Chapitre 22 - Mieux vaut un mort meilleur qu'un vivant pire

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Le soir venu, Ludwig siégeait à la table de conseil improvisée. Étaient assis à ses côtés Laura et Saulia, puis Béryl, Bartavius, Kara, Corinne, Yannis, Amaya, Lorkan, Horebea, Endath, Anthony, Nuzzeg, Ashuz. D'autres étaient, tels que Soma et Tracer, étaient arrivés.

— Chacun d'entre vous sait pourquoi il est ici, commença l'ancien ambassadeur.

Ils opinèrent du chef, tous préparés.

— Je déclare donc le conseil ouvert. Avant que nous commencions, Saulia avait une proposition (il se tourna vers elle) Si tu veux bien.

— Merci. Je pensais à nous donner un nom.

— Sauf votre respect (Nuzzeg, depuis qu'il avait vu qu'Horebea traita Saulia comme une égale, considérait cette dernière comme une supérieure à part) je ne vois pas vraiment l'intérêt d'une telle trivialité.

— Un nom pour la résistance, comprit Anthony. C'est bien ça ?

— Précisément, affirma Saulia. Il nous faut un nom que l'on pourra glisser dans des messages aux mages en fuite, afin de les aider à fuir le pays. Un signe pour qu'ils ne perdent pas espoir.

— Un symbole, opina Horebea.

Ludwig laissa donc le conseil débattre ; il trouvait bizarre de parler de « résistance », mais en y regardant bien, Oxford se trouvait dans la même situation que tant d'autres peuples ayant trouvé leurs boucs émissaires. Seulement, si résistance il y avait… Non, c'est trop tôt pour y penser.

— Les Tueurs de Guntrook ? proposa Endath avec un sourire.

— Tu veux que personne ne nous fasse confiance ? répliqua Ashuz. Et si on s'appelait les Libérés ?

— Nous sommes pas plus libres que les mages que le gouvernement oxfordien traque, avança Nuzzeg. Je propose que l'on se nomme : « Mourniens et Mourniennes »

— Les mourmons ne sont pas les seuls à être concernés ! s'écria Amaya. Les humains ayant été altérés par l'Apparition sont aussi mis aux arrêts. Non, il faudrait quelque chose de plus général… Que diriez-vous des Petits fossoyeurs ?

— Parce qu'on enterre des gens au lieu de les sauver ? ricana Corinne.

— Non, parce qu'on creuse des galeries souterraines pour les aider à s'échapper ! rougit Amaya.

— Aucun moyen que ça fonctionne, ma vieille. Moi, j'dis qu'on doit s'appeler les Destructeurs de Fascistes.

— J'aime bien l'idée, intervint Ludwig, mais fut coupé par Anthony :

— Le gouvernement oxfordien a réagi après une attaque massive de magiciens ! Les qualifier de fascistes ne ferait qu'empirer les choses… Et si on changeait ce que tu as fait pour dire : Les Destructeurs de Préjugés ?

— Bien sûr que ça va marcher, ricana Horebea. Mais les préjugés et les mourniens, ça fait deux ; on ne croît que ce qu'on l'on voit. Notre groupe devrait s'appeler les Seules Personnes Sensées Dans Tout Ce Bordel.

— C'est looong, soupira Yannis en rejetant sa tête en arrière, puis proposa : Si on s'appelait la Ferroul Squad ?

— NON !!! s'écrièrent-ils tous à l'unisson.

Ludwig pouffa en voyant le brun se rétracter dans son fauteuil en disant « Ok, ok, pas la peine de s'énerver… ». Depuis l'Apparition, la Ferroul Squad était une expression équivalente à « Oh mon dieu ! ».

Saulia proposa les Bâtisseurs de l'Avenir, mais Béryl souligna qu'on pouvait les confondre avec des francs-maçons, et que les théories du complot pendant cette période, c'était un non catégorique. La scientifique se lança avec des T.A.R.N.A.C (Terriens Agréés et Reconnus par Néo-Mourn, Abraxas et l'association Chimère). Bartavius souligna que l'association Chimère n'était qu'un attrape-nigaud, le culte d'Abraxas était trop proche des Dardants et Néo-Mourn était aussi neutre que de l'acide chlorhydrique. La Blue Sight était restée silencieuse, trop occupés à fanatiser sur Yannis qui se balançait sur sa chaise. Kara inventa Les Faiseurs de Liberté, mais son père lui fit comprendre qu'on ne fait ni n'offre la liberté, on la libère, et par conséquent cela deviendrait une tautologie. Ce fut à Ludwig de trancher, ayant noté toutes les propositions sur un petit papier :

— Alors, je vous avoue qu'il y a beaucoup de bonnes idées, mais pas beaucoup de correctes… (il se tourna vers Laura, qui n'avait pas esquissé un geste, un mot) Je t'écoute. Tu as toujours le mot juste.

— Je…

Ludwig la vit frémir devant tous les regards tournés vers elle ; certains étaient encourageants, d'autres tentaient vainement de dissimuler leur haine et leur dégoût ; tous avaient été mis au courant de la nature de Laura. Il la vit jeter un étrange regard à Yannis, qui était occupé à évaluer la taille et la profondeur des fissures au plafond. Puis, elle soupira et dit :

— Nous ne sommes pas des héros. Nous sommes des criminels au yeux de la loi ; nous n'avons nulle part où nous cacher, nous manquons cruellement de plans et de matériel… (les visages s'assombrirent, mais elle continua :) Mais nous sommes assis autour de cette table. Humains, mourniens… et nihiliens. Nous ne sommes pas aussi unis que des amis ou une famille (Kara et Lorkan se regardèrent brièvement) mais nous sommes ici. Ensemble. Nous avons dépassé nos différents, nos peines et nos haines. Nous nous sommes élevés, et nous nous élèverons encore. Voilà ce que ceux qui espèrent doivent savoir : s'ils nous suivent, ils s'élèveront de leur condition. Nous sommes pas là pour leur donner une absolution ou une ascension divine. Nous sommes là pour leur donner un moyen de s'élever au dessus de leur condition. Par l'entraide. Par la compréhension. Par la vérité. Qui sommes nous ? Les Révélés.

Tous restèrent silencieux, incapables de répliquer ou de lâcher une remarque acerbe. Yannis s'était redressé sur sa chaise, son regard insondable vrillant Laura. Comme la Sorcière se tassait dans son fauteuil, Ludwig posa sa main sur son épaule pour attirer son attention, et lui offrit un sourire de remerciement le plus sincère. Elle le lui rendit, plaquant sa main contre la sienne.

Il ignora la chaleur qui montait dans sa poitrine pour se tourner vers l'attablée :

— Si quelqu'un a une meilleure proposition, je serais ravi de l'entendre. Pour ma part, je vote pour les Révélés.

— Non… (C'était Kara qui avait parlé, et elle sourit à Laura) Les Révélés, c'est bien : c'est comme si nous étions nus de tout déguisement, et par conséquent nous sommes plus à même de saisir la vérité entre nos mains.

— Et ça donne la confiance ! ajouta Saulia opinant du chef. Si c'était les Révélateurs, les gens auraient eu peur qu'on mette à jour leurs peurs et leurs secrets. Mais là, c'est l'inverse : en nous révélant nous-mêmes, on les cache dans notre ombre !

Les autres accueillirent ces compliments avec des hochements de tête appréciatifs. Ludwig frappa dans ses mains :

— Nous sommes d'accord, donc ! Alors je déclare solennellement ouvert… le conseil des Révélés !

Maintenant, il était temps de faire un récapitulatif de la situation. Ce fut Soma qui s'en chargea, porte parole de la Blue Sight qui avait le plus de respect chez les mourniens :

— Nous avons pu évacuer quelques individus et familles, mais la plupart se cachent encore… ou prennent des risques inconsidérés. Mes amis et moi ne sommes pas omniprésents, et malgré notre bonne volonté, nous manquons de talents magiques… (il se tourna vers Yannis, plein d'espoir) c'est pour cela que nous voulons l'aide du Typhon du Typhus.

— De mes portails, vous voulez dire ? (Soma baissa les yeux, gêné, mais le Mage fit un geste de main ennuyé) Y a pas de mal. Seulement voilà : depuis que les Tharakson m'ont vu et reconnu malgré le déguisement que Ludwig m'avait concocté, la nouvelle de mon retour file comme une traînée de poudre. Tout Oxford est au courant. Et, malgré les communications externes coupées, il ne faudra pas longtemps pour que Londres, l'Angleterre puis le monde le sache aussi.

— Ça ne change rien au fait que tu peux ouvrir des portails, non ? demanda Ludwig avec un regard entendu.

— Je te rappelle que tout Mourn est passé par mon espace. Tout Mourn a déjà goûté mon énergie. Et par conséquent, tout Mourn saura me trouver au moindre portail ouvert !

— Je te rappelle que je ne suis pas le spécialiste en magie, ici.

La pression montant, Lorkan décida d'ouvrir le barrage avec cette phrase :

— Je pourrais demander de l'aide à mes amis. Ce sont des émigrés anciens, ils savent conduire des voitures et user de la technologie terrienne suffisamment bien pour se faire passer pour des humains. Et oui, Yannis, avant que tu ne me le demandes, ils peuvent également masquer des empreintes magiques. Ce sera fatiguant, mais au moins pourront-ils aider plus de personnes. Soma et la Blue Sight couvriront la partie Nord, nous serons au Sud.

— Bien, je te laisse gérer cela, répondit Ludwig. Maintenant, je souhaiterais déplorer une disparition…

Les visages de Saulia, Kara et Béryl s'assombrirent. Lucans était introuvable depuis la descente du lac, et même s'il ne constituait pas une priorité…

— Je m'en occuperais, fit la jeune Ybris en serrant ses poings sur la table. Après tout, c'est moi qui l'ai abandonné.

— Je t'accompagne, soutint Béryl. Je pourrais localiser son téléphone à travers les interférences Zêta.

— Tu crois que je vais laisser une occasion pareille de renouer les liens avec ma sœur ? s'exclama Horebea. Béryl, Kara, considérez-vous Scaravengers à partir de maintenant.

Ludwig acquiesça ; cinq mages ne seraient pas de trop pour protéger Béryl pendant ses détections. Il vit Lorkan faire un geste en direction de sa fille, mais s'arrêta à mi-chemin ; voulait-il lui serrer l'épaule pour la soutenir ? « La Comédie des Ybris » était un livre d'horreur aux yeux de Ludwig, et il comprenait pourquoi le père ne pouvait pas se rapprocher autant de sa fille qu'il le voulait. Seulement, alors que Kara évitait le regard de son père, Horebea s'y accrochait comme une sangsue, le père l'ignorant.

Tout à coup, Laura se redressa sur sa chaise, le regard fixé sur un point invisible. Yannis avait aussi réagit de la même façon.

— Vous avez trouvé quelque chose ? s'enquit le blond.

— Le Tamis, déclara d'une voix lente le Mage. Il a vibré. Quelqu'un a fait entrer un Autre… ou plusieurs.

Ludwig lança un regard à Laura qui opina du chef. Le blond soupira, et demanda aux deux magiciens de se charger de traquer la ou les créature(s) pour éviter qu'elles ne fassent trop de dégâts. Yannis et Laura semblèrent troublés, ce qui n'échappa pas à Ludwig qui nota cette réaction dans le coin de sa tête ; les deux s'étaient déjà connus, il en était désormais sûr. L'important, c'est : dans quelles circonstances ?

— Il ne reste plus que nous trois (le blond regarda tour à tour Saulia et Bartavius) Et je crois savoir que notre prochain objectif va être d'empêcher le sort de masse de fonctionner ?

— Vous lisez dans mes pensées ! s'extasia l'ancien directeur.

— Mais pour un sort écrit durant des centaines d'années, il en faudrait tout autant pour le contrecarrer ? demanda Saulia avec un air penaud.

— Il est impossible de penser que les Dardants aient écrit ce sort et maintenu le rituel jusqu'à aujourd'hui, expliqua Bartavius. Non, ils n'ont pas eu à le faire… Parce que le sort était déjà gravé dans un artéfact très ancien, immuable dans le temps et l'espace.

— Le Tranchecoeur, dit-elle.

À l'entente de ce nom, Ludwig se sentit frémir ; les mots de la vieille femme résonnaient encore dans son esprit, sa voix huileuse faisant grincer le plancher de son esprit :

« Possède-tu le choix d'être, ou celui d'agir ? »

— L'artéfact doit se trouver au cœur des Dardants, soupira Ludwig en se frottant les tempes. Dites-moi que vous avez un plan !

— Les Dardants savent déjà qui vous êtes, et vous ont par conséquence marqué. De même pour moi… Dès que nous passerons leurs frontières, nous serons repérés, capturés et tués dans l'heure qui suit si nous sommes chanceux. Vous n'êtes pas un guerrier, je ne suis qu'un enchanteur. Nous n'aurons aucune chance dans un combat réel.

— Vous voyez ? se moqua Yannis en montrant de la main Bartavius. Non seulement pessimiste, mais aussi prolixe ! Et pas dans le bon sens du terme…

— Alors, continua l'autre en ignorant l'intervention, je propose que nous allions en territoire ennemi sans prendre un seul risque.

Tous ouvrirent la bouche de stupeur, sans comprendre… Tous, sauf un. Un qui éclata de rire si fort et si froidement que certains en eurent des frissons.

— Nous partons donc pour Néo-Mourn (Ludwig lâcha un sourire aigre) Je n'aurais jamais retourné là-bas pour rien au monde.

— A… Attendez une minute ! et Yannis se leva, l'air outragé : Qu'est-ce qu'il vous passe par la tête ?

— Ça fait un an et demi que j'essaye de le deviner, compléta Saulia en croisant ses bras.

Le blond regarda l'ensemble des Révélés avec un air ennuyé.

— Néo-Mourn est la base des opérations des Dardants depuis le début (il se tourna vers Bartavius) Vous êtes diabolique, vous savez ?

— Je fais de mon mieux, concéda le magicien.

— Mais… Néo-Mourn est en paix avec la Terre, n'est-ce pas ? (Yannis fronça des sourcils) Je pensais qu'ils ne soutiendraient pas les Dardants…

— Pas du tout, râla Ludwig. Ce n'est pas parce qu'un groupe se cache dans un pays que ce dernier est entièrement de son côté. Il y a des partisans des Dardans, des « résistants » à l'ordre Néo-Mournien ; ils cachent les Dardants et leur fournissent des artéfacts pour qu'ils puissent lancer des sorts puissants, même au-delà des limites du territoire magique.

— Quand partons-nous ?

Saulia avait l'air d'avoir déjà préparé sa valise, tellement son regard était brillant ; Ludwig la comprenait (un peu), puisque lorsque toute votre vie, on vous parle d'une terre où des merveilles ancestrales et magiques s'époumonent de beauté, ça vous faisait le même effet que vos parents qui vous montraient une photo du château de Disneyland et qui diraient « ça existe ! ».

— Pas besoin de préparations pour ce genre de voyages (Ludwig se leva, et tous firent de même) Messieurs, mesdames, « mesgens »… Allons sauver le monde.

* * *

Saulia ouvrait sa bouche si grande qu'elle se crût devenir boa un court instant. Ludwig rajusta son chapeau, son masque médical et ses lunettes de soleil.

Gardée par une douzaine de murailles juchées de mirador, des tanks, des hélicoptères, des patrouilles militaires à tout va… et une bonne douzaine de contrôleurs qui testaient chaque individu : la Porte de Londres semblait dévorer l'espace, effleurant le plafond gris du ciel de sa titanesque structure. C'était une arche taillée dans une colline, et des troncs s'enroulaient autour d'elle à la manière d'un lierre. Du long de sa courbe s'embrasait des runes antiques datant d'avant les Âges Sombres des Temps Très Anciens.

Le portail, en revanche, était à peine assez gros pour laisser passer une voiture. Il clignotait faiblement, maintenu seulement par la frêle connexion créée par l'Apparition. Elle entendit Bartavius claquer de la langue.

— C'était plus grand dans mes souvenirs.

— Votre soif nostalgique sera épanchée une fois de l'autre côté, répondit Ludwig. Pour l'instant, je vais nous frayer un chemin.

Ils s'avancèrent jusqu'à la première douane. Une file sans précédent avançait à petits pas, mais Ludwig n'y prêta pas attention et passa sur le côté. Une mournienne le remarqua et l'interpella :

— Eh, vous trois ! Faites la queue comme tout le monde !

Le blond l'ignora, aussi elle se tourna vers une jeune à ses côtés, murmura quelque chose et s'écarta de la file pour barrer le chemin du trio, l'air menaçante :

— Vous êtes des Noorll ou quoi ? FAITES…LA…QUEUE !

Bartavius frappa le sol de sa canne.

— Excusez-nous, madame, mais nous sommes pressés d'une urgence capitale.

— On est tous dans l'urgence ! (La mournienne s'avança pour dévisager Bartavius, lui crachant presque au visage) Alors vous allez à l'arrière ou je vous envoie dans le lac d'à côté nourrir les poissons.

Ludwig soupira ; il aurait préféré garder son identité secrète… Il retira ses lunettes et baissa son masque. Elle se tourna vers lui, et hoqueta de surprise.

— Je suis bien celui auquel vous pensez. Et ça ne vous prendra pas longtemps avant de comprendre ce que je suis venu faire ici.

— Mais… (elle se tourna vers Bartavius, et sursauta) M. Le Directeur ?!

— Nala. Comment va Algi et Solon ? Mon remplaçant m'a appris qu'ils ne s'étaient pas inscrits…

La mournienne baissa les yeux se tordit les mains de gêne. Bartavius glissa alors à Ludwig que cette Nala avait été une élève de Typhus qui avait stoppé au Cycle 4. Soudain, la jeune qui accompagnait Nala l'appela :

— Maman ? Qu'est-ce qui se passe ?

— Ne sors surtout pas de la fille, Algi ! (elle se tourna ensuite vers Ludwig, et s'inclina crûment) Je suis vraiment navrée de vous avoir manqué de respect.

— Aucun problème ; vous n'avez fait que défendre votre place. Vous fuyez le mandat d'arrêt.

— Que pouvons-nous faire d'autre ? La plupart des humains nous haïssaient déjà, mais maintenant ils ont une bonne raison de concrétiser leurs vils projets.

Ludwig acquiesça, bien que partiellement d'accord ; il y avait beaucoup d'humains qui aidaient et cachaient les mourmons malgré la loi. Malgré tout, peu de mages considéraient ces derniers comme fiables et leur crachaient souvent dans la main.

— Puis-je vous poser une question indiscrète ?

Un haussement de sourcils, regard sur la montre et il accepta. La femme déglutit :

— Est-ce vrai ce que l'on raconte ? Que Mourn est sur le point de revenir ?

Ludwig s'apprêta à répondre qu'il y avait de grandes chances que cela arrive, quand Bartavius l'attrapa par l'épaule, et lui lança un regard signifiant : « on ne sait pas de quel côté elle est ».

— Mourn est parti (Ludwig évita le mot « mort(e) » pour éviter de brusquer Nala) Votre foyer est la Terre et Néo Mourn réunis. Ne l'oubliez jamais.

Le regard de la mournienne se ternit quelque peu, mais elle sourit faiblement et acquiesça, avant de revenir vers la foule. Le temps presse, songea Ludwig en se tournant vers le portail. Il s'avança à grands pas jusqu'à la première douane. Sa carte d'ambassadeur ne fonctionnait pas de Néo-Mourn à l'Angleterre, mais de l'Angleterre à Néo-Mourn, si. Le militaire l'étudia, la lui rendit en hochant de la tête en lançant deux brefs regards en direction de Bartavius et Saulia, avant de les laisser passer.

Chaque étape fut la même : hochements de tête, regards furtifs, écarts… Jusqu'à la dernière. La porte vibrait d'énergie antique, maintenue par une magie inconnue des magiciens. Les Premiers Nés avaient-ils vraiment construit ces portes ? Ou bien était-ce une civilisation pré-humaine ? Lorsqu'il passa le portail qui n'usait d'aucun sous-espace, Ludwig sentit le frisson infime d'une présence qui l'emmenait loin, loin, loin…

ILS…

La puissance de l'impression l'écrasa si profondément que Ludwig en eut le souffle coupé. Il volait toujours dans ce tunnel de raies hyperluminques multicolores, mais son corps semblait figé dans un état au dessus de l'espace et du temps. Au dessus de toute forme de dimension.

ATTENDAIENT…

Qui parlait ? Cette voix… Ludwig l'avait déjà entendu… Oui, ça lui revenait ! Après sa rencontre avec la vieille femme, c'était la voix qui lui avait parlé d'une goutte qui tombait.

MON…

Le blond se ressentait plus… Il ne pensait même plus sous cette pression infinie. Seule sa volonté de lumière l'empêchait de sombrer. Le souvenir de la lame de lumière, celle qu'il avait usé face au parasite de Laura, jaillit de l’enchevêtrement qui se trouvait à la place de son corps. Elle trancha net l'endroit absolu, déchira des ouvertures partout autour de lui. Le tunnel remua tel un serpent agonisant.

...SIGNE.

Ludwig arracha son identité… son âme à la voix, la repoussant avec toute sa puissance ; le contrecoup fut tel qu'il projeta des souvenirs fendus dans tout le tunnel… Avant que le blond ne les rappelle à lui.

…parfait, Ugo nous retrouvera au CDI…

j'imagine qu'Edward le sait, il est si perspicace que parfois ça me fait peur…

Maty, non !…

…j'aurais pu comprendre que tu n'étais pas de mon côté, Yannis…

…je ne peux pas prendre le Tranchecoeur maintenant…

…j'espère que tu te ne les gèle pas là haut, Hadri…

Ludwig se réveilla en poussant un râle digne des pires draugr. Il se tâta la tête, vérifiant qu'elle n'avait pas explosé. Non, elle est toujours là…

— Tu as toujours eu un cri des plus étranges, fit une voix trop familière.

Une personne tendit la main pour l'aider à se relever, ses traits masqués par un contre-jour. Ludwig regarda vers l'horizon, et vit la côte Paraxienne aux sables rouges, au bord de la Mer des Jaspes qui renvoyait un éclat vert des plus magnifiques. Il tourna la tête vers la main et l'aggripa pour se relever.

— Bartavius, je vous ai déjà dis de ne pas changer votre v…

Il s'arrêta de parler. Bartavius et Saulia étaient derrière la personne, aux côtés d'une jeune fille blonde, souriante et parlant un peu trop vite.

Puis son regard croisa celui d'Edward.

— Le vent que tu m'as mis était pire que tout. Heureusement pour toi, je suis d'humeur clémente aujourd'hui (il serra la main de son ami et posa l'autre sur son épaule) Alors, mon gros, on m'a manqué ?

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