Obsolescence de la sentinelle
À contempler l'azur
qui durant des siècles ne changea
maintenant que ma tâche est vaine
puisque les bateaux guerriers
vers d'autres mers se sont tournés
ma ruine se hisse tout en félicité
à chacune de mes pierres qui dégringole
se meurent un peu plus la guerre ancienne
et ce que je suis
son symbole
alors j'admire
paisible
mon univers immuable
du haut de la falaise
il ne frémit qu'au gré des courants
qu'à la faveur des tourbillons
Les flocons d'écume
après un si long voyage au pays des sirènes
viennent se reposer sur la plage
au pied de mon rocher crayeux
cette joie blanche
par tous les temps léchant le sable
fidèle
par petites touches
montantes descendantes
au rythme de la marée souveraine
caresse les coquillages égarés
À contempler l'azur
qui durant des siècles ne changea
j'ai vu ce matin
les derricks
dans le brouillard marin
métalliques
acier trempé dans la mer d'argent
verticales balafres
tracées par les griffes d'un animal tout-puissant
ligne de fuite d'une marine décadente
huile sur toile de fond d'océan
oiseau de bonheur
la mouette attirée
par tant de reflets dansants
n'en connaît le danger
et notre malheur
qu'à son retour sur la plage
son dernier voyage
le corps noirci gît
parmi les galets blancs
tandis que l'écume
nue
grisée de honte
déchiffre les messages oléoglyphes
que mes pierres se descellent !
je suis trop vieux
mes sentinelles en vacance
depuis longtemps ne voient plus où est le combat
mon regard par habitude
toujours se porte au loin
pour prévenir du danger
mais que peut un vieux fortin sur la falaise
face aux derricks sur la mer ?
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