Lilliput, Brobdignag, les Houyhnhnms et les Yahoos : Où l'homme est traité comme un animal

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 Ainsi, Les Voyages de Gulliver questionnent les relations de l’homme à la société, comme l’ont montré les aspects contre-utopiques et dystopiques, mais il questionnent aussi la place de l’homme dans la société ainsi que dans la nature. Nous verrons, pour cela, trois voyages précis : Lilliput, Brobdignag et le pays des Houyhnhnms.


 Lilliput et Brobdignag nous montrent certaines similarités et parallèles : Gulliver est un géant dans le premier ; il est de la taille d’un insecte dans le second. Lors de son arrivée, le traitement que l’on donne à Gulliver est assez proche d’une bête de foire, d’un sauvage ou d’un animal : il est différent, on s’attroupe autour de lui, on est curieux, on l’examine en détail tel un persan à Paris…

 Mais nous pouvons remarquer des différences entre les deux. En effet, Gulliver est assez vite traité en tant qu’homme à Lilliput (les lilliputiens vont le nommer Quinbus Blestrin, « L’Homme Montagne ») et même en tant qu’aide (5, I) tandis que, à Brobdignag, celui-ci est, certes, mieux traité qu’un vulgaire insecte ou animal, mais il reste traité en tant qu’être inférieur, dans tous les sens du terme : en taille, en tant que civilisé (le roi se rit de lui et de la société anglaise, qu’il traite « d’odieuse vermine ») et en tant qu’espèce humaine… cela est une vision assez proche de celle qu’eurent la civilisation européenne sur les « sauvages » d’Amérique.

 Enfin, le pays des Houyhnhnms est particulièrement intéressant quant à la problématique de l’homme et de la Nature. En effet, ici, les rôles sont inversés : les Yahoos (des hommes à l’apparence si étrange que Gulliver dit d’eux que « dans tous mes voyages je n’avais jamais vu d’animal si difforme et si dégoûtant » (1, IV) : poilus, le teint sombre, l’air sauvage...) ne sont que des animaux et les Houyhnhnms (des chevaux) en sont les maîtres.

 Ici, Gulliver est aussi traité comme une curiosité autour de laquelle l’on se rassemble pour observer (3, IV). Mais le plus intéressant reste la réaction du maître de Gulliver lorsque ce dernier lui apprend, au même chapitre, que les chevaux sont dressés et montés par les humains, que le rapport de force est totalement inverse : « Mon maître parut indigné de cette manière brutale dont nous traitons les Houyhnhnms dans notre pays. Il me dit qu’il était très étonné que nous eussions la hardiesse et l’insolence de monter sur leur dos ; que si le plus vigoureux de ses yahous osait jamais prendre cette liberté à l’égard du plus petit Houyhnhnm de ses domestiques, il serait sur-le-champ renversé, foulé, écrasé, brisé. […] Il est impossible de représenter l’impression que mon discours fit sur l’esprit de mon maître, et le noble, courroux dont il fut saisi lorsque je lui eus exposé la manière dont nous traitons les Houyhnhnms. Il convint que, s’il y avait un pays où les yahous fussent les seuls animaux raisonnables, il était juste qu’ils y fussent les maîtres, et que tous les autres animaux se soumissent à leurs lois, vu que la raison doit l’emporter sur la force. » Ici, le regard de l’autre est courroucé et donne une grande critique de la manière dont les humains traitent ceux qui leur sont considéré comme inférieur. Ce rapport de force inversé rend alors l’homme moins « parfait » qu’il ne le pense être.

 Nous pouvons aussi remarquer que cette inversion fait que les chevaux deviennent le miroir de l’homme : il se croient supérieur à tout (Houyhnhnms signifiant « perfection de la nature » dans la langue des chevaux) ; ils traitent les Yahoos comme de simples bêtes, des moins que rien, tout comme les humains traitent les chevaux ; il ont un langage propre à leur culture… Et cet inversion qui fait de Gulliver un simple animal « sauvage » (mais tout de même à part des autres) questionne la place de l’homme dans le royaume animal, lui fait ressentir ce que c’est que d’être une bête.


 Toutefois, nous pouvons remarquer une chose : quelque soit l’île, Gulliver rencontre à chaque fois des sociétés complexes (comme le peuvent l’être les utopies) ; aucune n’est sauvage, barbare ; aucune n’était aussi proche de la nature comme l’étaient les indigènes d’Amérique ou d’Afrique. Toutes sont déjà touchées par la civilisation et la Culture. C’est ce que nous avons aussi pu voir avec la Fable des Abeilles.


 Le marquis de Sade, par contre, fit autrement avec son Royaume de Butua. De plus, il poussa l’horreur à son paroxysme avec son École du libertinage.

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