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Le soleil s’était à peine couché quand on arriva à notre petit gîte. On l’extirpa de l’habitacle. Il avait encore parfois les lèvres tremblantes, mais, mis à part une extrême fatigue, il avait l’air d’avoir repris ses esprits.

Andreas sortit nous rejoindre en courant.

Tout en mettant le bras de Jimmy autour de son cou, il demandait ce qui s’était passé, qui était cet homme.

- Vous avez eu un accident, demanda-t-il encore en l’emmenant à l’intérieur. Vous allez m’expliquer oui ?!

- Il allait sauter de la falaise. Je l’ai arrêté, lui répondis-je sans le regarder.

- Ah…, fut sa seule réponse.

On décida de le mettre dans le lit vide dans ma chambre.

Andreas, tout en le soutenant pour monter l'escalier, ne cessait de regarder le rescapé. Soudain, il me regarda les yeux écarquillés :

- Fy fan !! jura-t-il en suédois.

- Je sais, lui souris-je

Le regard interrogateur de ma sœur jonglait entre Jimmy, son mari et moi, mais Fanny ne comprenait toujours pas la situation. On en rigolera plus tard …

Quand on approcha du lit, il eut les hoquets caractéristiques du mal au cœur. Nous nous précipitâmes tous, le plus rapidement possible, vers la salle de bain de ma chambre où il vomit à nouveau en salissant son t-shirt. Fanny dégoûtée sortit de la salle de bain, tandis que Andreas, vaillant chevalier, lui ôtait ses vêtements en lui disant qu’on avait un lave-linge séchant et qu’il ne devait pas s’inquiéter.

Une pensée de midinette me traversa l’esprit : Jimmy Harrys était en caleçon dans ma salle de bain. Je ne pus m’empêcher de le regarder de la tête au pied. Un frisson parcourut mon dos. « Dis donc ma grande ! Ce n’est pas correct ! » dit le petit ange sur mon épaule. Je détournai les yeux, les joues rouges et sortit de la salle de bain.

Andreas le soutint à nouveau pour l’installer dans le lit. Jimmy perdit l’équilibre et s’accrocha à ma main.

- Reste avec moi, s’il te plait, me chuchota-t-il les lèvres tremblantes.

- Oui, ne t’inquiète pas, lui répondis-je un peu étonnée de sa requête. J'interrogeai Andreas du regard, lui demandant son avis. Il haussa les épaules.

Je m’assis à côté de lui sur le lit et il posa sa tête sur mes genoux, les enlaça et se remit à pleurer doucement.

Je lui caressai lentement les cheveux tout en lui chuchotant que tout allait bien aller. Il ne mit pas longtemps à s’endormir.

Je restai encore un peu avec lui puis doucement, je poussai sa tête et me levai du lit sans faire de bruit.

Je descendis au salon d’où j’entendis des conversations animées entre ma sœur et son mari.

- Putain, je ne l’ai pas reconnu ! Tu es sûr que c’est lui ?

- A 100% sûr. Il a la petite cicatrice au coin de la lèvre qui te fait tellement craquer. Je n’arrive pas à croire que tu ne l’aies pas reconnu !

- Tu étais tellement dans le dégoût que tu ne l’as même pas regardé, intervins-je.

Ils se retournèrent.

- Tu étais tellement hermétique ! C’était dingue ! Tu voyais un clochard quand je voyais un humain en souffrance, continuai-je sur un ton de reproche.

Andreas s’enfonça dans son fauteuil et attendit patiemment la réponse de sa femme.

- Oh ça va mère Thérésa ! répondit-elle irritée avec un petit sourire tinté de vexation.

- Bon, on fait quoi? demanda Andreas pour désamorcer la dispute qu’il voyait venir gros comme une maison.

- On ne fait rien, répondis-je en détournant les yeux de ma sœur. Il nous a demandé de n’appeler personne …

- Je comprends maintenant son trip de « n’appelez pas les médias »… Je me sens bête !

Je lui souris.

- On va déjà lui laisser le temps de dessouler. Demain est un autre jour, conclut Andreas.

On mangea en silence se demandant si on n’était pas en train de faire un rêve collectif.

En fin de soirée, Andreas plia les affaires propres et sèches de notre invité et ajouta un de ses caleçons sur la pile. Une chance qu’il ait la même carrure que lui… Il me tendit les affaires et chacun alla rejoindre sa chambre pour un repos bien mérité.

J’entrai dans ma chambre à pas de loup, mis ses affaires sur une chaise que j’approchai délicatement vers son lit.

Il dormait sur le ventre respirant lourdement. Les traits tirés, les cheveux en bataille, dos nu, il était étrangement beau vu les circonstances. Cette fois, un petit démon avait pris place sur mon épaule et je profitai encore un peu du panorama sans remord puis m’installai dans le lit d’à côté.

J’eus du mal à m’endormir. Agitée par des cauchemars où je tombais dans le vide et l'angoisse de le voir partir en pleine nuit pour commettre l’irréparable.

Je fus réveillée à l’aube juste avant que le soleil ne se lève par un bruit d’eau. Je me levai en sursaut et vis qu’il n’y avait personne dans le lit. Mon regard se tourna vers la chaise où je vis que seul le caleçon avait disparu. Remettant mes idées en place, je compris qu’il était en train de prendre une douche. Quand l’eau s’interrompit, je courus vers mon lit à toute allure comme une petite fille prise en flagrant délit de bêtise. Je me sentis sotte quand je fis semblant de dormir. Je l’entendis sortir de la salle de bain, je le sentis s’approcher. Il me semblait qu’il était devant mon lit à m’observer, mais je n’aurais pu le certifier. J’essayais de dormir le plus joliment possible et je me sentis immédiatement idiote. Mais quel âge avais-je pour me comporter de la sorte ?

Je l’entendis ensuite ouvrir la fenêtre et se recoucher dans son lit en gémissant légèrement de douleur. Je me rendormis rapidement et eus le plus paisible des sommeils, bercée par le bruit des vagues au loin, caressée par une légère brise parfumée par les landes irlandaises qui soulevait les voilages fins de la fenêtre.

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