Nouveau foyer

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Je fixe mon tuteur de mes grands yeux verts, complètement abasourdie par sa révélation. Face à mon air étonné, il dit :

- Je comprends que vous ayez du mal à digérer cette nouvelle. Cela fait beaucoup de révélations et de surprises en une seule journée, ce doit être éprouvant pour vous, mais vous devez rester forte. Venez, nous avons encore du chemin à faire.

Il poursuit sa route et je le suis, en silence. Tant de questions se bousculent dans ma tête que j'ai l'impression qu'elle va exploser ! Mais je tiens ma langue car je suis bien consciente qu'il ne me répondra pas maintenant.

Nous avançons dans la forêt, au mileu des arbres presque nus. Nos pas craquent sur les feuilles mortes qui jonchent le sol. La nuit approchant, il commence à faire froid et ma simple veste noire ne suffit plus. Je suis donc en train de grelotter lorsque je sens quelque chose de chaud et doux à la fois caresser la peau de mon visage. Il me suffit de regarder sur le côté pour comprendre qu'il s'agit du cheval à la robe sombre de mon tuteur qui vient frotter affectueusement sa tête contre la mienne. Je souris, laissant même s'échapper de ma bouche un petit rire et caresse l'animal en retour.

La lune commence à se lever à l'horizon lorsque mon tuteur déclare enfin :

- Nous y sommes.

Devant nous se trouve une jolie maisonnette aux murs de pierre et au toit en tuiles. L'homme s'approche de la porte en bois et l'ouvre. Je pénètre dans la maison à sa suite. Cette dernière est plongée dans l'obscurité, mais ce n'est pas un problème pour moi : je vois aussi bien de nuit que de jour. Je sais que c'est quelque chose qui n'est pas censé être normal car j'ai remarqué que les autres filles de l'orphelinat sont incapables de distinguer quoi que ce soit dans l'obscurité, mais qu'y puis-je ? J'ai toujours été ainsi.

Mon tuteur sort à nouveau sa baguette et déclare :

- Ignis !

Une flamme jaillit alors de son instrument magique et atterrit sur le bois de la cheminée, qui prend aussitôt feu.

Cela permet d'éclairer la pièce dans laquelle nous nous trouvons. Elle est plutôt grande et spacieuse. Un canapé et deux fauteuils entourent une table basse, qui fait face à la cheminée. Le plancher est recouvert d'un grand tapis rouge et aux fenêtres sont accrochés des rideaux pourpres. L'un des murs est recouvert d'étagères pleines de livres de différentes de tailles. J'aime bien cet endroit. Il a l'air chaleureux.

Mon tuteur s'adresse à moi :

- Asseyez-vous, je vais m'occuper de Shadow et je reviens à vous.

Sur ces mots, il quitte la maison, me laissant seule pendant quelques instants. J'en profite pour ouvrir ma sacoche afin de vérifier l'état de mon dragon. Azur sort la tête en poussant un petit grognement. Je mets mon doigt devant ma bouche et lui murmure :

- Chut, ne fais pas de bruit. Encore un peu de patience, je te sortirai de là tout à l'heure pour te donner à manger et que tu puisses te dégourdir les pattes, mais je pense qu'il faudra te trouver une meilleure cachette que ma sacoche . . .

Le petit animal ne dit rien, se contentant de me fixer de ses petits yeux bleus. Puis il regarde partout autour de lui, en humant l'air. Il réagit exactement comme n'importe quel animal qui découvre un nouveau lieu.

Il s'apprête à sortir de ma sacoche pour observer le terrain de plus près lorsque j'entends la porte de la maison se rouvrir. Je me dépêche donc de faire rentrer sa tête à l'intérieur avant de refermer le petit sac en cuir.

Mon tuteur fait son entrée, de sa démarche souple et élégante. Il referme la porte derrière lui et avance jusqu'à la cheminée, où une théière est suspendue au-dessus du feu. Il s'en empare et en verse le contenu dans deux tasses qui se trouvent sur la table. Puis il s'assied sur l'un des deux fauteuils qui trônent dans la pièce. Il tourne ensuite la tête vers moi et me désigne l'autre siège :

- Je pensais pourtant vous avoir demandé de vous asseoir.

Je me dirige vers le fauteuil et m'y installe. L'homme aux cheveux couleur de jais pousse l'une des tasses vers moi, avant de porter l'autre à ses lèvres. Je prends le récipient entre mes mains. La chaleur qui s'en dégage se propage dans tout mon corps, c'est une sensation vraiment agréable. Je porte à mon tour la tasse à mes lèvres. Je ferme les yeux pour savourer les arômes de ce délicieux thé à la menthe. Quel régal !

J'avale quelques gorgées, puis pose mes yeux verts sur mon tuteur. Après quelques secondes d'hésitation, je lui demande :

- Excusez-moi, comment dois-je vous appeler ?

- Mon nom est James Corvus, mais pour vous, ce sera "maitre".

- Maitre ?

- Oui, car à partir de demain, je vous enseignerai la sorcellerie.

- La sorcellerie ?

- Oui, vous êtes une sorcière, mais vous devez apprendre à maitriser ce don.

- Mais, je croyais qu'il fallait vendre son âme au Diable et renier le Christ pour devenir sorcier ou sorcière.

- Ce ne sont que des balivernes ! La sorcellerie est un don que l'on reçoit à la naissance. Il ne faut vendre son âme à personne, ni renier qui que ce soit pour l'obtenir. Oubliez donc les sottises que l'on vous a apprises dans cet orphelinat. Ce sont les autorités du monde rationnel, l'Église, à l'époque, qui ont raconté ces mensonges à la population pour justifier le fait de nous exterminer. En vérité, ils étaient juste jaloux de nos pouvoirs et nous craignaient. Peu à peu, les sorciers et les sorcières qui ont survécu aux poursuites et aux massacres se sont cachés et ont dissimulé leurs pouvoirs. Comme il n'y avait plus aucune trace de magie dans le monde rationnel, ses habitants ont cessé d'y croire et tant mieux d'ailleurs, ça nous arrange bien. De cette façon, nous ne risquons pas de revivre les terribles purges qu'ont connu notre communauté pendant des siècles.

- Maitre ?

- Oui ?

- Comment savez-vous que je suis une sorcière ? Nous ne nous sommes jamais rencontrés jusqu'à aujourd'hui et il n'y avait donc aucune raison que vous le sachiez ou le pensiez.

- Non, ce n'est pas la première fois que nous nous voyons, tous les deux. C'est juste que vous étiez trop petite pour vous en souvenir.

- Vous voulez dire que . . .

- C'est suffisant pour ce soir, me coupe-t-il. Il se fait tard. Venez, je vais vous montrer votre chambre.

Je repose ma tasse vide sur la table en bois et suis mon tuteur. Nous quittons la salle de séjour par une porte latérale, derrière laquelle se trouvent des escaliers. Nous les montons et, arrivés en haut, nous nous retrouvons dans un couloir. Mon maitre ouvre la première porte qui se présente à nous et s'écarte pour me laisser entrer.

C'est une petite pièce meublée d'un lit, à ma gauche et d'un bureau accompagné de sa chaise, à ma droite. Une armoire fait face au lit et la fenêtre se trouve à l'opposé de la porte. Des rideaux rouges y sont accrochés. Un petit tapis de même couleur repose au pied du lit.

- N'hésitez pas à m'appeler s'il y a le moindre problème, me dit mon tuteur. Bonne nuit.

- Bonne nuit.

Il quitte la pièce en refermant la porte derrière lui. Je pousse un soupir en me laissant tomber sur le lit.

Mes paupières sont lourdes et se ferment donc malgré moi, mais un petit grognement suffit à ce que je les rouvre. Azur ! J'ai failli l'oublier !

Je me redresse et ouvre ma sacoche. Le petit dragon en sort aussitôt, visiblement agaçé d'être enfermé dans ce petit sac toute une journée. Je le prends dans mes mains et lui murmure :

- Désolée, Azur. C'est bon, tu peux sortir pour cette nuit, je ne pense pas qu'il passera dans ma chambre avant demain. Cependant, il n'y a pas de cheminée ici. Il faut descendre pour te chercher de la cendre.

Je retire mes chaussures noires, ne gardant aux pieds que mes chaussettes blanches pour être la plus discrète possible. J'avance ensuite sur la pointe des pieds jusqu'à la porte de ma chambre et l'ouvre précautionneusement. Je jette un coup d'oeil dans le couloir. La maison est plongée dans l'obscurité. Seule une faible lueur provient de sous la porte de la pièce du fond, sûrement la chambre du propriétaire des lieux.

Je quitte donc la mienne en toute discrétion et descends les marches de l'escalier une par une, sur la pointe des pieds. Une fois arrivée en bas, j'ouvre la porte qui donne sur la salle de séjour et y pénètre.

La cheminée est éteinte, mais le bois qui s'y trouve fume encore. Je m'en approche et y dépose délicatement Azur. Le petit dragon se précipite sur la cendre pour l'avaler avec appétit. Il était vraiment affamé !

Je le regarde manger d'un oeil bienveillant, avec un doux sourire sur le visage. Sa simple présence suffit à me rendre heureuse. Il est vraiment ce que j'ai de plus précieux au monde !

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