Chapitre 3 :

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Je luttai pour ne pas fermer les yeux et exploser en larmes ou en colère. Très sincèrement, les deux me tentaient beaucoup. Mais je décidai de reporter ma colère plus tard sur Linda et de retenir mes larmes. Franchement, elle aurait dû me prévenir. Je pensai aussi à fermer ma bouche, ce n'était pas le moment de faire l'idiote. Je repris un air sérieux et répondis au sourire de Clément. Nathan, lui, continuait à me dévisager comme s'il ne m'avait jamais vue. En même temps, j'ai énormément changé depuis notre rupture, que ce soit physiquement ou mentalement. Je m'avançai vers le père de Nathan que j'avais déjà vu plusieurs fois. Et lui tendit la main, qu'il prit et serra en me souriant. J'en étais certaine, il m'avait reconnue. Il avait été au courant pour ma relation avec son fils, et il m'aimait bien. Je voyais dans son regard qu'il n'avait pas cessé de m'apprécier. En même temps, ce n'était pas moi qui avais décidé de rompre définitivement. C'était Nathan.

— Laurianne ! Comme tu as changé ! Une vraie femme. Tu habites ici ? Que deviens-tu ?

Je lâchai sa main et fit mon possible pour ne pas rougir. Accepter les compliments n'étaient pas mon fort. J'avais peur de paraître prétentieuse, trop sûre de moi et de commencer à être arrogante, je préférais donc remercier mais de ne pas les accepter. Sauf que j'étais surtout gênée de les revoir. Je sortis les clefs de ma sacoche pour insérer celle de la porte d'entrée dans sa serrure.

— Donc, tu vis ici avec Linda et Dorian, commenta Clément. Qui sont les deux autres colocataires que nous n'avons pas encore rencontrés ? Les connaissons-nous ?

— Lorie et Mallo. Mais vous ne verrez pas Mallo avant ce soir ou demain matin, marmonnai-je en guise de réponse.

— Qui remplace-t-on ?

On utilisait le terme de remplacement depuis que nos amis avaient déménagé, mais je n'aimais pas ce terme. On ne les oubliait pas, on leur parlait toujours. Donc on ne les remplaçait pas.

— Pola et Dylan. Ils se sont installés ensemble et j'ai hâte de voir des minis eux leur mener la vie dure.

J'ouvris la porte et Linda arriva en pestant contre la sonnette qui venait tout juste de se casser. Cela me faisait bien rire, disons que j'étais plutôt en colère contre elle. Mon amie s'excusa auprès du père de Nathan, il ne lui en tint pas rigueur. Ce dernier ordonna à son fils et au meilleur ami de celui-ci de rester attendre dehors pendant qu'il faisait le second état des lieux. Linda m'intima de rester avec eux pour leur tenir compagnie. Je lui lançai un regard noir avant de m'appuyer contre mur. Linda avait beau être une frileuse, elle était restée à la maison toute la journée, quelques minutes dans le froid ne l'aurait pas tuée, puis j'aurais tant voulu parler à George. Je fourrai rapidement mes mains tremblantes dans mes poches mais je remarquai bien que Nathan les avait vues. Je fis un signe de la tête à Linda pour qu'elle parte. Plus la visite commençait tôt, moins je passais de temps dehors avec Clément et Nathan. Je voulais travailler dans une pièce chauffée avec un chocolat chaud pour boire quelques gorgés de temps à autre.

Attendre avec les deux jeunes hommes était horrible. J'étais très gênée et je ne voulais pas vraiment leur parler. Je ne leur avais pas parlé il y a quelques années, puis avec Nathan, ça c'était mal fini. Si la colocation durait dans cette ambiance, il allait falloir faire quelque chose. Je ne prêtai pas attention aux garçons et m'appuyai contre le mur en sortant mon portable. Je vérifiai si je n'avais pas eu d'autres messages. Il n'y avait rien. Je soupirai et levai les yeux aux ciels avant de glisser mon portable dans ma poche. Pourquoi fallait-il que ce soit eux ? Que ce soit lui ? La chance prenait un malin plaisir à me laisser dans pratiquement tout les moments de ma vie. Ce n'était pourtant pas ma faute, j'essayai de la garder pourtant… Comment pouvais-je continuer à croire au karma ? Je ne savais pas.

— Alors… Qu'est-ce que tu deviens ?

C'était Clément. Sa voix me sortit lentement de mes pensées qui m’enveloppaient, créant ma bulle qui me protégeait et m'éloignait des autres et même du froid. Le retour fut donc ébranlant, le froid n'eut aucune pitié à me manger toute entière. Je levai les yeux vers Clément en évitant de lui lancer un regard noir. Je n'aimais pas être dérangée quand je réfléchissais, mais il ne me connaissait pas. Même avant, pas tant que ça. Je remarquai sans peine que Nathan évitait mon regard, ce n'était pas plus mal.

— J'ai fait du droit pour pouvoir passer en fac de journalisme. J'ai eu mon bac L avec mention, mais ça vous le savez normalement. Mes frères ont fini par se trouver des femmes, enfin, qu’un seul, et j'ai une nièce de 5 ans maintenant. J'habite avec mes potes et je travaille dans un café les matins du week-end pour me faire un peu d'argent. Et vous ? Comment ça se passe ?

— Je suis encore en école de commerce, mais c'est bientôt fini. D'ici quelques mois je serais diplômée, répondit Clément.

Je tournai le regard vers Nathan qui ne répondait pas. Ses beaux yeux bleus fixaient le sol pendant qu'il essayait de faire sortir de la buée de sa bouche grâce au froid. Plus jeune, je faisais cela aussi. Ça m'amusait. Clément lui donna un léger coup de coude pour qu'il revienne avec nous.

— La finance.

Il voulait donc toujours être trader. Ma grand-mère disait que c'était un métier qui pouvait être dangereux, qu'il fallait avoir la tête sur les épaules et être très réfléchis, que l'on pouvait y ressortir ruiné, et voir même mort. Je me suis toujours dite qu'elle exagérait un peu, à l'époque où j'étais avec Nathan, cela me rassurait de me dire qu'en réalité, il ne risquait rien. Même si cette réalité pouvait être fausse. Je marmonnai donc quelques bien d'une voix monotone avant de regarder les voitures qui passaient.

— Et les autres ? Que sont-ils devenus ?

Je leur expliquais donc ce que faisaient les autres dans leur vie. En passant des études de chacun ainsi qu'au travail de Mallo et Dylan. Je pris mon temps car je savais que Linda n'aurait pas encore finis la visite d'ici cinq minutes. J'avais une sérieuse envie de lui taper dessus. Sauf que je n'étais pas une personne violente en général. Quand je le devenais, c'était juste parce que j'explosais et que ma colère était à son paroxysme ou alors que je supportais trop de choses, ce qui revenait au même. Aujourd'hui, ce n'était qu'une broutille je ne devais pas m'énerver.

— Ça vous dérangerait si des fois Sean et Bastien passent de temps en temps ? voulut savoir Clément.

Je fronçai les sourcils, me concentrant pour me rappeler à quoi ils ressemblaient.

— Bastien je m'en rappelle puisqu'il faisait allemand avec nous. Sean en revanche… Ce ne serait pas le faux blond ?

— Si, tu lui as déjà parlé sûrement.

— Une ou deux fois peut-être, mais pas très souvent dans tous les cas. Je ne lui ai jamais vraiment tenu la discussion. Bref… Ouais si vous voulez tant que vous n'embêtez personne et que vous ne salissez rien.

Une voiture se gara près de la maison. Je fronçai les sourcils et me décollai du mur. Un brun de trente-deux ans, aux yeux bleus et aux cheveux bruns bouclés sortit de la voiture puis ouvrit la porte arrière.

— Hey ! Qu'est-ce que tu fais Ra' ?

Depuis toujours, Ra' était le surnom que je donnais à mon frère aîné le plus âgé qui s'appelait Raoul. Mon autre frère qui se prénommait Santiégo avait hérité du surnom Satan que j'avais par la suite transformé en Saint. Je ne me rappelais plus de l'origine de ses surnoms, déjà que mes premiers souvenirs dataient de mes six ans environs, cela remontait à trop loin pour ma tête. Je répétai ma question à mon frère sans obtenir plus de réponse. Une petite fille métisse aux cheveux noirs et aux yeux bleus sortit du véhicule et vint me serrer la jambe. Je jetai un coup d'œil gêné aux nouveaux colocataires et observai mon frère poser deux bagages près de moi

— Merci…

Il allait repartir mais je me libérai de l'emprise de sa fille avant de le rattraper en lui prenant le bras.

— Sérieusement ? Mais qu'est-ce que tu fais ? Je pense que quand tu balances ta gamine à quelqu'un, cette personne a le droit à un minimum d'explication, commençai-je.

Il soupira. Je savais que cela l'ennuyait beaucoup, mais moi aussi j'avais ma vie, mes études. En plus de cela, j'étais dans une colocation. Ce n'était pas le meilleur espace pour une petite fille de cinq ans.

— Santiégo ne peut pas la garder.

Il allait encore partir, juste en disant cela. Je ne savais pas s'il comprenait qu'il ne me disait pas assez d'informations. Je le tirai encore une fois.

— Laurianne ! Ce n'est pas le moment là. Je n'ai pas le temps.

— Alors si tu ne veux pas perdre encore plus ton temps je te conseille de m'expliquer, car je ne compte pas te lâcher avant d'avoir obtenu une explication.

Il poussa un soupir discret. Il avait bien compris que j'étais sérieuse, et que même si cela le mettrait dans le pétrin, je n'hésiterai pas à le regarder.

— Bon… Il se pourrait bien qu'Élisa doit régler un problème avec sa famille et il de mon devoir de l'accompagner. Et je ne peux pas laisser partir Inès en Guadeloupe avec nous. Elle va à l'école. Santiégo ne peut pas la prendre.

— Et les parents ? Tu as pensé à eux ? J'ai des diplômes à passer pour réussir ma vie professionnelle et ma vie tout cours. Contrairement à toi, elle n'est pas acquise.

— Tu n'auras qu'à passer les voir demain pour emmener Inès. Cela fait un moment que tu n'es pas passée les voir.

Je serrai les dents, énervée par la remarque de mon frère ainsi que son égoïsme. Il arriva à se défaire de mon emprise et je lui envoyai un dernier regard assassin avant qu'il claquât la portière de sa voiture.

— Je te déteste ! hurlai-je.

Je le regardai s'éloigner jusqu'à ne plus le voir puis le retournai vers Clément et Nathan qui restaient médusés de la scène qui venait de se dérouler sous leurs yeux. Je sentis ma nièce me serrer une jambe. Heureusement qu'elle ne semblait pas comprendre ce qu'il s'était passé. Je baissai la tête pour lui offrir un sourire que j'essayerai de ne pas paraître forcé. J'aimais bien les petits enfants, ils avaient beau me foutre un coup de vieux à chaque fois, et me faire rire avec leur insouciance, ils n'en restaient pas moins mignon et adorable. Sauf que ce n'était vraiment pas le moment pour moi de m'occuper de gamins. Absolument pas. Au final, j'aurais dû être heureuse de voir ma nièce, mais là, j'étais profondément agacée par mon frère.

J'allais devoir passer chez mes parents que je n'avais plus vu pendant un moment. Je me tenais loin d'eux quelques fois, comme si j'avais peur qu'ils rompent à nouveau. Je perdrai du temps sur mon sommeil car ils habitaient à 3 heures de route de la colocation. Il faudrait donc que je fasse les 3 heures de retour et le temps habituelle pour aller à la fac… Génial. Je devais aussi parler urgemment à Linda sur l'identité des colocataires. À moins que je puisse en discuter avec Dorian avant. Et je ne devais pas oublier Dylan et Pola.

Bien. Je devais essayer de rester de bonne humeur même si j'avais envie de hurler de rage en pleine rue, sans m'en soucier.

Une vieille dame me dévisagea étrangement, je devais peut-être avoir fait une tête bizarre. Si c'était le cas, Clément et Nathan n'en montrèrent rien. Je m'écartai pour être moins près de la route sans blesser Inès. Puis la porte s'ouvrit laissant apparaître Linda discuter avec le père de Nathan.

— Installez-vous bien les garçons ! J'étais ravie de te revoir Laurianne. Je passerais de temps en temps.

Puis il partit je le fixai jusqu'à ne plus le voir. Je sentis le poids accrochant ma jambe se volatiliser. Je baissai les yeux et suivis Inès qui vint enlacer Linda. Elle l'aimait bien.

— Mais qui est ce que je vois ? Ma meilleure Inès ! Viens, rentrons au chaud.

Cela faisait plus d'un quart d'heure que je poirotai dans le froid. J'allais finir par être folle. Au moins Linda s'occupait d'Inès, mais cela n'effacera pas nos deux nouveaux colocataires. Je les laissai passer et portai avec difficulté les sacs de ma nièce dans le froid qui me frigorifiait de plus en plus. C'était simple : je ne sentais plus mes doigts. Clément me prit un sac dès qu'il eut posé le sien. Je lui bredouillai un merci essoufflé avant de poser les bagages. Pourquoi étaient-ils aussi lourds ? Puis je finis par rentrer dans le chaud.

C'était tellement bon. La journée avait été riche en rebondissements et en révélations.

Mais elle n'était pas finie.

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