Je déambule durant plusieurs minutes dans les immenses galeries. Je repère un salon d'esthétique et de massages. Je m'empresse de regarder les services qu'ils proposent. Je vais rarement dans ce genre d'endroit, ça fait partie des sacrifices de ma vie. Mais, dès à présent tous va changer alors je vais en profiter.

Je demande dans un anglais maîtrisé une épilation définitive et un massage. Après tout, Raphaël a dit que je pouvais faire ce que je voulais avec sa carte.

Les employées prennent mon sac pour le mettre dans un vestiaire avant de me conduire dans une petite salle aussi chaleureuse que luxueuse. Elles me préparent pour l'épilation laser : un luxe que jamais je n'aurais pu m'offrir avant. J'ai vécu toute ma vie avec des poils. Je profite de ce moment pour me faire un nouveau corps. Pour l'été, j'ai pour habitude de me raser les esselles et les jambes.

Une heure est passée depuis l'épilation intégrale et je suis allongée dans le salon de massage. Je passe une demi-heure de détente sans penser à toutes ces questions sur Raphaël qui me tournent dans la tête depuis des jours.

Une fois le massage terminé, je quitte le salon. Je marche dans la galerie de marbre lorsque je rallume mon téléphone. J'ai cinq appels manqués de Raphaël et plusieurs textos. Mince alors ! Je ne crois pas qu'il soit habitué à ça. Il pourrait le prendre comme un affront.

En relevant la tête, je le vois arriver en furie à l'autre bout du bâtiment.

Oups !

Si ça ne tenait qu'à moi je m'enfuirais en courant face à toutes ces ondes de colère.

- Ça fait au moins trente minutes que je te cherche et tu ne réponds pas au téléphone ! me reproche-t-il. Mais où étais tu passé ?

- J'ai passé un bout de temps dans un salon de détente, je m'explique une fois la peur dissipée.

- J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose. Je ne veux plus que ça se reproduise ! s'écrit-il me prenant brusquement le bras. On rentre !

Il me traite comme une enfant de cinq ans. Cependant, je n'ose pas le contredire et marche à ses côtés. Il me tient toujours le bras comme s'il avait peur que je m'échappe. Son aura est tellement négative que les passants autour le dévisage ahuris.

Raphaël ajuste ses lunettes avant de démarrer en trombe. Je suis pétrifiée sur le siège mais j'attends de retrouver mon lit rassurant pour souffler.

Je peux dès à présent faire un portrait de Raphaël. C'est un homme qui aime tous contrôler, cachant bien ses sentiments mais je sais qu'il a bon cœur. Il est honnête, intelligent et loyal. Quand il ne s'énerve pas il peut être gentil.

Quelques minutes plus tard, Raphaël frappe à la porte puis entre discrètement. Je ferme les yeux comme si je voulais m'endormir sur le lit.

- J'aimerais que nous sortions manger près des côtes ce soir, dit-il sur le même ton habituel.

- Comme tu voudras, je soupire en me tournant dans le lit.

Je passe le reste de la journée dans ma vaste chambre à tester des produits et essayer des robes. Cet homme est puissant et j'ai le pressentiment qu'il ne me fera rien.

Le soir venu, je sors dans le salon vêtu d'une robe blanche à fleur et de baskets. Raphaël lève les yeux de son livre pour reluquer ma tenue. Il referme son ouvrage d'un coup sec avant de le poser sur la table.

- Nous partons Alicia, ordonne-t-il comme s'il m'en voulait de l'avoir laissé seul tout l'après-midi.

Nous prenons un taxi garé près de l'hôtel pour être déposé devant un yacht restaurent immense. La décoration est tellement moderne que je ne peux m'empêcher de m'extasier. Je n'ai toujours pas l'habitude de tout ce luxe.

Nous n'échangeons pas grands mots durant le repas alors je décide de briser la glace lors du dessert.

- Pourquoi es-tu en colère ? je demande en le regardant dans les yeux.

- Pour tout te dire mademoiselle Forest, j'ai beaucoup du mal à te cerner des fois, avoue-t-il. Je n'ai pas pour habitude que les gens soient un mystère. Dans mon métier c'est important de sonder les autres.

- Moi ? je m'indigne. Mais c'est plutôt toi qui es difficile à comprendre.

- Nous ne venons pas du même monde. Tu es intrigante comme femme pour les personnes comme moi.

Ou futile et inintéressante pour d'autres.

Il me regarde dans les yeux en prononçant ces mots et je me sens rougir.

- Allons à la grande roue, je m'exclame au bout de quelques minutes.

C'est l'une des roues les plus haute du monde et j'avoue ne pas être très rassurée. Nous nous installons dans une nacelle. Quand la roue tourne je me colle à Raphaël. Je saisi son bras et pose ma tête au creux de son épaule. Il rigole légèrement et ça ne me déplaît pas car je veux qu'il sorte de sa zone de contrôle.

- C'est toi qui as voulu y aller, dit-il sans reproches dans la voix.

Je n'ai plus pensé que j'ai le vertige. Plus la nacelle monte et plus je m'accroche à lui.

- Ouvre les yeux, me conseille-t-il. Jamais tu ne reverras quelque chose d'aussi beau.

Je lui fais confiance et ouvre doucement les paupières. Nous sommes au sommet de la roue et nous avons une vue imprenable sur la ville. Ce paysage est tellement beau que je ne peux le décrire. Je profite à fond de ce panorama magique. J'en oublie la hauteur à laquelle nous nous trouvons.

- C'était merveilleux Raphaël ! Merci de m'avoir fait ouvrir les yeux, je m'exclame à la fin du tour.

Je me retourne vers mon partenaire avant qu'il ne dissimule son sourire.

- Que faisons-nous maintenant ? je demande en souriant. Je t'en prie amuses toi, c'est les vacances.

- Ta bonne humeur est assez contagieuse.

Je ne perçois plus son ton glacial habituel et ses yeux s'illuminent d'une légère lueur rassurante.

- Allons manger une glace sur la plage.

Raphaël m'indique de patienter près des palmiers. Pendant qu'il prend notre commande, je ferme les yeux et appuie la tête contre un tronc. Je dois me remettre de ce paysage bouleversant.

- Bonsoir mademoiselle vous allez bien ? demande une voix en anglais.

Je me redresse aussitôt pour faire face à mon interlocuteur. C'est un jeune homme à peine plus âgé de moi.

- Oui ça va merci, je réponds machinalement dans la même langue.

J'attends qu'il s'en aille mais il ne bouge pas d'un poil. Je commence à me sentir mal à l'aise face à son regard insistant. Tout à coup, il s'avance vers de moi et je peux constater que ses yeux sont rouges. Je tente de m'écarter mais il me saisit par le bras. J'essaye de mes dégager mais il me prend l'autre bras.

- Lâche-la ! tonne une voix menaçante.

Les yeux de Raphaël lancent des éclairs. J'ai l'impression qu'il est sur le point de tuer. C'est la première fois que le vois ainsi. Il attrape mon agresseur et le pousse avec une telle violence qu'il tombe lourdement à terre. Celui-ci se redresse difficilement pour faire face à mon sauveur mais recule en croisant son regard. Raphaël s'avance dangereusement vers lui d'un pas menaçant.

- Il est drogué, laisse partir ce crétin, dis-je d'une voix ferme en m'interposant entre les deux hommes.

Il semble hésiter mais je pose une main sur sa poitrine pour le dissuader de lui sauter dessus.

- Je n'aime pas la violence, j'ajoute pour le convaincre en le regardant droit dans les yeux.

Raphaël hoche la tête et nous retournons prendre nos glaces abandonnées sur le comptoir.

Nous marchons sur la plage et mon sauveur me prend la main en signe de protection. Je suis surprise par ce geste mais sa main ferme me rassure.

Je m'assois dans le sable près de lui.

- Est-ce que tu as déjà vécu ce genre de choses ? demande-t-il l'air sombre.

Il ne sait pas que je suis orpheline et que j'ai vécu une partie de ma vie dans les bas quartiers avant de rencontrer ceux qui m'ont considéré comme leur fille. Je ne veux pas qu'il connaisse cette sombre partie de ma vie mais je n'aime pas mentir alors je lui sers une part de vérité.

- Oui, ça m'est déjà arrivé mais je n'ai jamais subi d'agressions d'une extrême violence, j'avoue en léchant la glace.

- Je te protègerais Alicia.

- Pourquoi ?

- Parce que je le peux et que je suis responsable de toi durant ces vacances.

Il me parle encore comme si j'étais une enfant mais encore une fois je ne relève pas.

Je regarde la lune qui monte dans le ciel foncé.

- Tu veux goûter ma glace ? j'ose demander d'un air malicieux.

Il entoure sa large main dans la mienne sans répondre et dirige le cornet vers lui.

- Tu veux de la mienne ? interroge-t-il un léger sourire aux lèvres.

J'aime quand il sourit. Ça prouve qu'il est plus détendu. Je goûte sa glace aux fruits exotiques avec plaisir.

Nos sorbets terminés, nous marchons main dans la main. Les passants pourraient croire que nous sommes un couple mais c'est très loin d'être le cas. Je balais ses idées de ma tête car je préfère penser comme ces gens-là plutôt que de m'expliquer la vraie raison de ma présence.

Les nuages montent rapidement noirs et nous rentrons à l'hôtel. La soirée était merveilleuse malgré l'incident, ça n'a pas gâché ma bonne humeur.

Je m'installe dans mon lit de princesse, vêtue d'un short en satin et en dentelle accompagné d'un haut à bretelles assorti. Je commence à m'endormir dans les coussins parfumés lorsqu'un orage assourdissant retentit manquant de me faire tomber du lit.

L'orage me terrifie depuis qu'un arbre a été touché par la foudre à quelques mètres de moi l'été de mes seize ans. Depuis ce jour, je ne peux dormir seule. Ma défunte mère adoptive dormait avec moi puis Sarah a pris le relai. Et maintenant ?

Un deuxième éclair déchire le ciel et je lâche un petit cri. Mon cœur bat la chamade et mon instinct guide mes pas devant la chambre de mon protecteur.

Je n'ai pas envie de le déranger mais il est impossible pour moi de dormir seule. Je ne peux m'empêcher de revoir la scène avec la foudre. Quand je suis avec quelqu'un, je me sens en sécurité.

Je prends mon courage à deux mains et frappe doucement à la porte.