Chapitre 2

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Ma journée de travail se déroula parfaitement. Je quittais le travail en pensant déjà à ma chérie, à ses yeux, ses lèvres, sa poitrine, ses hanches. Malheureusement pour moi, je ratais mon bus.

J'attendais donc frustré, je forçais mon esprit à penser à autre chose qu'à l'objet de mes désirs. Le soleil mourant de cette fin de journée traçait des rayons dorés entre les immeubles de la rue. Les ombres portées des bâtiments s'agrandissaient à mesure que l'astre solaire déclinait. Je frissonnais malgré moi, sans raison apparente. J’étais seul à cet arrêt de bus et je me sentais terriblement vulnérable. Un bruit derrière moi me fit sursauter. Je me retournais et j’apercevais un mouvement furtif dans une sombre venelle perpendiculaire à la rue dans laquelle j'attendais.

«Il y a quelqu'un ? »

Ma voix mourut dans l'obscurité sans amener la moindre réponse. Je ne voyais plus de mouvement et je commençais à me dire que j'avais rêvé. Mais à l'instant où je pensais cela, je vis une masse difforme émerger de la ruelle. Je sursautais de surprise.

C'était la personne la plus misérable et étrange qu'il m'ait été donné de voir. Elle avait plusieurs couches superposées de vêtements bigarrés, déchirés et rapiécés. Une sorte de patchwork aux tâches criardes. Une capuche cachait son visage dans l'ombre. Elle semblait bossue et avança vers moi en traînant une jambe. Elle poussait devant elle un chariot de supermarché chargé d'une montagne d'immondices et de déchets hétéroclites dont certains basculaient parfois au sol. On aurait dit qu'elle aidait un animal obèse à avancer, péniblement surchargé par sa masse, ses excès débordants de son corps en plis malsains et vomissant parfois les abus qu'il ne pouvait digérer.

Cette personne et son étrange chargement arriva à quelque pas de moi. Elle leva alors la tête. Je n'aperçus pas son visage dissimulé dans l'ombre de sa capuche, cependant l'éclat chatoyant de ses yeux perça la pénombre et me glaça d’effroi. Je me ressaisis et me redressais instinctivement. La personne tourna la tête et farfouilla dans ses immondices, elle semblait se parler à elle même, je tendais l'oreille mais je ne saisis que quelques bribes incompréhensibles, entrecoupées de rires idiots.

« Oui….Hi hi.... le Grand Arlequin….. content… je dois…. Très bien… hihi….Oui….ça….oui ça ira ….Hi hi … c'est parfait ! Mais ouiiii….ha-ha-ha! »

Puis elle sortit un objet de son chariot, elle pivota la tête de chaque coté pour observer l’objet sous tous les angles, satisfaite d'elle même, elle sembla se parler, puis tout à coup elle poussa un petit cri qui mit fin à ses palabres, elle se tassa sur elle même en frémissant.

 J'étais comme hypnotisé, bien qu'effrayé par cette scène étrange. La rue était vide et silencieuse. Quelques secondes passèrent avant que la misérable créature ne se tourne vers moi, elle se rapprocha de sa démarche traînante et claudicante. Elle leva la tête vers moi et l'ombre de son visage ne réussit pas à dissimuler un sourire étincelant, d'où dépassaient des canines de carnassier et des yeux comme des gemmes arc-en-ciel. De ce regard surprenant émanait une lueur colorée chargé d'une démence à peine contenue. La vue de ces quelques éléments d'anatomies me pétrifièrent d'horreur, et je ne m’aperçus qu'après un instant que cette créature me tendait l'objet. Je faisais un pas en arrière, autant par révulsion d'être abordé par un vagabond, qu’effrayé. Après ce réflexe, je posais les yeux sur l'objet qu'elle me tendait.

C'était une petite boîte qui semblait faite dans un métal aux reflets miroitants, comme la surface d'une flaque d'essence, en observant de plus près on pouvait discerner d'étranges décorations finement ciselées dans le métal. Je ne voyais pas d'ouverture dans cette boite qui n'était donc qu'un cube métallique. Mais le plus ahurissant était que cet objet était éclatant, beau et propre. Un si bel objet sorti de la fange, du ventre de cette montagne d'immondices, j'étais stupéfait.

«Mais que me voulez-vous ? »

Elle agita fiévreusement la boîte dans ma direction.

« Pour vous.. Hihi prenez-le»

J'hésitais quelques instants, puis je lui demandais de partir en accompagnant mes paroles d'un geste de la main. J'agitais la main mais elle ne bougeait pas, elle restait ainsi tendue, son corps tordu la faisant apparaître dans la pénombre comme une affreuse gargouille.

Je me redressais et j’affermis ma voix.

« Je ne suis pas intéressé, je ne veux rien vous acheter. »

Elle secoua la tête en saccades erratiques tel un automate détraqué.

« Non, c'est un cadeau prenez ! »

« Je ne veux pas de cadeau, partez ! »

Elle se rapprocha et je sentis alors une étrange fragrance mêlant la puanteur des immondices à un délicieux parfum entêtant. J'étais troublé, je regardais cette boite de métal, je regardais cette pauvre créature et je haussais les épaules. Dans l'espoir de faire partir cette misérable créature je pris la boite en prenant soin d'éviter tout contact avec elle.

C'est alors que j'entendis un bruit de moteur, suivi d'un craquement d'embrayage. Je regardais dans la direction des bruits et je voyais avec plaisir mon bus arriver dans une explosion de sons et de fumée d'échappement. Lorsque je me retournais pour voir l'étrange vagabond il n'y avait plus personne. Je haussais un sourcil, perplexe, mais rasséréné.

Le véhicule s’arrêta, et la porte s'ouvrit laissant s'échapper sur moi la chaleur et la lumière réconfortante de l'intérieur du véhicule. Je glissais machinalement l'étrange cadeau dans mon sac et je montais dans le bus.

L'intérieur était bondé et je cherchais une place. Je remontais l'allée pour trouver un siège libre dans les derniers rangs. Je m'installais confortablement et je prenais mon smartphone pour envoyer quelques messages à ma chérie.

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