41.2 - Troyd et Narcissa

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— Restons concentrés ! ordonna Cassandra. Nous devons survivre pour le moment ! Nous nous inquiéterons plus tard !

GrrRrRRrOuUuuuAaaaHHhhH ! rugit le golem qui quitta la formation, en même temps qu’il balayait les monstres avec sa hache ; il devenait de plus en plus impatient.

— Gabriel, reviens ici tout de suite ! cria l’elfe, comme si elle s’adressait à un chien. Mais qu’est-ce que tu fais, bon sang ?!

À lui seul, l’homme imposant écrabouilla plusieurs monstres et décapita quelques-unes d’entre elles, puis fit fuir les plus petits avec un deuxième cri de guerre. Pris d’une rage folle, il était recouvert de sang de monstres.

— Ça suffit, ils sont partis ! ajouta Cassandra qui s’approcha du colosse pour lui mettre une main compatissante sur l’épaule. Calme-toi ! Rien ne nous dit que Flint soit en danger !

— Il ne quitte jamais Dia depuis qu’il l’a en sa possession, grogna Gabriel, qui fixa son amie d’un air dégoûté. Il a parfaitement compris la tâche qu’on lui a assignée lorsqu’il a accepté de devenir son gardien. Si Dia souffre, ça veut dire qu’il lui est arrivé quelque chose !

— Gabriel, calme-toi et regarde dans quel état tu rends notre équipe !

L’elfe força ce dernier à tourner son visage d’une main, vers Derek, Luna et Serenity qui étaient entassés ensembles, terrifiés et abasourdis.

— Tu deviens comme une autre personne quand tu es enragé, expliqua Cassandra. Nous comprenons que tu as peur pour la vie de ton mari, mais nous sommes tes amis avant tout… Nous ne voulons pas te faire de mal alors calme-toi…

Gabriel hocha la tête et se tapa les joues. Il inspira et expira lourdement à quelques reprises, puis ferma ses yeux un moment. Le buffle enragé, tel qu’on avait commencé à le surnommer à Baldt, dernièrement, se mit à méditer sur les paroles de son amie.

Perchée sur l’épaule de sa maîtresse, Windy soupira de soulagement lorsque le brigadier avait compris le message.

— Sincèrement, Cassie, il faudrait glisser deux mots à Shayne pour lui avoir redonné confiance en lui, chuchota-t-elle à l’oreille de sa partenaire.

— En effet, je ne l’ai jamais vu aussi énervé, répliqua l’elfe.

— Rentrons ! dit le colosse qui ouvrit les yeux et qui se tourna en direction de la capitale. Nous n’avons pas une minute à perdre !

— Nous ne pouvons pas, Gabriel, dit Serenity, timidement. Il y a peut-être des survivants à Doylesbourg.

— Ça m’étonnerait, répliqua le colosse. Vous le voyez déjà que leur ville est en flammes. Les démons ont déjà dévoré les humains et ont pris leurs apparences. Nous n’avons plus rien à faire là-bas. Partons.

— Il a raison, dit Luna. Je ne pense pas qu’il soit sage d’y retourner. Les disciples de Perséphone nous ont tendu un piège dans l’espoir de semer la panique dans nos troupes.

— Il est clair, selon moi, qu’ils veulent en finir avec nos brigades, dit l’elfe.

Cette atmosphère sinistre engendra un froid dans le groupe alors qu’ils reprenaient la route en direction de Baldt.

Gabriel, habituellement joyeux et cocasse, était devenu subitement amer et découragé. C’était comme s’il avait compris au plus profond de son être qu’un malheur venait de frapper son mari et le reste de leur famille. Le simple fait que les élémentaires ne ressentaient presque plus la présence de Dia dans la région était suffisant pour lui alourdir le cœur.

D’abord Nash, maintenant lui… Trop, c’est trop, se dit-il. Ces salauds vont payer pour leurs crimes… J’en fais la promesse…

Cependant, le pauvre colosse était loin de se douter que les malheurs de son mari et de la louve étaient tout autres. Cela ne l’empêcherait pas de canaliser sa colère pour les événements à suivre, car il avait la certitude que l’armée passerait à l’attaque d’ici la prochaine heure… et il avait raison. Il percevait déjà des nuages de fumées en direction de la capitale. Tout avait déjà commencé.

— Je n’en crois pas mes yeux, dit l’adolescente aux cheveux mauves.

Elle devança le colosse, et se mit sur la pointe de ses pieds pour voir la lueur des flammes, à l’orée du crépuscule.

— Cette diversion va nous coûter cher, j’en ai bien peur ! lança l’elfe. Hâtons-nous ! La ville a besoin de nous !

Ils comprirent tous que Baldt avait été attaqué durant leur absence. Les disciples avaient donc décidé de passer à l’action avant la tombée de la nuit.

— Réalisez-vous que je ne suis pas doué pour les combats ?! se plaignit Derek dans leur course en direction de la ville. Comment voulez-vous que je défende la capitale avec mon manque de savoir-faire ?!

— Reste derrière nous et occupe-toi de protéger Serenity ! dit Cassandra.

— Je connais quelques sorts offensifs, mais rien qui ne soit assez puissants… gémit le brigadier efflanqué.

— Ne t’en fais pas l’ami ! ajouta Luna, ça va nous faire une jolie baston ! Si on est pour mourir ce soir, autant le faire dans l’honneur et la dignité !

Gabriel était essoufflé, mais cela ne l’empêchait pas de suivre les autres qui étaient plus rapides que lui. Il songeait s’arrêter un moment, parce qu’il craignait faire une crise cardiaque s’il ne se calmait pas, mais savait que l’heure n’était plus à la rigolade. La capitale avait besoin de lui. Flint était probablement blessé ou sur son lit de mort. Puis il y avait Estelle qu’il avait laissée à l’église. Il priait la déesse pour que sa fille soit en sécurité en cet instant. Rien que de penser à elle, il avait envie de pleurer de rage.

Il y aurait une lutte sans pitié une fois de retour à Baldt, ce qui évoquerait la fois où rebelles et brigadiers s’étaient rassemblés avec Artael, pour mettre fin à l’ancien Conseil despote. La dernière fois qu’il avait combattu pour un tel incident, Gabriel avait protégé son peuple. Cette fois, c’était personnel. Il jurait que s’il voyait l’un de ces clones de Troyd Markios, qu’il l’écraserait et qu’il se prendrait un sale plaisir à lui défigurer le portrait avant de l’achever avec un bon coup de hache dans le ventre. Il se sentirait davantage satisfait à l’idée de tuer l’original.

Ce golem, qui au départ ne devait être qu’un simple serviteur, était devenu un guerrier assoiffé de vengeance et animé par la haine.

Au diable, Randell Tabris ! grogna le colosse, intérieurement.

Celui-là, il le tuerait aussi s’il avait la chance de le croiser sur son chemin. Ce mage et scientifique qui l’avait rejeté, ne méritait plus de vivre sur ces terres. Gabriel était prêt à le combattre dans un duel à mort, s’il le fallait.

Cassandra et Luna, qui connaissaient le colosse depuis plus longtemps que les deux nouveaux brigadiers, s’échangèrent des regards inquiets puisqu’elles savaient qu’il n’était pas dans son état habituel. L’elfe comprenait que pour lui, toute cette histoire de golems ou bien de clones remplaçables avait fini par le rendre fou. La magicienne quant à elle n’était pas certaine de vouloir confronter son ami.

Derek suivait le groupe, la tête basse. Il réalisait que malgré ses peurs et ses questions idiotes, qu’il devait maintenant faire ses preuves en tant que brigadier et surtout, en tant qu’homme. La belle Luna, devant lui, risquait de mourir à tout moment dès qu’ils mettraient les pieds à l’intérieur de la ville. Alors, que serait-il lorsqu’elle aurait besoin de lui, un poltron ou bien un chic type ? Il venait à peine de célébrer ses dix-huit ans, loin de sa famille et avait toujours l’impression d’être qu’un gamin.

Bien qu’il se soit senti seul ce jour-là, il était conscient qu’il s’était engagé dans une organisation sérieuse et que les quitter maintenant l’affligerait de honte pour le reste de ses jours, peu importe où il se rendrait par la suite. Son esprit s’égara alors que le groupe s’approchait de plus en plus de la capitale. Il ne vit même pas la pluie de flèches qui leur était destiné. Un projectile pointu se fracassa sur sa tête alors qu’un autre lui perfora le cou, puis un troisième dans sa poitrine. Le brigadier s’effondra dans son sang.

Luna avait évité deux flèches de justesse, puis avait fait lever un champ de force devant elle qui repoussa quelques projectiles de tous les côtés. Gabriel reçut quelques-unes d’entre elles qui rebondirent sur son armure de fer, alors que Cassandra et Serenity se cachaient derrière lui, afin de se protéger.

— Ils ont eu Derek ! couina la demoiselle ailée, au bord de la panique.

— Il n’y a rien qu’on puisse faire ! lança Gabriel. Préparez-vous à combattre !

— Je dois le soigner ! insista la jeune femme.

— C’est trop tard pour lui, il est mort ! dit la magicienne qui jeta un coup d’œil rapide en direction de la dépouille.

— Non, non, non… Ce n’est pas possible… gémit Serenity, en état de choc.

— Ressaisis-toi, sinon nous allons tous crever ! aboya Luna.

Alors que les quatre brigadiers laissèrent leur ami pour mort derrière eux, Derek Doyle s’imagina, alors qu’il fermait les yeux une toute dernière fois, en train d’embrasser la nuque de la jolie Luna pour qui son cœur avait battu durant ces derniers mois. C’était avec le sourire aux lèvres qu’il lâcha son dernier soupir, ainsi qu’un filet de sang.

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