Chapitre 8

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Le restaurant que nous avons réservé est doté d’une étoile au guide Michelin. Sa spécialité est de proposer une cuisine gastronomique monochrome. Le Nacré est-il dénommé. À l'intérieur, les murs sont de couleur opale, la décoration somaire et raffinée manque d’originalité, et la petite table ronde où nous sommes installés est couverte d’une nappe blanche. Des fleurs de même couleur ont été disposées sur celle-ci dans un grand vase effilé. Je ne sais dire leur variété, mais elles retombent à la mi-hauteur du vase et occupent l'espace aérien de notre table. Julie et moi sommes distants de quelques pas, assis du même côté et non face à face, pour ne pas être gênés par cette décoration florale.

  • La déco est très jolie.
  • Oui, répondis-je simplement en regardant autour de moi pour appréhender toute nouvelle venue de la part d’un serveur.

Je ne suis pas habitué à ses ambiances guindées, où chaque geste que je suis sur le point de réaliser doit être anticipé et accompagné de l’aide d’un employé. Par exemple, à l’entrée, on a retiré ma veste comme si je respirais la maladresse, et au moment de s’asseoir, ma chaise a été reculée alors que mon dernier lumbago remonte à plusieurs années. Et voici que je remarque que nous n’avons pas de carafe d’eau, mais qu’un serveur à l'œil affuté, caché derrière un coin de mur, guette au millilitre près la contenance de nos verres pour ne pas que l’on soit embarrassé d’en demander.

Un énième employé s’approche pour nous proposer le type de pain que nous souhaitons. Je ne l’ai pas vu arriver, j’ai presque sursauté et je réponds : « Moi pas désolé ».

Je racle ma gorge et me reprends :

  • Pardon, excusez-moi, je voulais dire, le pain à la farine de froment s'il vous plaît.

Je regarde Julie et nous riions de ma nervosité.

  • Détends-toi bon sang !
  • Je ne suis pas habitué à ces ambiances. Ça me donne l’impression qu’on nous surveille pour le moindre fait et geste.
  • C’est un peu le cas, mais c’est pour que l’on profite au maximum de la soirée sans être embêté par le manque de quoi que ce soit.

Un nouveau serveur se dirige vers nous en tenant deux assiettes. Nos entrées nous sont disposées et sont accompagnées d’une brève description. Le menu de ce soir est unique et commun pour chaque client. Comme le veut la thématique, nos plats sont uniquement de couleur blanche.

Nous dégustons des noix de saint-jacques mariées à du panais rôti et d’une émulsion de céleri.

  • C’est délicieux.
  • Tu crois que mon père s’en sort ?

Julie me fait de gros yeux en mastiquant avant de me répondre :

  • Profite de la soirée Julien, et arrête de t'inquiéter, ton père sait se débrouiller.
  • Oui tu as certainement raison. C’est juste que je le vois vieillir petit à petit et perdre certaines fonctionnalités. Et je me demande si je ne suis pas plus inquiet pour lui que pour Elïo.
  • J’ai une totale confiance en Christian. Ça fait de nombreux mois que nous n’avons pas partagé de soirée tous les deux alors détends-toi s’il te plait.
  • Oui, excuse-moi.
  • Nous n’avons que lui sur qui nous reposer alors profitons-en.

Julie a raison. Nous sommes tous les deux enfants uniques et elle a perdu ses parents alors qu’elle était toute petite. Elle a grandi en famille d’accueil et côtoyé comme elle d’autres enfants coupés pour x raisons de leur famille. Je sais que son enfance n’a pas été facile, mais son passé est à l’origine de la femme qu’elle est aujourd’hui et qui m’éblouit chaque jour un peu plus.

  • Ce qui me fascine chez toi, c’est que tu imagines toujours le pire, mais que tu gères toutes les situations, même les plus difficiles, avec une main de maître et une étonnante sérénité.

J’avale ma bouchée de noix de saint-jacques. Elle n’a pas tort. J’envisage souvent de sombres situations, mais en cas d’événement fortuit je ne perds jamais mes moyens. Nous nous remémorons le quatre février dernier.

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