Soirée et rêve pour la Bête

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La Belle et la Bête allaient donc passer une première soirée ensemble

  • Nous passons à la salle à manger, mademoiselle Belle ?
  • Appelez-moi Belle, tout simplement, le « mademoiselle » est superflu.
  • Vous avez noté, pas de viande ce soir ?
  • Oui, je sais… C’est bon, je ne suis pas non plus une viandarde acharnée. Il m’arrive de manger des légumes, j’ai plus 4 ans !
  • Je vous prévenais juste…

Finalement, il était plutôt galant et bien élevé, ce Monsieur La Bête, se dit Belle en le suivant dans les couloirs du château. De plus, en dehors de ses poils, un peu trop nombreux, il faut bien le dire, il était plutôt belle homme : grand large d’épaules, genre costaud mais pas trop… Sans les poils, il aurait été mon genre, pensait Belle.

Il s’asseyèrent à table, chacun à un bout d’une table de plusieurs mètres de long.

  • On n’est pas un peu loin ? demanda Belle, en déplaçant son couvert et sa chaise pour se mettre plus près de son hôte.
  • Ma foi, comme vous voulez, Belle.

Après avoir copieusement mangé - la Bête se révelait un très bon cuisinier - et s'être même resservie deux fois du gratin de courgettes aux ravioles, pour Belle, celle-ci lui demanda en s'essuyant les lèvres :

  • Vous avez de la musique dans cette baraque ?
  • Mais bien sûr !

Il se leva et alla poser un 33 tours sur la platine. Les notes de musique s'envolèrent joyeusement.

  • Mais quelle horreur, vous n’allez pas me dire qu’on va digérer avec cette merde dans les oreilles !
  • M’enfin, c’est du Brahms !
  • Et pourquoi pas Beethoven ou Bach tant que vous y êtes…
  • Oui, ça, j’ai aussi, vous préférez ?
  • Non, pas cette musique de nazes ! On dirait mes sœurs ... Est-ce qu’elle a un port USB, votre chaine HiFi ?
  • Euh, oui, je crois... sur le côté droit de l’amplificateur… non, l’autre droite… oui, voilà.

Belle brancha son téléphone portable avec le câble qu'elle avait toujours dans une des innombrables poches de sa jupe noire. Elle sélectionna soigneusement le morceau qu'elle comptait faire écouter à la Bête. Il ne fallait pas l'effrayer tout de suite. On attendrait un peu pour le métal finlandais ou le punk celtique.

  • Ok, j’envoie la purée. On va y aller en douceur… Led Zep vous connaissez ?
  • Les deux zèpes ?
  • Non, Led Zeppelin… le groupe de rock anglais mythique !
  • Non, je ne vois pas, ça ne me dit rien du tout.
  • Bon, on va commencer en douceur, écoutez-moi ça… Ça s’appelle Since I’ve been loving you

Un silence religieux se fit tandis que Jimmy Page s’élance et joue ces fameuses notes. Il est rejoint tout d’abord par l’orgue Hammond de John Paul Jones et la batterie de John Bonham qui restent discrets au début. Puis la voix de Robert Plant rejoint le trio et le quatuor, calme et doux au début, monte en volume en même temps que la voix de Plant…

Belle était complètement partie, elle vivait la musique, au plus profond d’elle-même, ce qui fascinait littéralement la Bête. À son tour il ferma les yeux et se laissa envahir par cette guitare fabuleuse et cette voix extraordinaire. Durant les plus de 7 minutes du morceau, ils furent en communion via cette mélodie.

Quand celle-ci cessa, c’était un peu comme s’ils se réveillaient après une nuit de sommeil qui n’avait pourtant duré que quelques minutes…

  • Alors, bien, non ?
  • Etonnant, en effet…
  • Ça ébouriffe un peu ?
  • C’est une expérience intéressante…
  • Un petit blues maintenant ?
  • Un blouse, mais qu’est-ce donc ?
  • Vous allez découvrir… Au début c’est un blues classique, lent, juste guitare et harmonica et puis le vrai Led Zep se révèle avec cette fabuleuse guitare de Jimmy Page et cette énergie incroyable.
  • Oh, je suis impatient de découvrir ça.
  • Ça s’appelle Bring it on home.
  • Je suis tout ouïe.

À 1 minute 46, la Bête sursauta quand la guitare de Jimmy Page s’énerve et puis imperceptiblement il commença à bouger le haut de son corps en rythme. Belle eut du mal à cacher son sourire qui n’était pas qu’intérieur. Il sembla même déçu et triste quand le morceau se termina comme il avait commencé.

  • C’est extra, Belle, c’est une révélation pour moi, quelle énergie !
  • Vous en voulez encore ?
  • Oh oui, avec plaisir
  • Vous avez aimé l’alternance entre les moments calmes et les moments hard ?
  • Oui, beaucoup !
  • Alors écoutez celle-là, Stairway to Heaven.

La Bête se carra dans son fauteuil et ferma les yeux, concentré sur la musique. Belle avait mis la version longue, dans le live de Celebration Day. C’était parti pour près de 9 minutes de bonheur. Belle préférait quand même la version originale sur le volume 4, mais elle ne l’avait pas dans son baladeur. On sentait bien qu’ils avaient un peu vieilli depuis 1971, quelques 36 ans plus tard…

Même effet que le premier morceau : une fois le silence revenu, la Bête sembla émerger d’une sorte de rêve.

  • Merci Belle pour ces jolies découvertes… Led Zeppelin, vous m’avez dit ?
  • Oui, c’est ça. Mais nous, on dit Led Zep.
  • Va pour Led Zep donc… Et si nous allions nous coucher, il fera jour demain
  • Nous coucher ?
  • Ben oui, la nuit vous ne dormez pas ?
  • Si, si bien sûr… mais j’ai pas de chambre ici.
  • Mais si, je vous ai préparé une chambre, avec un grand lit à baldaquin, suivez-moi
  • Mais je croyais que vous n’aviez pas de chambre et que c’était pour ça que mon père avait été…
  • Tututut, je suis chez moi et il avait essayé de me voler des roses, vous ne croyez pas que lui, il allait avoir droit au lit ? Non, la cellule, c’était juste ce qu'il méritait…

Renfrognée, elle suivi quand même la Bête qui lui désigna sa chambre. Celle-ci était absolument somptueuse (si on aimait les décorations style « ancien » et les gros motifs à fleurs sur les murs. Mais la pièce sentait bon le propre et les deux bouquets de roses embaumaient la pièce. Le lit était immense et bien garni d’oreillers et de couettes qui semblaient terriblement moelleux.

  • Oh merci, la chambre est magnifique, fit-elle en battant des mains.
  • Je vous en prie, bonne nuit Belle
  • Bonne nuit, Monsieur
  • Appelez-moi donc la Bête comme tout le monde.
  • Non, ça je ne peux pas…. Vous n’avez pas de prénom ?
  • J’en ai eu un il y a longtemps...
  • Dites-le moi, s’il vous plait
  • … Ne vous moquez pas...
  • Non, promis.
  • Maurice…
  • Alors bonne nuit, Maurice, fit-elle en réprimant un sourire.

Aussitôt déshabillée et couchée, Belle sombra rapidement dans un sommeil de plomb, sans rêve. La journée avait été riche en péripéties et émotions et finalement cette Bête n'était pas un si mauvais bougre. Il aurait même pu être séduisant se dit-elle en rejoignant Morphée et ses bras si accueillants.

De son côté, la Bête - Maurice donc - n’arrivait pas à trouver le sommeil dans son grand lit. Mais que faisait cette jeune femme chez lui ? Alors qu’il avait toujours vécu seul depuis sa transformation. Sa venue chez lui avait-elle un sens ? Il ne se sentit pas s’endormir mais commença à rêver. La vieille fée était revenue - oui, celle qui était responsable de son état de Bête - et s’approchait de son lit :

  • Bonjour mon joli

Elle était taquine quand même…

  • Mais que faites-vous là ?
  • Je viens te voir, mon joli.
  • Co.. Comment êtes-vous entrée ?
  • Je suis une fée, n'oublie pas et je ne suis pas vraiment là... Tu rêves, mon joli prince.
  • Arrêtez de m’appeler comme ça après m’avoir transformé en bête affreuse qui fait fuir tout le monde !
  • Tout le monde vraiment ?
  • Presque…
  • Ah... nous y voilà.
  • Nous y voilà, quoi ?
  • À portée de ta main, tu as une chance unique de retrouver ton ancienne apparence…
  • Vraiment ? Mais que faut-il que je fasse ?
  • Tu as chez toi, une jeune femme très spéciale…
  • Ah bon, Belle est spéciale ?
  • Ne me dis pas que tu ne l’as pas compris, quand même. Elle voit au-delà des apparences. C’est pour cela que tu ne lui fais pas peur ni ne la fait fuir.
  • Elle me voit tel que je suis à l’intérieur ?
  • Tel que tu pourrais être, mon joli, ça ne dépend que de toi… Fais-toi aimer d’elle et tu redeviendras tel que tu étais.
  • Il suffit qu’elle m’aime ?
  • Il suffit que vous vous aimiez d’un amour sincère, tous les deux… Et il y aura de nouveau cohérence entre ton apparence et ce que tu es à l’intérieur.
  • Et je ne serai plus une Bête ?
  • Ben non, mon joli, c’est ce que je viens de te dire. Dis donc, dans tes rêves, t’es un peu bouché, non ?
  • Je vais redevenir comme avant, je vais redevenir comme avant, je vais… commençait-il à chantonner en rêvant.
  • Eh, du calme mon joli, tu as du boulot avant ça quand même…
  • Oui M’dame mais je vais m’y mettre dès demain matin au réveil.
  • On est le matin, mon joli, lève-toi et fonce !

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