Le lieu fictif et le voyage

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 La dystopie est semblable à l’utopie en ce qu’elle est de la fiction. C’est ainsi par un usage de la fiction que certains auteur feront passer un message, en montrant un lieu pire que le nôtre mais aussi pour montrer l’impossibilité de l’utopie.

 Je vais ici reprendre la définition de la contre-utopie de Gérard Klein dans son Dictionnaire des Utopies : celle-ci « met en scène une eunomie pour établir son inhumanité du fait de son incomplétude. En effet, l’eunomie repose sur le concept d’une nature humaine, servant de socle absolu à la définition de la bonne loi. Les anti-utopistes apportent la preuve par la fiction qu’un tel socle n’existe pas et qu’il se trouvera toujours au moins une modalité de l’humain à échapper au bénéfice présumé de la perfection utopique ». Le fait que la dystopie soit un lieu fictionnel permet alors d’exploiter les possibilités que la fiction offre, permet d’agrandir les traits humains (et inhumains), de créer de nouvelles sociétés différentes de celles connues, de montrer le pire des mondes possibles.

 Comme le remarque Raymond Trousson dans son ouvrage Science, techniques et utopie. Du paradis à l’enfer, la fiction dystopique est plus complexe que l’utopie car elle est plus propice à l’aventure ainsi qu’au voyage et elle nous donne des personnages plus travaillés ainsi que des questionnements sur les choix et la liberté individuelle, deux notions très importantes à l’époque des Lumière. La dystopie suit alors, de ce fait, la devise classique, aussi utilisée par les Lumières : « Placere, Movere, Docere ». Étant donné que la fiction doit plaire, au niveau de l’intrigue et des personnages, mais aussi instruire et donner un regard nouveau et éloigné de ces sociétés, ces personnages ne doivent pas venir de ces lieux fictionnels mais plutôt du nôtre pour que le lecteur puisse s’identifier et partager le point de vue, pour que le choc culturel puisse être encore plus puissant. Nous pouvons ainsi remarquer que les héros de dystopie, au XVIIIème siècle, viennent tous de notre monde, de nos sociétés, et que ceux-là partent en voyage et explorent ces nouveaux mondes cauchemardesques (ce qui était très proche des récits de voyage comme nous pouvions en voir un grand nombre publié lors du Siècle des Lumières). Cela permet alors des découvertes et des aventures pour « capter la bonne volonté » du lecteur et ainsi donner plus de facilité à la transmission du message philosophique, moral et politique. Nous pouvons même voir cela par le biais de récits écrits à la première personne, comme Les Voyages de Gulliver de Swift ou comme dans les œuvres de Charles-François Tiphaigne de la Roche (Amilec, Giphantie ainsi que Histoire des Galligènes : Mémoires de Duncan).

 Enfin, la dernière observation que nous pouvons faire est celui d’une dualité : la dystopie se construit en contraste avec l’utopie et vice versa. Nous pouvons le voir avec L’Île Taciturne et l’Île enjouée de Bricaire de la Dixmerie : le titre, ici, parle de lui-même. Chose intéressante à remarquer ici : cette dualité se fait même dans le type de lieu : l’utopie et la dystopie sont, en effet, toutes les deux des îles. L’utopie, en littérature, a très souvent été une île pour des questions d’isolement et de position très ardue à trouver ; il en va de même, ici, pour la dystopie.


 Toutefois, malgré toutes ces observations, l’une des premières dystopies du Siècle des Lumières ne fut pas un lieu fictif. L’une des premières dystopies (ou, du moins, considérée comme telle) de ce siècle, en effet, fut une fable philosophique :


La fable des Abeilles, publiée en 1714 et écrite par Bernard de Mandeville.

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