65.3 - Les héros de Scottie Sanders

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— Allons, allons, ne nous emballons pas, soupira Flint.

Il vint au secours de son chéri et passa une main autour de sa taille.

— Gabriel a une jolie voix, en effet, mais il a peur des foules. Je pense que vous devrez trouver un autre chanteur, désolé.

— Hein ? Mais c’est trop injuuuuuuste, se plaignit Scottie. Il a un talent si rare et si unique… Ça rajouterait tellement de punch à notre troupe. Et puis bordel, c’est l’une des raisons pour laquelle je suis son plus grand fan !

Ils se tournèrent tous vers lui, alors qu’il s’approcha de Gabriel. Il s’inclina devant lui, et tenait ses mains en forme de prière.

Il se releva rapidement afin de lui dire :

— Oui, il est vrai que j’éprouve une étrange attirance pour vous et votre mari, mais j’ai vite compris pourquoi. Votre charisme et votre voix sont tellement ce que je recherche pour le groupe de ma sœur. Je n’ai plus tellement le choix d’avouer que ce que je ressens pour vous n’est qu’un béguin d’adolescent, mais pour le reste, je suis sincère… Vous avez une voix magnifique…

Gabriel était sous le choc, puis secoua la tête avant d’éclater de rire. Flint le regarda, inquiet. Il se demandait ce qui n’allait pas avec lui.

— Allons, dit Gabriel. Je suis flatté par le compliment, mais j’aime mon mari… Par contre je serais honoré de chanter pour vous, mais seulement loin des foules… Je ne suis pas à l’aise avec les étrangers…

— Oh… comme c’est dommage, soupira Scottie. Par contre j’apprécie beaucoup vos talents culinaires, Monsieur Markios.

— Et je dois dire que vous savez bien cuisiner aussi, remarqua le gros bonhomme. Même mieux que notre Flint international.

Il pointa le blond qui bouda aussitôt.

— En vérité… pleurnicha Scottie qui observait le capitaine et le golem. Sans vous en rendre compte, vous êtes un peu devenu mes héros et ceux de nombreuses personnes qui vivent toujours dans le placard… J’ai toujours voulu devenir comme vous… Brave et talentueux… Et avoir mon propre petit ami… Mais c’est… Mais c’est…

Il commença à pleurer. Sa sœur s’approcha de lui et l’entoura avec ses bras, pour le consoler. Il ne disait plus rien.

— C’est chiant de se dévoiler, pas vrai ? dit Flint. On a vite compris, avec tes commentaires plus tôt et tout le reste… Tu n’es pas à ton aise de sortir du placard… Et c’est correct… Nous ne te forcerons pas à le faire…

— Quand on m’a dit que je travaillerais avec vous… Je… J’ai cru que la déesse m’envoyait un message pour me dire qu’il était temps pour moi de me trouver un mari. Ça fait trop longtemps que ça dure… Je suis constamment en train de me cacher dans la honte…

— Mais il ne faut pas ! râla sa sœur. Tu n’as pas à avoir peur de ce que tu es… D’aussi loin que je m’en souvienne, tu n’as jamais dit le mot qui commence par « g » avec moi. Et pourtant, tu le sais que je t’accepte tel que tu es…

Le jeune homme leva son regard vers Flint et Gabriel. Il prit une grande respiration ; il rougissait tellement que Kylie avait peur qu’il lui fonde entre les bras. Il tremblait un peu, mais fini par se calmer.

— Je suis gay... couina celui-ci, timidement. Et je vous aime !

Il ferma les yeux et pleura, envahi de gêne et de peur. À sa grande surprise, sa sœur le poussa vers le couple qui l’accueillit dans leurs bras. Ils l’enlaçaient amicalement.

— Tu es chez toi désormais, dit Flint. Nous ne serons peut-être pas tes amants, mais tu seras comme un membre de notre famille. Kylie, y compris.

— V… v… vraiment… ? pleura son interlocuteur. Je… Je… Je ne sais pas quoi dire…

Il leva sa tête vers le colosse, par la suite. Gabriel hocha la tête en lui fit une bise sur le front. Scottie les serra dans ses bras, heureux d’enfin trouver sa place dans un groupe qui l’acceptait tel qu’il était. Il pleura pendant plusieurs minutes, sans s’en rendre compte. Son capitaine comprenait tout à fait pourquoi il se sentait ainsi. Lui aussi avait ressenti cette détresse, il y avait plusieurs années de cela. Une détresse qui l’avait poussé à dévoiler ses sentiments affectifs pour son futur mari…

Kylie s’éloigna vers la rambarde derrière elle. Tout ce dont son jumeau avait besoin, c’était un bon encadrement. Avec Flint et Gabriel Markios, elle espérait qu’il apprenne un peu plus à se libérer.

Je n’ai pas réussi à le sortir de sa coquille… Peut-être qu’avec eux, ça sera différent, se dit-elle. Je crois que Papa va être content quand il apprendra la nouvelle. Au moins, c’est réglé…

Elle sortit une clope de sa poche de jean et l’alluma, sous le ciel étoilé du printemps. Il faisait si bon et chaud à l’extérieur qu’elle avait presque envie de dormir à la belle étoile. Elle avait déjà oublié la dispute qu’elle venait d’avoir avec Scottie, même si elle avait des traces de ses dents sur sa nuque et ses ongles, dans ses bras. Les jumeaux étaient habitués à s’enquiquiner de cette façon… C’était leur rituel. Ils se réconciliaient toujours très vite.

Par contre, c’est vrai que Gabriel a une voix assez intéressante, se dit-elle pour ensuite regarder par-dessus son épaule. À en juger sa technique vocale, elle peut être très basse comme elle peut être baryton. Il n’a pas l’air d’aimer la musique autant que nous, mais il a bien dit qu’il serait d’accord pour chanter avec nous en privé… C’est intriguant… J’aimerais en savoir plus sur lui.

Elle souffla de la fumée de sa cigarette, au-dessus de sa tête.

Minute, Kylie, pensa aussitôt cette dernière. C’est le même type qui baise son mari comme une bête… As-tu envie de t’associer à un tel dépravé sexuel ? Ah bordel de bite… Je suis pire que lui, au lit… Mmm… Est-ce que ça veut dire que j’ai trouvé mon égal masculin ? Enfin, je ne crois pas, puisqu’il n’a pas ma personnalité…

Flint délaissa Gabriel et Scottie afin de s’approcher de Kylie. Ce dernier avait de la difficulté à marcher, à cause de sa côte, mais il semblait en meilleur état que la veille, remarqua la jeune femme.

— Cette bagarre avec ton frère… était-ce une ruse pour le faire parler ? demanda-t-il blond. Parce qu’on dirait bien que ça a fonctionné.

Il se plaça à côté d’elle, près de la barrière en bois.

— Nan, expliqua-t-elle. Il était sincèrement en rogne contre moi pour avoir balancé son secret à Misaki. Ça fait quand même des lustres qu’il souhaitait vous avouer ses sentiments. Il a toujours eu un faible pour ton mari et toi.

— Pauvre garçon, gloussa Flint. Il ne sait pas du tout dans quoi il s’embarque.

— Il a quand même dix-neuf ans, je n’appellerais plus ça un garçon, hein ?

— Je ne sais pas, il a l’air si jeune à côté de nous… Il manque d’expérience… Il apprendra, j’en suis sûr. Il faudra seulement qu’on lui trouve un petit ami.

— C’est ce que je me tue à lui dire, mais bon… Il est timide…

— Ainsi donc… Il n’a jamais… ?

Il approcha la tête légèrement et secoua celle-ci légèrement.

— Fait l’amour ? demanda Kylie. Il est puceau.

— Euh, je voulais dire embrasser un mec, mais bon…

Kylie rougit de honte. Elle se tapa le front.

— Non, il n’a jamais embrassé de jeune homme de son âge, répliqua-t-elle.

— Ah… la bonne innocence… Les premières fois sont toujours si excitantes, tu ne trouves pas ? J’avais seize ans lorsque j’ai déclaré ma flamme à Gabriel… Ça lui a pris quelque temps avant d’accepter mon amour.

Il se tourna vers le colosse qui réconfortait Scottie. Il gloussa alors qu’il repensait à leurs premières années, en tant que couple.

— Pourquoi donc ? questionna la jeune femme. Si je ne suis pas trop indiscrète…

Flint se gratta la tête et prit une grande inspiration.

— Il a passé une bonne partie de sa jeunesse à essayer de se faire accepter par son père, tu comprends ? Randell Tabris ne voulait rien savoir de lui. Gabriel lui a même préparé un repas pour son anniversaire, une fois et ce dernier l’a rejeté. Et puis… Il y avait son problème d’image corporelle… Il se détestait…

— Qu’est-ce qui a changé, alors ?

— J’ai pris soin de lui ce soir-là, nous avons parlé longtemps… Puis il m’a embrassé… C’était quelque temps après le départ de Lucas. Nous étions tous les deux dans un état lamentable. Notre premier baiser fut si maladroit que j’en ris encore…

— Était-ce si mauvais que ça ? demanda-t-elle.

— Disons qu’il a éternué et m’a cogné la tête…

Il pouffa de rire. La jeune femme n’en revenait pas qu’elle discutait en cet instant des affaires de cœurs avec son capitaine. Cette soirée marquait pour elle le début d’un nouveau chapitre dans sa vie et celle de son frère. Ils avaient trouvé une place rien qu’à eux, où ils pourraient travailler et parler avec des gens comme eux. Il y avait quelque chose de cathartique dans tout cela.

— Et toi, c’était qui ta première conquête ? fit Flint, curieux.

— Mmm, je ne raconte pas ces détails de ma vie, répliqua la punk avant de prendre une bouffée de sa cigarette. Par contre, j’étais récemment en couple avec la chanteuse de mon groupe rock. Cette pétasse m’a trompé avec notre guitariste alors Scottie les a virés pour moi. Techniquement parlant, ils sont toujours avec nous, mais une fois que nous aurons trouvé des remplaçants, ils devront partir.

Le capitaine grinça des dents en écoutant cette dernière. Elle avait un vocabulaire vulgaire, mais il reconnaissait qu’elle n’était pas une mauvaise personne. Il espérait cependant que cela n’influence pas trop sa fille.

— Je suis désolé de l’apprendre, dit-il. Ça a dû être un choc terrible pour toi.

— Eh, je m’y attendais, pour être honnête, soupira la punk.

Elle s’appuya sur la rambarde et observa l’océan en silence.

— Pourquoi donc… ? interrogea son supérieur, un moment plus tard.

— Tu connais ma réputation, chef… J’aime les femmes… Un peu trop, même…

— Je ne suis pas certain de comprendre, mais…

— Vicky détestait que je reluque d’autres nanas qu’elle, donc elle est devenue jalouse et possessive envers moi. Je suffoquais… mais je l’aimais beaucoup. J’étais même déterminée à la marier un jour, jusqu’à ce que j’apprenne qu’elle couchait avec notre pote en commun… Je pensais que c’était l’amour de ma vie…

Il ne restait plus qu’un mégot de cigarette dans sa main. Elle le jeta dans la mer.

— Elle t’a brisé le cœur, mentionna Flint. Je suis navré de l’entendre. Personne ne mérite de passer par là.

Kylie hocha la tête et soupira.

— Ce qui me fait chier, par contre… c’est que votre fille, à Gabriel et toi… Elle lui ressemble beaucoup et parfois, j’ai du mal à faire la différence. Heureusement que leurs voix sont uniques. Et leurs personnalités ne sont pas les mêmes.

— Est-ce que tu lui en as parlé ? fit le grand blond.

— Nan, ça n’en vaut pas la peine… Estelle l’a déjà rencontré, elle sait qu’il y a une certaine ressemblance entre elles. Mais je ne suis pas dupe, ce n’est pas mon ex et je n’ai pas l’intention de la remplacer… De toute façon, votre fille n’est pas comme moi. Je pense surtout qu’elle en pince pour Wyatt, même si elle n’ose pas le lui dire.

— Ah bon ? Je n’ai jamais remarqué, constata Flint.

— Elle est souvent soupe au lait avec lui quand nous nous entraînons ensemble. Avec mon frère et moi, elle est plutôt directe et détendue.

— Eh bah dis donc… Tu m’apprends quelque chose.

Kylie réalisa qu’elle avait dit une connerie. Elle se tourna vers son capitaine et se passa une main dans sa tignasse.

— Pourrais-tu ne rien mentionner à Est', s’il te plaît ? supplia celle-ci. J’ai tendance à ne pas savoir garder un secret…

— Ça va, Gabriel et moi, nous essayons de ne pas trop étouffer notre fille avec sa vie personnelle. Mais je suis content que tu t’entendes bien avec elle. J’espère que ça puisse continuer. Elle avait grandement besoin d’amis.

— Elle n’en a pas ?

Flint fit signe que non.

— À part Sakura et quelques élèves de l’académie, elle consacre désormais sa vie aux brigades et ne sort plus tellement de sa bulle, expliqua-t-il. Je suis reconnaissant que vous passiez un peu de temps avec elle. J’imagine qu’elle commençait à se sentir seule. Luna et Wyatt ont votre âge, mais ils ne partagent pas tellement les mêmes centres d’intérêts que ma fille.

Kylie trouvait cette conversation enrichissante, même qu’elle ne vit pas le temps passer. Ils discutèrent ainsi pendant plus d’une vingtaine de minutes, tandis qu’ils apprenaient à mieux se connaître. À minuit, ils entrèrent tous se coucher.

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