Epilogue : Pour Sarah...

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Mars 2010. De nombreuses années se sont écoulées depuis cette tragédie qui a marqué à jamais ma vie. J'essaie malgré tout de survivre. En cet après-midi d'hiver, je suis assis sur ma plage fétiche, mais je ne jette plus aucune pierre en direction de l'océan, juste quelques roses éparses. Je sens la présence de Georgino, le successeur de Soprano, qui rôde autour de moi. Anna l'appelle, le rejoint. Et s'assoit à côté de moi.

  • Qu'est-ce tu fais là, Patrick ? Tu ne devrais pas être en train de répéter pour le concert de ce soir ?
  • Si, sans doute, mais le chagrin est toujours en moi... Remarque, j'ai fait des progrès, j'ai changé de projectiles...
  • Tu ne les lances même plus de la même manière !
  • Ces fleurs me ramènerons peut-être ma petite princesse...
  • Moi, je pense plutôt qu'elles iront la rejoindre pour lui témoigner tout ton amour.
  • Anna, tu crois qu'un jour, elle me pardonnera ?
  • Sarah t'a pardonné depuis bien longtemps...
  • Et Morgane ? Et Val ?
  • Il leur faudra du temps pour panser leur blessure... Un jour peut-être, sois patient... Tu es tout pâle là, tu ne veux pas venir te réchauffer à la maison ?
  • Non, merci, le froid me fait du bien. Et puis, Karen m'attend.
  • C'est ta nouvelle compagne ?
  • Si on veut, oui...
  • Tu es amoureux d’elle ?
  • Non, Anna, je ne suis amoureux de personne. Je ne serai plus jamais amoureux de personne. Je baise, c’est tout. Aujourd’hui c’est elle, jusqu’à ce qu’elle se lasse, demain une autre. Quelle importance ?
  • Aucune, Patrick, si ce n’est que tu ne le feras jamais plus avec moi. Pourtant, j’aurais pu m’en contenter, tu sais, et même te contenter…
  • Anna…
  • Ne dis rien, s'il te plaît. Ca fait longtemps que je me suis fait une raison, que j’ai compris que ce ne sera jamais le bon moment pour nous deux.
  • Anna, j’ai jamais voulu abuser des sentiments que tu éprouves à mon égard, et si on avait à nouveau une "aventure" toi et moi, j’aurais l’impression de te trahir, de te salir, de te bercer d’illusions, et tu mérites bien mieux que ça. Bien mieux que moi. Tu es la femme qui compte le plus à mes yeux, et je n’ai aucune envie de te faire souffrir à nouveau. Je ne veux plus me comporter comme un salaud. Pas avec toi en tout cas. Parce que tu es quelqu’un d’unique. Tu as tout pour rendre un homme heureux et pour être heureuse avec lui, mais choisis-en un autre. Parce que cet homme, ce n’est pas moi, parce qu’on ne comble jamais les brèches de sa solitude en s’abandonnant dans les bras d’un leurre...

Silence. Puis Anna engagea à nouveau la conversation :

  • Et qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
  • Me reposer dans ma chambre. Il ne faut pas que je déçoive mon public ce soir... Tu seras là ?
  • Bien sûr que je serai là. Je serai toujours là...

Anna rappelle Georgino, m'embrasse sur la joue et se lève pour rentrer dans sa demeure située de l'autre côté de la route. Je sors une enveloppe de la poche de mon blouson. Je l'ai reçue ce matin, mais je n'ose pas l'ouvrir. Je pressens que ce qu'elle contient va me ramener des années en arrière et je ne sais pas si j'y tiens. Je la décachette. A l'intérieur se trouve un faire-part de naissance et une lettre manuscrite.

"Patrick,

je sais que tu ne t'es jamais remis du décès de ta fille. Moi non plus je n'y arrive pas. Même des années après, je me sens coupable. Je pense à elle chaque jour que Dieu fait. C'est pour cela que mon compagnon et moi nous avons choisi de prénommer notre fille Sarah. En lui donnant la vie, j'ai compris que rien ne compterait désormais plus qu'elle dans mon existence. J'ai compris aussi l'ampleur de ta souffrance. J'espère que tu ne m'en veux pas pour tout le mal que je vous ai causé, à Sarah, à Morgane, à Valériane et à toi. Je ne pensais pas que l'amour pouvait rendre des gens si malheureux.

En souvenir de nous, de toi. Et de ta tendre et douce Sarah. Je t’embrasse.

Elsa"

Des larmes inondent mes joues. Des larmes d'émotion, des larmes de tendresse, des larmes de joie. Ma bouche esquisse enfin un sourire. Ce soir encore, comme lors de chaque spectacle depuis sa disparition, je dédierai à ma fille cette chanson que j'ai écrite pour elle, pour lui hurler tout mon amour, et lui crier que je ne l'oublie pas... Sache que je ne t'oublierai jamais, ma petite princesse, ma pupuce chérie, ma Sarah !


"Pour cacher mes erreurs que je commets par coeur, et si

Au profit du bonheur, j'échangeais la douleur sans bruit

Pour ces sommeils qui dansent, comme des récompenses enfuies

Quand le bleu des nuances devient gris de souffrance, aussi

Pour les soleils violets que tu dissimulais meurtrie

Et les rires empruntés qui te raccrochaient à la vie


Plus je pense à toi et plus encore je m'aperçois

Que le temps qui passe ne me guérira pas

Rien ne te remplace, je manque de toi, je meurs de toi

Et je m'aperçois que tu manques à l'espace


Laisse-moi respirer, juste une heure encore

Cette fleur fanée, puisque la mort ennemie a pris l'amour d'une vie..." (1)


FIN


(1) : paroles empruntées à une chanson du répertoire de Patrick Fiori : "Plus je pense à toi".




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