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On s'installa dans la voiture, les hommes devant les femmes derrière. En temps normal, Fanny aurait fait une longue plaidoirie féministe, mais, là, elle laissa Jimmy monter devant avec un grand sourire.

Suivant nos explications, Andreas prit le chemin vers le lieu du "drame". On y marqua une pause. J'étais assise derrière le conducteur et je pouvais le regarder sans trop attirer l'attention. Jimmy fixait la falaise où je l'avais trouvé. Il avait le regard triste. La réflexion d'Andreas lui fit détourner les yeux, comme si on l'avait réveillé d'un songe.

- Bon, on y est. Alors, effectivement, pas de voiture aux alentours. Prenons d'abord la route la plus probable. La route la plus directe est celle-ci, dit-il en pointant une route descendant à l'est de la route où nous étions.

L'après-midi bien entamée, nous la suivîmes pendant 5 km sans rien trouver en nous disant que c'était impossible de faire tout ce chemin à pied. Andreas décida de mettre son CD préféré du moment et c'est sur la musique de Loreena McKennitt que nous retournâmes sur nos pas. La musique rendait le paysage mélancolique et nous le regardâmes défiler en silence.

- Alors raconte-nous. Comment c'est d'être un acteur célèbre? demanda Andreas, nous sortant de nos rêveries.

Jimmy le regarda amusé et répondit:

- Comme tous les métiers, il y a des hauts et des bas. On se lève le matin, on prend son petit-déjeuner, on va au travail, on fait ce qu'on a à faire et le soir on rentre épuisé.

- La seule différence, c'est que votre vie est exposée, continua Fanny.

- C'est exactement ça ... acquiesça-t-il le regard vague. Je ne veux même pas penser à la frénésie qu'il y aura certainement quand les médias sauront qu'Amy et moi, c'est fini. Ils vont en faire leurs choux gras... Ça va durer des jours... Je vais être sollicité de partout, tout le temps... Rien que d'y penser, je suis épuisé...

Il se frotta les arcades sourcilières visiblement très affecté.

- Mais soyons réalistes, continua-t-il le sourire aux lèvres. C'est extrêmement plaisant d'arriver dans un restaurant complet et d'avoir quand même la meilleure table. Des cadeaux, en veux-tu en voilà.

- Et toutes les femmes du monde à ses pieds, ajouta Andreas en riant.

- Oui au début c'était extrêmement flatteur. Je me prenais pour le roi du monde, rit-il. Mais au bout d'un certain temps, on se demande si la personne qu'on a en face de soi est honnête. M'aime-t-elle pour ce que je suis? On commence à être méfiant et bien entendu ça pollue la relation qu'on espérait sérieuse. C'est assez perturbant. Et quand on pense que la relation est sérieuse, on est habité par la peur de se faire quitter. Ça va tellement vite dans ce métier ... On rencontre de nouvelles personnes presque tous les jours. On a toujours l'impression que l'herbe est plus verte ailleurs ... Et on se fait plaquer comme une merde, un matin, devant son petit déjeuner ...

Il s'interrompit quand il remarqua que l'ambiance était devenu lourde et qu'on l'écoutait en silence.

- Oh merde, lâcha-t-il. Je viens de casser l'ambiance comme un crétin.

- Mais non, tu viens juste de casser le mythe de l'homme parfait, souris-je.

Arrivés à notre point de départ, nous nous engageâmes sur le second itinéraire possible. Cette fois, la route était plus petite et était encadrée de murets de pierres sèches. Impossible de garer une voiture sans gêner le passage. On fut obligé de rouler 10 km avant de trouver un moyen de faire demi tour tant la route était étroite. Aucune voiture à l'horizon.

- Je suis désolé de tout ça, s'inquiéta Jimmy qui décela une certaine lassitude.

- Ne t'inquiète pas, répondis-je. En ce qui me concerne je suis surtout préoccupée pour toi. C'est dingue quand même cette histoire de voiture. Une dépanneuse l'a peut-être embarquée non?

- On appellera la fourrière en dernier recours, s'alarma Jimmy.

- On essaie la dernière route et on avisera. Il commence déjà à se faire tard, répondit Andreas.

La voiture se faufila sur la troisième route. Elle était plus sinueuse et les murets étaient rares. On roula pendant 10-15 minutes les yeux grands ouverts à l'affût du moindre objet en métal. Mais rien. Aucune voiture.

On retourna à l'intersection. Tous un peu hagards. Andreas déplia la carte soucieux ; comment était-il possible que l'expert en parcours n'avait pas pu trouver ce trésor? Il consulta le moindre centimètre carré du plan, relevant la tête sur le paysage de temps en temps pour se repérer.

- Si ça avait été moi, commença-t-il. Si j'avais voulu m'aérer un peu, j'aurais marché le long des falaises pour respirer et réfléchir. Donc, si l'on suit cette hypothèse, si j'ai atterri ici, c'est que j'aurais garé la voiture plus loin. D'après la carte, il y a une route, qui vient du village proche du lieu du tournage, plus au nord, par là-bas. Mais ça voudrait dire que tu aurais marché pendant au moins 30 min? Est-ce possible?

Jimmy voulut répondre mais Andreas continua, visiblement en train de réfléchir à haute voix et n'attendant aucune réponse de notre part. Il se retourna vers moi en rigolant semblant demander : "Il est parti dans son délire là?" Je haussais les épaules en riant, lui faisant comprendre qu'on ne pouvait rien faire quand il était dans cet état.

- Bon, on va essayer cette hypothèse, continua Andreas sans même se rendre compte que l'on se moquait de lui gentiment. Il replia sa carte toujours très minutieusement et démarra la voiture.

Il roula 10 minutes, ralentit et s'engagea sur la-dite route. Il ne roula pas plus de 2 minutes que l'on trouva une voiture sur le bas-coté, en partie sur un talus, la roue arrière gauche dépassant sur la route.

Un hourra de joie résonna dans l'habitacle. Jimmy tapa sur l'épaule d'Andreas tout en riant et le félicitant. On aurait dit que notre équipe préférée avait marqué le point ultime pour la victoire.

On descendit tous de la voiture pour se précipiter sur le véhicule en se congratulant, soulagés. Fier de lui, Andreas esquissa un petit pas de frimeur qui fit rire toute la bande. En riant, Jimmy tira la poignée de la porte et son sourire s'effaça. La portière était verrouillée... L'euphorie tomba comme un soufflé. Tout en fouillant ses poches, Jimmy dit:

- Je n'ai pas les clés...

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