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Par un matin de printemps, Michael, jeune éphèbe, cadre dynamique, gendre idéal, mais bien trop malicieux pour se caser, étendit son corps musculeux, les yeux violentés par la lumière du jour qui filtrait au travers des persiennes. Les oiseaux gazouillaient, mille petites ritournelles agaçantes. Son réveil menaçait de tonner. Il le pressentait, jamais ne se trompait. Michael n’aimait pas lambiner dans son lit, même les jours de repos. La langueur, la fainéantise, les grasses matinées, ce n’était pas pour lui.

Qui parle de repos alors que sa verge le taquinait, gonflée à bloc ? Il était prêt à remettre ça, plutôt deux fois qu’une ! Une chance : il n’était pas rentré seul cette nuit. Une onde de chaleur délicieuse se propageait jusqu’à lui, titillant sa testostérone. Un parfum de caramel, langoureux et sucré, enivrait ses narines. L’envie de replonger, de satisfaire cet afflux de sang impérieux, insufflait suffisamment de désir pour qu’il plaque son corps contre celui de cette naïade couchée à ses côtés. Le souvenir de son visage, de sa silhouette, s’était évaporé dans les alcools capiteux, les vibrations de basses intenses, les rires tonitruants et autres confidences consensuelles. Peu importe la disparition de ces œillades complices aux pupilles dilatées, la neige, égarée au coin des narines puisqu’elle était là, ce matin, l’inconnue, lovée dans ses drapées. Diable, comme elle sentait bon !

A quoi ressemblait-elle ? Michael avait toujours eu ce flair indéfectible, un taux de réussite avoisinant les cent pour cent, quand il s’agissait de dénicher une belle femme, et notamment des bombes latines, sa préférence. Pragmatique, certain de son expérience et de ses muscles méticuleusement affûtés, il savait qu’il ne serait pas déçu de sa prise. Jamais, au grand jamais, il n’avait entrainé de boudin dans sa couche, ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait déroger à cette règle.

Sans même ouvrir les yeux, guidé par sa main baladeuse, il caressa cette peau ferme, mais d’une douceur troublante. Sans doute une sportive ! Il aimait les corps compacts, vigoureux, qui respirent la santé. Enivré, excité plus que jamais par ce contact, il se blottit contre elle, ne cessant pas de la caresser, jusqu’à ce que ses doigts effleurent sa poitrine. Une poitrine d’une fermeté exemplaire, aussi travaillée que la sienne : un torse d’homme ! Horrifié, il recula, paniqué, manquant de s’écraser au sol dans cette précipitation granguignolesque. On eût dit qu’il avait vu un démon apparaître devant lui !

A bout de souffle, sous le choc de cette affreuse découverte, il observa, écœuré, cet homme qui dormait à poings fermés : tout aussi musclé que lui, brun, la peau hâlée, jeune, nu. Avaient-ils… ? Non, il n’osait y penser ! C’était inconcevable ! Les hommes ? L’idée le dégoûtait ! Il était viril, lui aussi : impossible qu’il en soit... C’était tellement… improbable. Il ne comprenait pas. Que faisait cet homme dans son lit ? Qui était-il ? Une infime erreur s’était glissée dans la mécanique de la soirée, sans doute un bug dans la beuverie, un produit de mauvaise qualité. Ce n’était peut-être qu’un immense malentendu. Il lui avait proposé l’hospitalité, pour éviter que ce dernier ne conduise, parce qu’il était plus aviné que de raison. Voilà une hypothèse tangible. Dans un sursaut d’altruisme éthylique, Michael avait eu le cœur sur la main, alors qu’il aurait préféré qu’elle soit occupée ailleurs. Malgré tout, cela n’expliquait pas pourquoi ils étaient nus, tous les deux.

Agacé, Michael ne tergiversa pas : après avoir enfilé son slip, il prit la résolution de réveiller ce jeune homme afin de le soumettre à un interrogatoire en bonne et due forme. Il était impératif qu’il recouvre la mémoire, aussi le poussa-t-il brutalement une fois, deux fois, trois fois, le secouant comme un prunier, peu importe la taille de ses burnes.

« Réveille-toi, putain ! » s’énervait-il, concurrençant le chant mélodieux des oiseaux.

« Humm, humm » : il n’obtint guère d’autre réponse de ce garçon brun qui se retourna, dévoilant une paire de fesses blanches comme la lune.

« Réveille-toi, bordel », tonna Michael en le secouant de plus belle.

Le bellâtre se réveilla, cernes béants, plus éphèbe encore que lui, avec ce côté bad boy ténébreux à la noix. Un sourire parfait dessinait une fossette énigmatique dans la pulpe de ses joues lisses. De quoi faire fondre les midinettes. Michael n'appréciait guère ce genre de concurrence déloyale. On parlait souvent de la guerre des brunes contre les blondes mais jamais de celle des blonds contre les bruns. Le drame de sa vie ! Combien de meufs évaporées à cause de ces types ? Combien ? Non sans haine, il le regardait s’étendre comme un chat, exhibant cette musculature parfaite, une provocation de plus : des heures de travail, des sacrifices évidents, une dévotion inébranlable, un corps exemplaire. Bâtard ! pensa-t-il, jaloux.

« T’es qui ? cracha-t-il enfin, le regard torve.

- T’es pas très agréable au réveil, mon chat. Il y a d’autres façons de se secouer plus sympas ! Tu peux me demander gentiment mon prénom aussi, si tu l’as oublié, tu sais, je ne vais pas te mordre, surtout après cette nuit… Je m’appelle toujours Loïc, Michael… »

Loïc, bien qu’il eût conscience du regard noir de son hôte, de cette irascibilité qui l’envahissait, palpable, électrique, n’écouta que son cœur, la pulsation de sa bite, ses cent-vingt battements par minute, le signe indubitable que l’amour était là, que le désir supplantait tout. C’était ça, l’attirance, rien d’autre. Des palpitations, des afflux de sang - de la beauté. Ils allaient remettre ça !

Mon chat ? Cette nuit ? Cette queue qui bande, là, pour moi ?

Michael, la rage au ventre, crut défaillir. Ils avaient sans nul doute couché ensemble ! Comment ? Pourquoi ? Ces pensées le révulsaient. En son for intérieur, il fulminait : des vagues de haine, un dégoût profond, insidieux, heurtaient sa raison. Cette écume spumescente embrouillait son jugement. Et cette colère, cette colère sourde qui montait en lui, irrépressible, jusqu’à l’envahir totalement, comment la gérer sans exploser ? Non, il ne pouvait laisser passer un tel affront !

« Sale pédé, hurla-t-il, salé pédé ! »

Loïc le regardait, fronçant les sourcils. Son joli sourire s’évapora. Stupéfait, il ne comprenait pas la réaction de cet amant si doux, si merveilleux, sans doute le meilleur coup de sa vie.

« Calme-toi, temporisa Loïc en se levant, tu fais probablement un bad trip !

- Le bap trip, c’est toi », répondit le blondinet qui, dans une fureur noire, lui fondit dessus comme une panthère sur une biche.

Une droite, puis deux.

Loïc ne s’attendait pas à ce que la branlée du matin soit si virulente : du nez, il pissa le sang, à torrents.

Cette tantouze pathétique n’était pas formée à résister à ce genre d’assaut, ce genre de mec, pensa Michael rongé par la haine, ils ne sont bons qu’à donner leur cul, rien de plus. Mais… Il l’avait peut-être sucé ! Ses lèvres autour de sa bite ! Non ! Ivre de colère, Michael cogna, cogna toujours plus fort ce sac de frappe sur lequel il s’acharnait de toutes ses forces, enragé.

Déstabilisé, haletant, la peur au ventre, Loïc, plus si ténébreux, essaya de répliquer, de mettre à terre son assaillant or, anéanti par la fureur de cette brute capricieuse, il ne put rien faire. Chancelant sous ses assauts entêtés, il s’écroula. Sa tête percuta la table de chevet.

Profitant de l’occasion, Michael saisit la chevelure noire de jais, abondante et sculptée, de cet adversaire pitoyable, puis fracassa cette gueule d’ange plusieurs fois contre la bordure de la table de nuit. Il ne contrôlait plus sa force, jusqu’à ce que cette masse musculaire s’effondre, désarticulée. Dans un dernier spasme. Sans vie. Du sang ! Ce n’était pas si émouvant et pourtant, Michael tremblait devant ce corps, enivré, toujours, par cette odeur de caramel alors que Loïc, les yeux grand ouverts, vides comme un paradis perdu, ne le regardait plus.

« Merde ! Merde ! Merdeeeeeeeeee ! s’épouvanta Michael, frémissant de tout son être face au cadavre de cet amant présumé - son amant - qui prenait vie dans le sillon humide de ses remembrances. Il se souvint alors de ses caresses langoureuses, de ses baisers passionnés, de ses étreintes farouches, de cette pénétration douce, de cette sensation de bien-être infini qu’il n’avait jamais ressenti jusqu’alors et qui l’ébranla tout entier - une Révélation. Ce n’était pas cet homme qu’il détestait, mais lui-même, sa nature profonde.

Brisé par les larmes, il s’écroula en bandant au pied de sa victime, victime de sa propre vérité, alors que son réveil, programmé avec soin, se mit à sonner, plus strident que jamais.

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Nouvelle écrite le 27 septembre. Semaine 3.

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