Mercredi 18 mars 2020

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Le soleil fait son retour chez nous depuis peu, et je suis bien contente de pouvoir enfin sentir la chaleur sur mon visage.

Le village est plus bruyant que d’habitude pour un mercredi après-midi, les voisins tondent leur pelouse, coupe les arbustes, bricolent, font ce qu’ils n’ont pas l’occasion de faire en général un jour de semaine. Pourquoi ? Parce-que nous sommes tous confinés.

En fin d’année 2019, en Chine, un virus se répand, un nouveau coronavirus, le Covid19. Il aurait pris ses origines dans une ville nommée Wuhan dans la Province de Hubei et aurait été transmis aux Hommes par un animal. Mais nous ne savons pas vraiment, même à ce jour, quelles sont précisément les causes de cette contamination aujourd’hui mondiale.

Quand j’écris ces lignes, j’ai l’impression de commencer le scénario d’un film catastrophe, thème fin du monde, invasion de zombies...

Mais nous ne sommes pas dans un film et heureusement toujours pas de zombie chez nous !

Je pense que l’Europe, et la France en ce qui me concerne particulièrement, n’a pas pris conscience, ou bien trop tard, des conséquences d’une telle pandémie, nous n’avons pas réagit de la bonne manière, considérant peut-être que cette affaire resterait chinoise, que nos frontières stopperaient ce virus... Comme elles ont stoppé le nuage radioactif de Tchernobyl. La France et l’Union Européenne se sont mis des œillères, comme à leurs habitudes.

Aujourd’hui nous payons tous le prix de notre arrogance, nous pays développés, riches, puissants. Nous ne sommes rien face au ravage d’un petit microbe à crête.

Rien n’est plus fort que la nature, et vu ce que nous faisons de notre planète, de notre mère, je me dis que finalement ce n’est que le retour du bâton. Et je suis persuadée que nous devrions vivre ces évènements non pas comme quelque-chose d’exceptionnel, mais comme les prémices de manifestations hostiles que nous aurons à vivre de nouveau. Je ne suis pas fataliste, ou théoricienne de complots, mais objective. Nous subissons depuis plusieurs années des assauts de la nature de plus en plus violents, désordonnés, imprévisibles et inhabituels.

Pourquoi ?

Parce-que comme depuis toujours, nous voulons plus, toujours plus. La conquête de l’Homme n’a pas de limite, même pas sa propre survie. Nous avons exterminé des civilisations entières, exploité la Terre sans vergogne, tué pour prendre, exterminé pour posséder. A ceux qui pensais différemment, nous avons jeté l’opprobre. Heureusement, il y a des hommes et des femmes qui ne sont pas victimes de cette humanité, mais qui essaient envers et contre tous, de sauver ce qu’il reste à sauver de notre Terre, de nos vies. Le vrai fléau c’est l’humanité. Les Hommes bons, sont ceux qui par conviction profonde, ou par choix ont tourné le dos à cette humanité stérile, pour adopter le comportement le plus respectueux, le plus basique, celui qui nous sauvera tous, un comportement bestial.

Oui, je le pense haut et fort. Ce sont nos instincts primaires, les parties de nous qui rapproche de nos origines animales, qui nous sauverons. Le progrès nous tue, les vrais humains, les bons j’entends, sont ceux qui décident de vivre en harmonie avec nos ressources. Hélas, l’Histoire nous prouve que l’Homme dans sa quête toujours plus maladive de richesses et de profits personnels, s’est bien chargé de détruire ces peuples, dont nous aurions bien besoin des conseils aujourd’hui. Ces peuples qu’on a appelé barbares, sauvages, incultes, païens, sont ceux qui auraient dû nous inspirer. Les sages, nous les avons exterminés, comme des enfants capricieux qui décident de casser un jouet qui ne plaît pas. Qu’avons-nous fait ou appris ? Rien.

Mon discours est pessimiste, non, c’est le reflet de ce que je ressens. Mais je vis dans ce monde, et je consomme trop, bien trop, je convoite et je veux plus. Comme beaucoup. En prendre conscience m’amende-t-il ?

Mais nous sommes ce que nous sommes, il n’est pas trop tard, je l’espère, pour notre espèce.

Je suis donc là, à écouter le chant des oiseaux qui annonce le printemps, sentir ce parfum que le soleil donne à la Terre. Et j’écris.

J’écris pour laisser le témoignage de ces évènements atypiques.

Comme vous l’aurez compris, le virus, indiscipliné, a franchis les frontières, se riant bien de nous. En janvier 2020 les premiers cas connus apparaissent en France. L’Italie est touchée plus tôt que nous et doit faire face à cette pandémie.

A partir de ce moment on nous a conseillé de bien se laver les mains, d’éternuer dans notre coude, d’éviter de se faire la bise ou de se serrer la main. J’avoue qu’alors, je ne m’inquiétais pas vraiment. Ce n’étais ni plus ni moins qu’une bonne grosse grippe, et les cas de décès ne référaient qu’à des personnes très âgées et ou déjà en mauvaise santé. Je regardais les chiffres des décès occasionnés par notre bonne vieille grippe, et ne voyais pas pourquoi on faisait un si grand tohu bohu de ce coronavirus. Je n’aurais alors jamais pensé que nous serions aujourd’hui confinés chez nous.

Le 15 février 2020, la Ministre de la Santé Agnès Buzyn annonce le premier décès en France causé par le Covid19. Le 6 mars, nous sommes passés au stade 2 de l’épidémie, dans les clusters, c’est-à-dire, les lieux où le virus a fait le plus de ravage, les écoles sont fermées. On interdit les rassemblements de plus de 1000 personnes en premier lieu, puis le nombre descend à 500. Le 14 mars, la France passe au stade 3 de l’épidémie.

Depuis deux semaines, au travail, nous appliquons les mesures d’hygiène recommandées. Plus de bisous. Cela m’attriste.

Mais encore une fois, je ne me suis pas formalisée plus que ça, et j’avoue, que j’ai boujouté, comme on dit en Normandie. Oui je plaide coupable. Et, conséquence ou pas, j’ai chopé un virus grippal la semaine dernière. Un gentil virus grippal, au vu des circonstances. Mais assez pénible pour que j’aille consulter le médecin. Loin de moi l’idée de me rendre au cabinet médical avec des gants ou un masque, mais j’ai gardé les mains dans les poches, et je me les suis bien lavées en sortant de mon rendez-vous.

C’est donc alors que je me suis retrouvée en arrêt de travail pour maladie, que j’ai appris la nouvelle : à partir du lundi 16 mars, toutes les écoles, collèges, lycées ou autres universités, seraient fermées ! Les rassemblements de plus de 100 personnes ne sont plus autorisés.

Il faut savoir que je travaille en établissement scolaire. Je suis secrétaire de direction dans le petit mais fort agréable collège de Cany-Barville. Forcément, je me suis posée la question de mon retour prévu pour jeudi 19 mars, vu que mes deux enfants, collégiens allaient se retrouver seuls chez nous, pour une période indéterminée !

Lundi donc, ils étaient avec moi à la maison. Hors de question qu’ils pensent être en vacances ! Le Président de la République a annoncé que les professeurs devaient assurer la continuité pédagogique et de ce fait, via les outils numériques, suivre la scolarité et faire en sorte que les enfants puissent travailler de chez eux. Mais, et il fallait s’y attendre, les serveurs n’étaient pas près pour une telle dose de connexions simultanées ! Et donc, bug des applications et impossibilité de se connecter. Il a donc fallu que je trouve de quoi occuper mes deux adolescents, très peu enclin à vouloir travailler !

Un lundi à se tirer les cheveux ! Je ne suis pas professeure, et je vous jure que je ne suis pas faite pour ce métier, je deviendrai folle, ou alors, on lirait mon nom dans les journaux en première page pour le carnage de dizaines d’adolescents ! Mais la journée s’est déroulée sans meurtre, je vous l’assure.

Le soir même, une nouvelle allocution de monsieur Macron, nous annonce que nous devons tous rester chez nous à partir de mardi 12h. Les personnels de santé et les personnes ne pouvant pas télétravailler, peuvent se rendre sur leur lieu de travail, les commerces non essentiels doivent rester fermés. Ne restent ouverts que les magasins d’alimentation, les cabinets médicaux, urgences, et hôpitaux, ainsi que les stations essence. Dans les écoles, on est tenu d’accueillir les enfants des personnes travaillant dans le domaine médical. La solidarité est de mise pour ceux qui ne peuvent pas garder leurs progénitures. Toutes les assistantes maternelles peuvent garder jusqu’à 6 enfants. L’Etat donne le droit à un des deux parents, de prendre 14 jours de congés maladie, renouvelable, sans journée de carence ni perte de salaire (à voir, car sur les infos que j’ai eu l’assurance maladie ne rembourserait pas à 100%...)

Pour ma part, mon arrêt maladie se termine aujourd’hui mercredi, donc jusque-là, pas de problème de garde. Pour les jours suivant je vais essayer le télétravail, tout comme mon mari qui le pratique depuis hier, mais avec les outils adéquats...

Hier, je suis sortie marcher avec des amies, le matin, avant le confinement. L’Etat n’a pas employé ce mot, par volonté peut-être de ne pas affoler la population, toujours est-il qu’il faut appeler un chat un chat. Cela m’a semblé être une bonne chose à faire, car je ne sais pas quand nous pourrons de nouveau avoir d’interactions sociales. Physique, il s’entend. Cette promenade avait un goût spécial, comme un aurevoir, la fin d’une période plus insouciante. C’est à ce moment que je me suis réellement rendu-compte de la situation je pense.

L’après-midi de ce mardi, j’avais un rendez-vous médical chez un ORL, pour les suites de mon infection. Pour sortir de chez nous, il faut maintenant remplir un formulaire !

Mais, personnellement, je n’ai pas d’imprimante en état de marche, donc, je me suis dit que la confirmation de mon rendez-vous sur mon téléphone portable ferait bien l’affaire. Ce n’est que le lendemain, que nous avons appris que sans ce papier, nous aurions une amende !

Arrivée sur le lieu de rendez-vous, je ne savais pas vraiment quel comportement adopter. J’avais avec moi un masque, très difficile à trouver d’ailleurs en ce moment, bref, je ne savais pas si je devais le mettre ou pas. A la télévision, on voit que beaucoup le porte dans la rue, mais je me sens idiote avec ça sur le nez ! J’ai mis ma fierté de côté et j’ai mis cet accessoire pour me rendre dans la salle d’attente. Je me sentais très bête. Et encore plus en pénétrant dans la salle, puisque j’étais toute seule !

Le masque, hop, dans le sac à main ! Yes ! Je me rends donc vers le bureau de la secrétaire, le visage libre et je vois toutes ces affiches : consignes de sécurité et d’hygiène, prière de se tenir à 1 mètre les uns des autres (en l’occurrence à 1 mètre de moi-même), et je remarque que la porte du secrétariat est légèrement entrouverte. Une affiche interdit de franchir la ligne sur le sol, faite avec du gros ruban adhésif, une autre interdit d’entrer, et une troisième de poser quoi que ce soit sur le bureau. Derrière, cachée, se tient la secrétaire, elle est seule mais elle porte pourtant un masque sur le nez et la bouche. Je trouve cela un peu extrême vu qu’elle n’a pas de contact avec la patientèle. Je lance un bonjour, m’annonce et attend mon tour.

Le docteur vient me chercher rapidement, lui aussi avec un masque et des gants. On ne se sert plus la main depuis presque 10 jours, donc personne ne s’offusque ni ne s’interroge, lorsque je le suis simplement après un « Bonjour ».

Dans son bureau, je n’ose rien toucher. Il manipule ses instruments et me touche avec ses gants. Je me fais la réflexion que ses protections ne me protègent pas du tout, puisqu’il touche à tout avec, mais le protège uniquement lui. Aurais-je dû porter des gants moi aussi ?

Après la consultation, je paie (vive le sans-contact des cartes bancaires), et utilise le gel hydroalcoolique disponible sur son bureau. Et je sors. Et je touche la poignée de porte, et que je suis stupide ! Je me lave les mains en rentrant à la maison.

Une fois encore, nous essayons avec les enfants, de nous connecter aux logiciels du collège, sans succès.

Ce matin, je suis allée courir. Un petit tour pas loin de ma commune. J’avais dans la poche un papier sur lequel j’avais reproduis le document officiel de façon manuscrite, ne pouvant pas l’imprimer. Pendant ma course, je n’ai croisé que corbeaux et goélands. Personne à pied, mais il n’y avait rien d’exceptionnel ici. C’est souvent peu animé en campagne. Toutefois, j’ai remarqué que la grande majorité des maisons secondaires étaient ouvertes. Les parisiens et autres habitants de banlieues, sont venus vivre le confinement dans un environnement plus agréable. J’aurais fait la même chose. J’espère simplement qu’ils ne rapportent pas le virus avec eux, car en région parisienne, il y a beaucoup plus de cas que chez nous. Enfin, nous sommes tenus de ne pas nous rencontrer, donc pas de crainte à avoir de ce côté-là.

Sur les réseaux sociaux, je reste proche de notre famille. Mes oncles et tantes étaient en station de sports d’hiver et ont dû rentrer car les stations ont fermé. Ma grand-mère est en EPHAD, mon grand-père, qui vit seul dans une grande maison, ne peut plus aller la voir. Elle n’a plus du tout de visite. Je suis si triste pour elle, mais elle risque tellement plus que nous que je m’en adapte.

Aujourd’hui, pour mes enfants, la connexion s’est faite, ils ont réussi à consulter les devoirs et leçons, à échanger avec les professeurs. Ils ont profité du grand soleil et de cette chaleur bienvenue. Au moins nous sommes cloîtrés dans de bonnes conditions. Pour le moment.

Aujourd’hui j’apprends que le Covid19 a tué 85 personnes. En seulement une journée !

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