Gironde

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Conte réécrit.



Il était une fois un gros bonnet mafieux spécialisé dans l’Import/Export de produits hautement répréhensibles qui n’avaient rien à voir avec des chapeaux. Cet homme, roi incontesté du vilain et de l’abominable, était pourtant un père aimant. Très aimant. A tel point qu’il voulut garder près de lui dans ses bureaux sa fille Gironde qui revenait d’une école de la haute chez les bonnes sœurs. Il s’était dit qu’une bonne éducation et de la virginité seraient des atouts importants pour se refaire une pureté commerciale dans les sphères impénétrables des notables de la requinerie financière. La voyant, ce fut le choc cardiaque. Ah non, finalement, hors de question qu’un freluquet lui mette les mains dans ses atouts. Il faut dire que son épouse était devenue aussi large que haute et ne lui inspirait plus de désir, alors que sa fille était l’exacte réplique de sa passion de jeunesse.

Gironde était une oie blanche qui ne connaissait rien de la vie. Elle accepta avec gratitude le petit boulot payé fort cher, l’appartement donnant sur le plus beau parc de la ville et la voiture de luxe qui allait avec le standing. Le temps passa ainsi et ce qui devait arriver arriva : le papounet n’y tint plus et lui proposa plus sous réserve de lui laisser voir ses nichons, voir plus si affinités.

Catastrophée, Gironde alla voir sa marraine, médium de son état, un peu sorcière via consultations en ligne et de bonne réputation dans le Milieu. Cette dernière poussa des oh et des ah et des pas question et des il est devenu fou et des on ne va pas le laisser faire. Elle conseilla à sa filleule de mettre en demeure son père de prouver son amour en lui accordant la réalisation de souhaits irréalisables. Mais dis-donc, dit Gironde, lui mettre un marché en main, c’est déjà accepter, non ? Mais non, chérie, une femme peut se dédire comme ça lui chante. C’est l’avantage d’être une faible créature. Ah bon, lui répondit Gironde, alors faisons ainsi, si cela peut sauver mes miches.

Se retour près de son vieux, elle fit bonne apparence. Il s’en frotta les mains et essaya de les mettre sur le décolleté. Hola, manant (zut, je me suis trompée de conte, désolée). Père, vous savez l’affection que je vous porte. Afin de vous honorer, je voudrais que vous me fassiez confectionner une robe tissée de tendresse. Ni une, ni deux, le prince de la magouille alla voir son ami Cachourelle qui lui livra la robe tant attendue. Damned, une robe magnifique, toute de roses brodées, de soie et de broderies du plus bel effet, le tout dégoulinant de bons sentiments. Gironde, devant l’air fier (il y avait de quoi) de son géniteur, ne se laissa pas démonter. Rose, cette robe est rose et j’ai horreur du rose ! Non, vraiment, il faut être un homme pour ne rien comprendre à la mode ! Puisque c’est ainsi, trouvez-moi une robe tissée de passion. Et hop, le père alla voir son ami Lacroche qui lui fit livrer une robe, ah mama mia, une robe somptueuse tissée de passion en peau véritable garantie sans souffrance animale même que c’était marqué sur l’étiquette. Alors, qu’il lui dit, hein, il est pas fortiche le roi du commerce ? Gironde utilisa l’arme ultime d’une fille, elle se mit à pleurer et s’enfuit dans sa chambre.

Tu dois fuir loin, très loin, hors de sa vue, lui dit Guylaine la marraine (ça rime). Un ami de mes amis tient une baraque de frites itinérante. Tu te cacheras sous l’anonymat huileux d’une pauvrette en réinsertion, personne ne te reconnaîtra.

C’est ainsi que la malheureuse Gironde fut jetée sur les routes, les mains grasses et le teint brouillé. La nuit, elle ouvrait en cachette sa valise et en sortait ses robes d’espoir. Elle chantait aussi, comme un rossignol, tant qu’à avoir une vie bousillée, autant avoir une belle voix.

Revenant d’une fête très arrosée, lui-même complètement ivre, Dan Sparrow, le célèbre agent d’une non moins célèbre agence d’investigations, célèbre pour moult livres à succès lui ayant apporté gloire, beauté et confort social, Dan Sparrow, donc, à travers sa brume éthylique, entendit les trilles enchanteresses. Il tomba immédiatement amoureux de la propriétaire des cordes vocales. Le temps de sortir de son hébétude, Gironde était allée se coucher. C’est en vain qu’il chercha, chercha, à gauche, à droite, au bout de la rue, là où il y avait de la lumière, et de lampadaire en lampadaire ainsi toute la nuit. D’oiseau point. Il se mit à dépérir. Ses agents littéraires s’inquiétaient, plus aucun livre en préparation, rien, nada. Ils lui laissèrent un peu de temps et voyant que les ventes chutaient parce que monsieur n’allait plus aux dédicaces ni n’allait à la Grande Bibliothèque et qu’il devenait urgent de payer les factures, ils se dirent que ce mal d’amour devait être soigné. Ils se mirent en relation avec des imprésarios qui organisèrent une radio crochet pour l’anniversaire de Dan. Des affiches furent placardées partout dans la ville, des twits et des buzz et aussi des annonces chez DruckDruck.

Gironde, qui voulait se sortir du guêpier où l’avait fourrée sa marraine, se dit mais bon sang, c’est bien sûr, si je dois changer de vie, ce serait bien chanteuse. Non ? Si.

Elle arriva trop tard pour s’inscrire (il y avait eu beaucoup d’amateurs de frites ce jour-là) mais le jour dit, elle arriva à se faufiler entre deux gardes de l’entrée. Elle monta de force sur scène sous les huées de toutes celles qui faisaient la queue. Sa vie en dépendait. Elle donnait de grands coups de valise dans les tibias, sur les têtes et c’est échevelée et en haillons qu’elle se mit à chanter.

Stupeur dans la salle.

Stupeur dans le cœur de Dan.

Lorsqu’il vit la harpie aux cheveux gras et au teint gris, son corps eut un soubresaut. Non, impossible, pas ça, pas cette mocheté de pauvre, non, une telle horreur ne peut pas chanter de la voix d’un ange. Et cette robe abominable, d’un mauvais goût… Mais d’un mauvais goût… Comment dire… Et cette odeur de graillon…

Il prit ses jambes à son cou et personne ne le revit. Il se fit ermite aux fins fonds d’une forêt d’Asie.

Gironde retourna à ses fourneaux et se maria avec l’ami de marraine Guylaine.

Moralité : L’amour tient à presque rien, finalement. Une bonne douche aurait fait l’affaire.

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Projet Bradbury #3Chapitre12 messages | 7 ans

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