— 00 000 000 001 habitants

…..« 1 »….. Cet insignifiant incrément au fond de ma conscience suffit à m’éveiller d’un repos sans âge. La simple agitation d’un registre au fond de mes réseaux synaptiques me ramène doucement à la vie. Combien de temps ai-je veillé à la frontière du néant ? Combien de temps ai-je patienté, guettant la moindre variation, le moindre soubresaut de chaque cellule, de chaque parcelle qui compose cette cité ?

— Activation sas extérieur, secteur 209.

Je mets du temps à m’éveiller. Mes fragments de mémoire remontent les uns après les autres, réchauffés des zones froides, traversant les couches de stockage les unes après les autres. Des souvenirs de l’aube des temps, des apparitions fugaces. Une petite fille tenant un livre d’images. Un vieil homme devant des écrans de contrôle. Une femme le visage en sang. Des visages. Tellement de visages. Les pièces s’assemblent. La cité ne devait plus être habitée. Les citoyens ont été évacués. Thélème a été vidée de ses habitants avant ma mise en veille.

— Habitant non connecté

Non connecté. L’habitant n’est pas citoyen, il ne possède pas d’implant. Le dernier humain non citoyen à avoir foulé cette terre remonte à bien des cycles. J’y vois plus clair maintenant. Je remonte le journal de ces dernières secondes. Arrivée par le sas extérieur du secteur deux cent neuf. Un retour ? Impossible. La dernière sortie définitive par cette issue remonte à… au moins trois cents mille ans. L’horloge s’est arrêtée à cette date, impossible de savoir combien de temps s’est écoulé depuis l’évacuation. Cet humain non citoyen ne peut pas avoir connu la cité.

— Analyse identité ! demandé-je.

— Analyse impossible.

J’active les caméras. Je suis maintenant suffisamment éveillé pour prendre le relai. Deux bras, deux jambes, cinq doigts, une tête. Le tout engoncé dans une combinaison. Citoyen ou pas, je dois veiller sur lui, le maintenir en sécurité. J’ai été conçu pour ça. Il n’est pas connecté. La communication risque d’en être impactée. Je dois interagir avec lui. J’active le réseau audio de la cité.

— Bonjour, dis-je simplement.