La vengeance est un plat qui se déguste avec appétit

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Je l'ai enfin retrouvé. Ce sale enfoiré... Son adresse est là, juste sous mes yeux. La magie d'Internet peut aussi s'avérer être un cauchemar : qu'il est difficile de se cacher de cette toile titanesque.
J'ai tellement hâte de lui faire face, de lui faire payer. Mais, d'un autre côté, j'appréhende la confrontation. Aurais-je le cran de me venger lorsque je serai devant lui ? Ce connard m'a dévastée, il m'a ruinée, mise au fond du trou. Je ne sais pas si j'irai mieux lorsque j'aurais accompli ma vengeance, mais cela fait une éternité que j'attends ce moment.

Cela fait près d'une demi-heure que je campe dans ma voiture, garée dans la rue juste en face de sa maison, et voilà qu'une berline entre dans le garage. Mon cœur tambourine si fort dans ma poitrine que ses coups résonnent jusque dans ma tête. Ils résonnent à ce rythme lancinant, régulier comme les assauts qu'il m'a fait subir ce soir-là. Je revois la scène comme si elle se produisait en ce moment-même.
Je n'avais pas encore annoncé à mon Charly les résultats du test de grossesse. Même s'il venait de me demander en mariage, j'allais avoir dix-neuf ans dans quelques jours, et c'était quand même un peu tôt pour tomber enceinte. Je me disais qu'il n'était pas raisonnable de garder l'enfant. Cela faisait cinq ans que nous filions le parfait amour, mais nous n'étions que deux étudiants en droit avec encore quelques années de fac devant nous. J'avais décidé d'en parler d'abord avec M.J., ma meilleure amie, ma confidente. Elle saurait me conseiller. Nous nous étions donné rendez-vous dans ce nouveau bar. Les miroirs vieillis qui ornaient ses murs nous renvoyaient l'image de deux belles jeunes femmes dont les années de danse classique avaient avantageusement sculpté les courbes. J'étais une fille discrète, pas forcément très apprêtée, mais mon port altier avait toujours attiré le regard des hommes. Et ce soir, avec mon binôme, n'avait pas fait exception. Après l'avoir éconduit le plus élégamment du monde, un d'entre eux est revenu à la charge, plusieurs fois. Il n'était pas vilain, la trentaine, courtois. Mais nous n'étions pas là pour ça, et surtout pas moi. Une énième fois, il s'est approché de notre table : "je voulais vous présenter mes excuses pour m'être montré insistant avec vous, mesdemoiselles. Permettez-moi de vous commander un verre avant que je ne m'en aille". C'était M.J. qui avait accepté. J'avais donc commandé un jus de pomme, et elle un monaco. Et ensuite, le trou noir. Nous nous sommes réveillées en enfer.
Je retiens un cri. De rage ? De douleur réminiscente ? Allez savoir ! Une silhouette sort de la berline et quitte le garage. C'est lui. Mes mains se crispent sur le volant à la vue de ce monstre tout propret avec son polo rose et sa veste de costard impeccable. Ma tête se met à tourner et je sens des relents de bile monter en moi. Sa sale face de Monsieur Tout-le-Monde sourit à la voisine d'à côté. Ma pauvre, si tu savais ! Le voilà qui ouvre sa boîte aux lettres, comme une personne normale.
Une seconde voiture arrive. Une fillette descend de l'arrière et se jette dans les bras criminels de la raclure de chiotte personnifiée. Je n'en crois pas mes yeux. Une jolie jeune femme sort à son tour du véhicule et rejoint la petite fille avant d'embrasser tendrement mon bourreau. C'en est trop. Mon estomac se contracte et me renvoie mon maigre déjeuner par le haut. J'ai tout juste le temps de me pencher vers le côté passager pour vomir sur le tapis. Merde ! Ce connard s'est construit sa petite famille !
Le temps de retrouver mes esprits, le violeur et sa clique sont rentrés dans leur maison. Ainsi donc, non seulement le type n'a pas été puni, mais, en plus, il vit sa petite vie, tranquille : belle villa, grosse voiture, une femme, une gosse, et un tissu de mensonges.
Ça aussi, la justice, j'vous jure ! Je me demande ce que je m'imaginais lorsque je suis entrée en fac de droit.
Il parait qu'M.J. et moi avions l'air d'être consentantes au moment où nous l'avons suivi hors du bar. Je ne me souviens même pas en être sortie, de ce bar. On nous a retrouvées trois jours après, complètement stones dans un ancien squat. En miettes. Incapables de parler. Menottées. Affamées et assoiffées. "Voyant qu'elles semblaient fatiguées, j'ai simplement proposé de les ramener chez elles. Elles ont décliné et ont commandé un taxi". Voilà ce qu'il a dit au procès. Ça ne lui a même pas écorché la gorge ! Ce sale bâtard a été d'un naturel déconcertant. Avec le recul, je trouve presque normal que les jurés aient cru un gars à l'apparence propre-sur-lui plutôt que deux nanas internées à l'asile. Ha ben oui, après notre enfer de trois jours, on a plongé pour un second. De cinq ans pour moi. D'une semaine pour M.J. qui a préféré s'envoler pour le paradis plutôt que d'affronter notre réalité.
C'est pour ça que je ne dois pas laisser passer ma chance. Pour M.J.
Il nous a tout pris. Maintenant, c'est à mon tour de détruire sa vie. Et tant mieux s'il a une famille. Plus il a de chose à perdre, meilleure sera ma vengeance. Mon couteau est bien aiguisé. Lui aussi attend impatiemment ce moment. Bientôt, mon bourreau ne sera même plus capable de pisser, et tous saurons quel monstre il est en réalité !

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