La princesse chocolat

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Il était une fois dans le royaume d’Incérèzinnon-Aleiattware, un roi et une reine qui n’avaient pas d’enfants. En réalité, ils en voulaient un, mais pas un garçon, alors ils n’osaient pas essayer d’avoir une petite fille. Ils demandèrent donc conseil à la marraine bonne fée du royaume si elle pouvait les aider. Elle y avait grand intérêt puisque sans enfant à bénir, la valeur de ses actions en bourse chutait comme une pierre.

« A situation désespérée, mesures désespérées » dit-elle enfin. « Vous allez avoir des enfants, et si vous ne voulez pas de l’un d’entre eux, faites le passer à la casserole ! »

Les deux souverains hésitèrent, mais finirent par accepter parce que sinon, il n’y aurait personne pour payer leurs retraites. Ainsi naquirent sept garçons. A chaque fois, la bonne fée marraine leur donnait un don. « Tu seras le plus tendre des enfants. » Le public versait une larme d'émotion devant tant de bonté, puis, dans le plus grand secret, le cuisinier royal préparait un délicieux gigot des plus savoureux. Enfin, étape finale du plan, la reine se lamentait de la perte de son enfant tombé par mégarde dans une casserole alors qu’il se promenait seul dans le château, ce qui pourtant est difficile à quelques jours seulement, convenons-en. Le peuple n’était pas dupe, mais au milieu des scandales au sein de la plèbe, un infanticide suivi d’un infantophage, c’était le cadet des soucis.

Osons-le dire, le royaume d’Incérèzinnon-Aleiattware était un paradis fiscal où la consommation de drogues était légale et où les pires crimes n’étaient que bagatelles. Le seul vraiment important et condamné de mort était celui de se promener pieds-nu dans la grande rue, entre 13h et 15h le premier mai si le temps était ensoleillé et si l’on trainait derrière soi une carcasse de cheval à laquelle on avait au préalable coupé la langue et attaché des patins à roulettes de couleur orange qui grincent, le tout accompagné par un morceau de piano joué par un cul-de-jatte unijambiste. Ce n’était arrivé qu’une fois, mais cela avait réveillé le roi pendant sa sieste, et le coupable eu la tête tranché. Autant dire que devant une telle tolérance, tout allait pour le mieux dans ce royaume.

Bref ! Toujours est-il qu’une fois sept petits garçons mangés et tout un livre de contes ainsi évité, la reine tomba enceinte une nouvelle fois. Le médecin qui fit l’échographie ne sut prévoir le sexe de l’enfant et reçu un formidable coup de pied dans le derrière de la part du roi, et il en fut de même pour les dix autres qui suivirent. Au final, la bonne fée marraine conseilla au couple d’attendre la naissance. Les deux époux se dirent que ce n’était peut-être pas une mauvaise idée, et patientèrent donc plusieurs mois.

Quand l’enfant naquit, on voulut l’appeler « blanche-fesse » car sa peau était aussi blanche que la neige, mais il n’y avait pas eu d’inceste dans la famille depuis deux générations, et le roi ne voulait pas ressortir ce genre de dossiers. On la nomma donc « Peach ». La légende raconte que la reine mangeait beaucoup de pêche à ce moment-là, et que dans le noyau de l’une d’elle, elle trouva la petite princesse. Sigmund Freud en conclut des siècles plus tard que tout ceci n’était qu’une métaphore de l’acte de procréation, cassant ainsi tout le mythe et les rêves de milliers d’adolescentes voulant devenir mère de famille tout en restant vierges, alors qu’elles ne l’étaient déjà plus.

Une autre version disait que le roi jouait beaucoup aux jeux-vidéos, mais étant issue des forums de geeks boutonneux et pizzavores, personne n’y accorda et n'y accorde encore le moindre crédit.

Lors du baptême de la princesse, tout le monde était heureux et souriait puisque le roi avait fait lancer des gaz hilarants dans la foule. La marraine bonne fée s’approcha du berceau, leva sa baguette magique et…

La porte s’ouvrit violement, laissant passer un courant d’air et la sorcière Pralinette. C’était une gentille sorcière à qui le roi avait jadis promis qu’elle serait la marraine d’un de ses enfants en échange de la mort brutale de son père qui fit un violent infarctus le lendemain, au grand dam des médecins royaux puisque que le souverain n’avait que quarante-trois ans à cette époque, faisait du jogging, mangeait cinq fruits et légumes par jour et prenait de la tisane détox chaque soir sans oublier de boire un petit peu de vin rouge puisque cela fluidifie le sang. C’est aussi à partir de ce moment-là que le lobby pour la santé perdit toute considération dans le royaume. Depuis, on ne mange plus que quatre fruits et légumes par jour.

Je m’égare ! La sorcière Pralinette était furax et s’approcha du royal baby, ses chausses couinant sur le marbre lisse. Elle leva bien haut sa baguette, et dit d’une voix forte :

« Quand la princesse Peach mangera du chocolat, elle fera une réaction allergique et en mourra ! »

Puis, elle sorti du château en ricanant et s'étrangla dehors, terrassée par une quinte de toux fulgurante. On ne la regretta pas, soit-dit en passant, et personne ne se soucia de sa mort sauf le fils de la sœur du cousin de la grande tante de l'oncle de Pralinette qui, après des années passées à éliminer méthodiquement tous les membres de la famille afin de récupérer la fabrique de whisky, la reçut enfin en héritage, et avec elle les éconocroques de la sorcière, ce qui en soit ne valait même pas le plastique utilisé pour faire la carte bancaire.

Le chocolat n’était pas connu dans le royaume, de même que le maïs, le tabac et les tomates, sans oublier les casinos de Las Vegas. Le roi se dit alors « Elle se fait vieille, Pralinette ! »

Or, une délégation venu d’un lointain pays arriva à cet instant dans la pièce, apportant nombre de cadeaux divers et variées. Parmi eux, on trouva le chocolat qui fit tout de suite fureur partout où il était gouté. Bien évidemment, le roi se mit en colère et fit décapiter les émissaires, se fourrant au passage dans une guerre qui devait durer un certain temps.

Heureusement pour la princesse Peach, la marraine bonne fée pouvait toujours lui faire un don. Elle comptait lui donner la beauté absolue, qui hélas s’accompagnait d’une tête vide, comme elle l’avait déjà fait avec nombre de célébrités de télé-réalités, mais ses plans bousculés, elle opta pour une prévention des risques, comme on dit dans le Lean management, et leva à nouveau sa baguette magique rose ornée de petites étoiles dorées.

« La princesse Peach aura la nausée dès qu’elle verra du chocolat. Ainsi, elle n’en mangera pas. »

Le roi traita la fée de gourde, et celle-ci n’appréciant pas le compliment, elle le rendit impuissant à vie et quitta le royaume pour fonder une agence matrimoniale dans un pays de suicidaires. Elle fit faillite, si ça vous intéresse. N’oubliez pas, petits enfants, que les fées sont rancunières.

Le roi et la reine élevèrent leur enfant aussi bien que possible, lui disant que fumer le narghileh, c’était mauvais pour le teint et que l’alcool rendait intelligente. Elle suivit les conseils de ses parents, eu un coma élitique à treize ans mais s’en sorti grâce à la nouvelle fée marraine du royaume. Toujours est-il que, pendant son enfance, la princesse fut dégoutée par le moindre morceau de chocolat qu’elle voyait. Ainsi, lors du petit déjeuner, si elle apercevait sur la table une boite de Nesquick ou de Chocapik, elle partait illico aux toilettes pour vomir son diner de la veille.

C’était très difficile pour la pauvre enfant : lors du jour de Pâques où elle ne faisait bien évidement la chasse qu’aux œufs en caramel, s’il advenait qu’elle jeta un œil par la fenêtre, elle distinguait alors les bambins courir après des lapins, cloches, poussins en chocolat. Aussitôt, la moquette était à changer. Pendant les mariages royaux avec d’autres pays, quand on apportait la pièce montée pour le dessert, la petite Peach s’enfuyait en se tenant la bouche pour ne pas salir la robe de la mariée. C’était terrible.

Finalement, le jour de ses seize ans, elle demanda à son père si elle pouvait aller dans un couvent où elle ne verrait ainsi jamais la moindre once de cacao. Le roi refusa aussi sec : il voulait des héritiers. Finalement, on convint de cloitrer la princesse en haut d’une tour murée située sur un piton rocheux entouré d’un lac de lave et gardé par un féroce dragon nommé Kiki par la facétieuse enfant. Là-bas, elle se nourrit de boites de conserve, de caviar déshydraté et de soda. Elle prit au passage quelques kilos.

Il advint que, quelques jours plus tard, le chevalier Truc vint à passer par le royaume d’Incérèzinnon-Aleiattware. Il fit une petite pause dans l’herbe pour gouter de l’hospitalité des fermières du coin, puis s’assoupit. A son réveil, il n’avait plus d’argent, mais une épée était placée à côté de lui. Il reconnut la légendaire épée Truc, puis la saisit et continua chemin sans trop se poser de questions puisqu’il avait la gueule de bois.

Après quelque temps, il arriva devant la tour de la princesse Peach car son GPS ne fonctionnait plus bien depuis un récent coup de massue. Il s’approcha de la haute citadelle de roches noires, appuya sur la sonnette puis attendit que la porte lui fût ouverte. Le dragon était parti faire une sieste car à plus de cinq cents ans, on a bien le droit d’avoir des RTT.

A l’intérieur, la princesse était en train de se décérébrer devant « Les Anges en Sibérie » tout en mangeant du pop-corn salé. Le prince la trouva fort jolie car il aimait les filles un peu rondes, et il s’agenouilla devant elle en tendant un petit paquet enrubanné. La princesse fut fort contente de ce présent, l’ouvrit et, en voyant les mignonnes petites sardines en chocolat à l’intérieur, dégobilla son précédent repas sur le preux chevalier Truc.

L’incident oublié (à peu près trois mois plus tard), la princesse Peach épousa le chevalier Truc à la grande joie du roi qui depuis avait divorcé et s’était trouvé une femme qui lisait l’avenir dans les mouchoirs après qu’on se soit mouché dedans. Le mariage fut célébré en grande pompe, on ne servit pas la moindre miette de chocolat, la nouvelle reine prédit du bonheur à partir des serviettes usagées, puis sept mois plus tard, la princesse accoucha. Le chevalier plaida bien évidement pour une naissance prématurée, mais la constitution solide des enfants démentit cela. Hélas, la malédiction de la sorcière Palinette avait trouvé un nouvel amusement : les enfants de la princesse Peach étaient tous des métis. On a longtemps supposé que la princesse s’était trouvé un amant avec qui elle partageait sa fidélité, mais il advint que tous ceux qu’elle avait étaient aussi blancs qu’un petit suisse.

Au final, la peau cuivrée des enfants leur fit avoir un succès fou auprès de la gente féminine, ainsi que plusieurs bébés illégitimes. Mais tout ceci est une autre histoire.

La princesse n’eut plus d’ennuis avec le chocolat puisque, une fois son père décédé, elle en interdit la consommation dans le royaume. Il y eu bien sûr de la contrebande, mais ce n’était pas une surprise.

Enfin, après des décennies de bon mariage et nombre d’infidélités, alors que la désormais reine lisait un livre sur la sérendipité, elle demanda à son mari :

« Mais où avais-tu trouvé l’épée Chose ? »

Et le roi répondit :

« Je suis sûr que cette épée vient de Dieu. »

FIN

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