plupart sont basiques et même si tu te perds en digressions ou si tu ne te rappelles pas la chute, quelqu’un pourra toujours raconter la fin à ta place.

— …

— Par exemple, est-ce que tu connais l’histoire de Toto aux cabinets ?

— …

— Moi non plus, la porte était fermée de l’intérieur. Et là, si tu as moins de huit ans, tu devrais te rouler par terre d’hilarité. J’en déduis que tu as plus de huit ans. Y a-t-il un adulte qui t’accompagne ? Bref, une histoire de Toto, c’est inconsistant, mais court et direct. C’est comme une digestion de BigMac. Allez, d’accord, balance ce qu’il se passe avec Marc.

— …

— Puisque tu boudes, je vais inventer ce que tu voulais me raconter et tu me diras si je me trompe, d’accord ? Qui ne dit mot consent. Alors, Marc, il est policier à Mantes-la-Jolie

— À Nantes ! Nantes ! bordel de nouilles coudées !

— Miracle ! Une personne muette recouvre la voix. Dis, ton histoire est assez nulle. Tu ne veux pas plutôt raconter celle de Steve à la fête de la musique à Nantes ? Oh, oh, je touche un point sensible.

— Ne parle pas de ce que tu ne connais pas.

— J’oublie qu’avec toi, les morts n’ont pas voix au chapitre. Et il n’y a qu’un seul chapitre dans ce dialogue sans queue ni justice. Oui, j’avais besoin de caser ce mot à un moment et le slogan “pas de justice pour les saucisses” était déjà pris.

— …

— Je sais, ça traîne en longueur. Mais ne t’en prends pas à moi, hein ? Va plutôt te plaindre au bureau des réclamations inutiles que tu souffres de mille maux, que c’est trop pour toi, tout ce dialogue. Ce n’est pas moi le patron, là, je n’ai pas fait les règles, je t’empêche simplement de raconter ton histoire. Si tu veux, on va faire comme la chanson de Louise Attaque : Marc, il est pas terroriste, il est pas anti-terroriste, il est pas parisien vu qu’il est flic à Nantes…

— Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu m’empêches de raconter mon histoire ?

— Je vais te poser une autre question : pourquoi insistes-tu pour me raconter une histoire quand je t’ai fait savoir que ça ne m’intéressait pas ?

— Ce n’est pas vrai, je n’ai pas fait ça.

— Si tu relis notre conversation, c’est exactement comme ça qu’elle a débuté.

— Mais relire quoi ? On n’est pas dans un bouquin, on discute !

— Déni typique du narcissique qui ne voit pas le quatrième mur.

— De quoi tu parles à la fin ?

— De cette discussion qui tourne en rond, qui ne sait pas où aller. On dirait Raymond Devos qui parle de Caen. Ou peut-être des ronds-points. C’est lui, les ronds-points?

— Je ne sais pas. Qui c’est, Raymond Devos ? Un urbaniste ?

— Tu ne sais pas qui est… ? Mais où va-t-on ? Certainement pas à Caen. Je t’ai déjà raconté que j’ai chopé en récitant le sketch sur Caen ? Enfin, j’ai brillé avec un humour par procuration. Et j’ai scellé l’affaire en récitant du Frédéric Lefèbvre. J’avoue, la manœuvre était plutôt risquée. As-tu déjà tenté de draguer en récitant du Frédéric Lefèbvre ? Il faut une sacrée dose d’autodérision parce que les chances de t’écraser sont élevées. Et le pire, c’est quand on te prend au sérieux, qu’on trouve que c’est… joli. Ça coupe l’envie, je te jure.

— Je ne…

— “Vole vole papillon, vole à l’unisson. Retrouve ta boussole, tangente la coupole, vocalise tel un rossignol, tu te détaches du sol. Vole vole papillon, vole au son du violon. Évade-toi du péristyle, ne te fais plus de bile, coupe tes fils, file file file.” Ça t’en bouche un coin, non ?

— C’est de lui ?

— Ou alors il exploite le travail d’écoliers en CM1 à coups de dictionnaire.

— Quand je passais l’été chez ma grand-mère qui était au régime sans sel, sa bouffe était plus relevée que ce que tu viens de réciter.

— Et encore, je t’épargne ses éloges chaque fois qu’une personnalité meurt. C’est son côté magnanime, il les tue une seconde fois pour vérifier qu’elles sont bien mortes.

— Oh ! je sais ce qu’il manque à Marc, le policier à Nantes et que j’avais oublié !

— Quoi ?

— Son arme ! Il a perdu son arme !

— C’est ça, la fin de ton histoire ?

— Euh, oui.

— Tu ne sais vraiment pas les raconter.

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