Rendez-vous

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La jeune fille écrivit une lettre invitant Edmond à venir chez elle pour la soirée. Puis elle plia la feuille de façon à en faire un oiseau et souffla dessus. L'oiseau s'envola pour aller se poser sur l'épaule du destinataire, à l'autre bout de la ville. Une demie-heure plus tard un requin de papier vint se poser sur ses genoux. La jeune fille sourit puis se leva vivement. Il ne fallait pas traîner !

Quelques instants après les portes de l'armoire étaient grandes ouvertes et sa propriétaire à moitié plongée dedans. Le choix d'Ania se porta sur une longue robe évasée bleu cyan cintrée et des ballerines argentées.

Dix minutes plus tard les portes de l'armoire étaient refermées et l'occupante de la pièce était très concentrée devant le miroir, son nécessaire à maquillage sous la main.

Une demie-heure après Ania était occupée à observer son reflet dans le miroir de pied, guettant la moindre erreur. Elle aurait pu se faire habiller, maquiller et coiffer par les bonnes mais elle estimait qu'elles en avaient fait assez et se préparer seule ne la dérangeait pas.

Ses cheveux châtains étaient semés de petites tresses délicates, son maquillage léger mettait ses yeux bleus en valeur et sa robe soulignait ses formes. Cette robe était parfaite, elle en dévoilait assez sans s'abaisser au vulgaire et à l'inconvenable.

Elle ajouta une chaîne d'argent à son cou puis s'estima fin prête. Elle descendit dans le salon et s'assit dans l'un des fauteuils un livre à la main en attendant son invité. Elle avait prévenu la cuisinière, qui ne dirait rien à son père. Elle connaissait la fougue de la jeunesse.

Lorsque les coups caractéristiques de son amoureux résonnèrent sur le bois de la porte Ania se leva d'un bon et se précipita pour ouvrir la porte.

<< Eh bien ! Il me semble avoir été attendu ! >> lui dit-il avec un grand sourire en écartant les bras.

Elle profita de l'invitation et le serra contre elle tout en reculant pour le faire entrer. Un léger coup de pied referma la porte tandis que le couple se dirigeait vers le salon, toujours enlacé. Il l'allongea sur l'un des canapés tout en l'embrassant avec douceur. Ils allaient se marier ! Lorsqu'il reviendrait ils se marieraient, car il reviendrait. Il était prêt à tout pour elle !

Les caresses s'ajoutèrent aux baisers, ils se sentaient si biens. Le désir s'installait en eux lorsque la cloche signalant que le repas était servi sonna. Edmond retira sa main du décolleté d'Ania, l'embrassa chastement sur la joue puis l'aida à se relever du canapé.

<< J'ai faim ! déclara-t-il en souriant.

- Faim de quoi ? lui demanda Ania, rieuse.

- Faim des petits plats de ta cuisinière qui cuisine si bien et faim de toi !

- Bonne réponse ! conclut Ania. >>

Main dans la main ils se dirigèrent dans la salle à manger où leur repas les attendait, ne se doutant pas que la cuisinière les observait en souriant derrière la porte de service entrouverte, ne voulant pas les déranger.

Tout en dînant ils discutèrent de tout et de rien.

<< Mon frère a choisi la voie du journalisme, dit Edmond en plantant sa fourchette dans son morceau de viande.

- Ah oui ? Je croyais qu'il avait décidé de faire du droit, j'ai dû mal comprendre, répondit Ania en fronçant les sourcils.

- Non non, tu avais bien compris. Seulement il a changé d'avis. Tu sais comme il est...

- Oui ! s'exclama-t-elle en riant. Son côté lunatique est mignon.

- Il faudrait que je devienne lunatique donc ? demanda Edmond, fronçant à son tour les sourcils.

- Non, ne change pas, tu es parfait comme tu es là. Ce n'est pas avec ton frère que je veux être, c'est avec toi !

- J'espère bien ! On va se marier ! déclara-t-il avec un sourire charmeur.

Mais cela ne fit pas sourire Ania, contrairement à ce qu'il avait escompté.

- Qu'y a-t-il Ania chérie ?

- Ed, je ne suis pas sûre que ce mariage soit une bonne idée...

- À cause de la condition de ton père n'est-ce pas ?

- Oui, répondit-elle d'une petite voix.

Il se leva et la serra dans ses bras alors qu'elle était encore assise.

- Je reviendrai vivant, lui assura-t-il à l'oreille.

- Ed, tu sais bien qu'une partie de toi sera détruite par l'horreur de la guerre.

- C'est ce que je veux bien sacrifier pour toi.

- Oui mais moi je ne veux pas de ce sacrifice ! Je ne veux pas ça pour toi !

- Mais moi je le veux. Et puis je veux aussi aider l'Empire. C'est mon choix, Ania.

- Mais...

Il pressa son index contre ses lèvres.

- Chhhuut. Je vais te faire oublier tous tes soucis maintenant. Ne t'inquiète pas, je serai parti avant que ton père ne soit rentré. >>

Il la mena dans sa chambre, où ils s'aimèrent plusieurs heures durant. Avant qu'il ne parte, alors qu'Ania tombait peu à peu dans les bras de Morphée, Edmond promena le bout de ses doigts sur le corps nu de sa fiancée en lui disant ceci :

<< Ania, si jamais je ne m'en sors pas, si jamais je meurs... Si jamais je meurs, je ne veux pas que tu t'écroules. Je voudrais que si ce cas de figure survient tu vives pour nous deux. Je voudrais que tu ne m'oublies jamais, mais aussi que tu te trouves un mari, que tu aies des enfants, que tu sois heureuse. Tu ne seras pas responsable de ma mort si je meurs à la guerre. Ton père non plus. C'est aussi mon choix de servir notre peuple, et la condition de ton père n'y a rien changé. J'aurais tôt ou tard fini par y aller. Sois heureuse, mon Ania chérie. C'est tout ce que je veux pour toi. >>

Sur ces mots, il recouvrit sa bien-aimée de la couverture et partit, discret comme un chat.

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