Million emotion miles

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Stéphanie — Los Angeles — November 2011.

La belle Cougar garée devant ma porte, je me précipite sur le trottoir, animée de deux émotions bien distinctes : la joie, parce que cela implique que Chris m'apprécie et l'inquiétude, car j'appréhende un peu la rencontre inopinée avec des inconnus.

June surgit de la voiture, glapissant mon prénom et me serrant dans ses bras.

— Steph ! Je suis contente que tu sois avec nous, ce soir. Tu verras ils sont tous super cool, s'écrit June en tirant le siège avant.

— Hey, C'est bien que tu sois là, tu verras ils sont un peu bourrus mais adorables, sourit Chris.

— Merci à vous deux ! Je suis contente moi aussi, réponds-je, en grimpant à l'arrière.

Sous cette effervescence, nous rejoignons notre destination. Chris a évoqué qu'il possédait une vieille voiture lorsque je l'ai ramené avec mon Alfa Romeo et elle est encore plus sublime qu'en photo. L'odeur du vieux cuir embaume l'habitacle d'origine, avec son tableau de bord à l'ancienne et le long levier de vitesse. N'étant jamais montée dans une voiture de ce style, je suis émerveillée. Si bien que je prête aucune attention aux échanges qui se tiennent à l'avant de la voiture

Les rues illuminées défilent sous mes yeux sur un air d'Otis Redding. Loin de moi l'idée de critiquer les goûts musicaux de mon ami, je trouve simplement que c'est de circonstance. Pendant le trajet, j'ai juste l'impression d'être transportée à cette époque Hollywoodienne, mais tout s'évanouit lorsque apparaissent les lettres lumineuses du Hard Rock Cafe.

Poussant la porte du restaurant, Chris s'efface afin de nous laisser passer et June se précipite vers le groupe qui lui est familier tandis que je balaye du regard les alentours. La décoration est audacieuse, amusante et vivante ; des lampes du début du siècle dernier sont suspendues, des chromes se répandent sur les poignées de portes, des disques vinyles et des plaques en métal habillent les murs. Une ambiance Rock'n Roll y règne de part l'originalité du mobilier et un vieux morceau de Rolling Stone qui s'élève malgré les bruits confus.

Juste assez pour nous plonger dans cette atmosphère étonnamment vintage.


Et ça marche. Mon cœur est transporté et mon esprit sautille d'impatience.

A mes côtés, Deux émeraudes me fixent si intensément qu'elles en viennent à troubler mon examen. Chris se tient à ma droite, un mince sourire au bout des lèvres. Décontenancée, je laisse machinalement un sourire se peindre sur mes lèvres auquel il répond presque instantanément. Troublée, je ne peux soutenir la puissance de ce regard qui semble plonger au fond de mon être et vouloir soulever des secrets. Je ne lui laisse pas le loisir de violer mon âme, baissant les yeux, je cherche une parade destinée à une éviction.

Cherchant June du regard, je la trouve finalement, au milieu de personnes qui me sont inconnues, agitant sa main à notre intention. Je sens encore le regard de Chris sur moi, à la fois perturbant et pénétrant. Obligée d'affronter une nouvelle fois ses prunelles claires, je lui adresse un sourire, destiné à désamorcer la décharge émotionnelle qui se joue en moi. Il m'invite à le suivre jusqu'à la table de ses amis, sillonnant les allées. Plantée devant leur tablée, mon regard effectue une rapide inspection.

— Salut les gars, je vous présente, Stéphanie, une amie de June et moi. Stéph, voici mes potes de surf, Nick, Lenny et Megan.

— Bonsoir... formulé-je timidement.

Si les deux hommes répondent à l'unisson par un sourire, la brune se contente de me toiser sans mots dire. Ses yeux semblent asséner des reproches à Chris avant d'aller se perdre aux alentours.

L'un d'eux, barbu et tatoué à mort, du nom de Nick, m'adresse un signe de tête tout en m'observant de longues minutes. Il semble qu'il m'étudie jusqu'au plus profond de mon âme et lorsqu'il eut fini de me passer au laser, il hoche la tête, une seconde fois, en signe d'acceptation.

— Bonjour et bienvenue parmi nous ! me lance Nick, de sa voix grave, coudes posés sur la table.

Assise entre lui et Chris, lorsqu'il élève son impressionnante voix grave, je me sens toute petite. Au prime abord, on sent le chef de gang, celui qui a un rôle important à jouer. Extérieurement, il dégage une aura de fierté, intègre et sûr de lui en toutes circonstances. Il n'est pas du genre à s'attarder inutilement mais plutôt à se concentrer sur l'essentiel. C'est du moins l'impression qu'il me donne.

En face de moi, se tient Lenny. Plus avenant mais pas plus bavard que son ami, il me salue également tout en m'observant sans retenue. Les bras criblés de tatouages et croisés sur sa poitrine, il me sonde à son tour mais peut-être pas pour les mêmes raisons que le premier. Ses yeux sombres courent sur ma personne sans limite, obligeant Chris à intervenir.

— Lenny, laisse-la arriver parmi nous, annonce-t-il d'un ton cinglant à son ami.

— D'accord, d'accord, abdique l'intéressé, mains levées et affichant un sourire.

— Ne fais pas attention à lui, c'est le plus taciturne et le moins bavard de tous mes potes, murmure Chris à mon oreille.

Mon regard se pose enfin sur la brune dont les yeux bleus baladent sur moi sans vergogne, ne me souhaitant ni la bienvenue, ni le bonjour et me percevant comme une cible potentielle à éliminer au plus vite. Elle ne daigne pas m'accorder le moindre intérêt et lorsqu'elle le fait, son regard de tigresse traîne sur moi comme un reproche. La soudaine proximité de Chris à mon égard, a l'air de l'agacer fortement.

Enjouée, June lève son verre de Guinness, observant l'assemblée de ses yeux clairs et lance à la volée :

— Bienvenue à Los Angeles, Steph. Tu verras, tu te plairas ici, ma belle et on sera ton guide avec Chris.

Tous les verres s'entrechoquent contre le sien, sauf évidemment celui de la dénommée Megan, qui, de son côté ignore les faits, le regard tourné ailleurs. Ce qui n'échappe à personne, en fin de compte. Le regard noir, la brune semble accuser le coup. La tête posée sur la paume de sa main, un air blasé sur le visage, les paroles de June semblent être un coup de poignard.

Manquant de m'étouffer face à l'annonce de ma collègue, je l'observe avec surprise.

— Je te remercie.

—De rien. Après tout, on travaille ensemble toi et moi. Et je compte bien faire en sorte que tu te sentes ici à ton aise.


Secouant la tête face à l'effronterie de mon amie, les trois hommes se moquent gentiment tandis que la brune soupire bruyamment d'impatience. Pianotant sur le revêtement de la table, elle lève un regard agacé sur le reste de l'établissement, sûrement pressée de récupérer l'attention sur sa petite personne.

— Quelque chose ne va pas, Meg ? interroge Nick cinglant.

— Lorsque j'aurai quelque chose à te dire, je te ferai savoir, biaise-t-elle en grimaçant.

Nick se penche vers moi, donnant un coup de menton vers Megan.

— Fais attention ! Chris est suivi jusqu'ici par son fidèle fan club dont une est parmi nous, s'écrie-t-il en regardant Megan d'un œil joueur.

— La ferme, Nick ! jure-t-elle en levant les yeux au ciel.

Ce dernier se met à ricaner de sa voix rocailleuse et profonde, tandis que Lenny garde un silence de mort et que Megan fulmine dans son coin. N'ayant pas la langue dans sa poche, le barbu lève un regard critique vers elle et poursuit :

— La miss, t'es out ! s'exclame Nick en tapant du plat de la main sur la table, Il faut parfois l'accepter et c'est comme ça ! puis son regard se tourne vers moi, Stéph, attention c'est une tigresse.

Megan ne surenchérit pas et se contente de souligner son mécontentement en le fusillant du regard sous les éclats de rire des autres. Les yeux rivés sur son verre de whisky, elle semble accuser le coup lentement. Pour le moment, il n'est pas dangereuse mais elle peut le devenir rapidement.

Prudence, donc.

— Alors comme ça, tu viens tout droit de France, c'est bien ça? Interroge Nick.

— C'est exactement ça. J'ai passé un an sur Miami, chez mon père et je suis ici depuis trois mois.

— La fameuse infirmière qui s'est occupé de ce fou furieux là-bas, affirme Lenny, il t'en a fallu du courage non ?

— Il n'y a eu aucun souci avec lui, dis-je en adressant un sourire à Chris.

— Et surfeuse aussi. C'est un bon point ça ! poursuit le barbu, tu taquines bien le surf ?

— Non, je suis une simple débutante.

Sur du Miles Davis, l'ambiance se détend peu à peu. Les éclats de rire de June, Nick et Lenny me parviennent tandis que j'observe la brune minauder. Penchée sur Chris, elle lui lance des regards enjoués, tortillant une mèche de ses cheveux entre ses doigts. Elle le charme, le complimente, si bien qu'il m'est bien facile d'imaginer où elle veut en venir. De son côté, Chris, adossé à contre la banquette, conserve un sérieux désarmant mais agréable, répondant aux nombreuses questions de son amie au sujet de son projet sur Malibu.

— En tous cas, si tu as besoin de cours, ne demande pas à Lenny. C'est une mauvaise idée ! Il fume comme un pompier et s'essouffle avant d'être sur le line-up*, se gausse June, assise à ses côtés.

— Je prends note.

— Mais n'importe quoi ! Je vais passer en revue toutes les fois où je t'ai cloué sur place ! se lamente le tatoué, puis se tournant vers moi, si tu veux un surfeur pro, c'est à moi qu'il faut t'adresser, les autres sont des imitations !

— T'en fais pas un peu trop non? se moque Nick, secouant la tête de dépit, un surfeur pro, rien que ça ! Laissez-moi pleurer.

— Je te mets au défi ! Toi, ta lourde musculature et tes chronos supérieurs au mien. On verra bien, se vexe Lenny, bras croisés.

— On se détend ! lance June, observant les deux hommes à tour de rôle.

Lenny et Nick battent en retraite sous les remontrances de mon amie, avalant une gorgée de leur bière, comme pour passer à autres choses. Le barbu revient néanmoins à la charge, de tournant vers moi.

— Tes démarches ont dû être compliquées. Les services immigrations ne plaisantent pas chez nous.

— Des tonnes de papiers, des attentes interminables mais ça en vaut la peine, affirmé-je.

— Faut être sacrément motivé pour une telle aventure, félicitations, poursuit-il, tu sembles bien parler anglais, en tous cas.

— Merci, c'était le cas, oui. Et quand à la langue, votre rythme régulier me permet de comprendre. Mais si tu accélères la cadence, je ne saisis rien de ce que tu dis, indiqué-je.

— Chris nous avait prévenu donc on agit en conséquence, confirme Nick.


La soirée s'enchaîne et la bonne humeur s'installe, prenant toute la place. Lenny et Nick m'incluent dans leur conversation, m'interrogeant sur mes projets aux États-Unis. Ne souhaitant pas me dévoiler à des inconnus, je réponds poliment avant d'orienter le sujet sur le surf ; occasion qu'ils saisissent pour étaler leur prouesse en surf. Et même si je ne comprends pas toujours les mots « familiers » qu'ils en emploient, June est toujours là pour traduire. Megan entre en scène, exposant son excellent niveau sans me calculer plus que nécessaire.

— Rivaliser avec moi, semblable une tâche ardue ! se vante-t-elle, et puis, c'est moi la coéquipière de Chris à présent. Personne ne pendra ma place.

— J'ai jamais eu de binôme, Meg, lance le blond à mes côtés, arrêtez de penser pour moi ! Je surfe solo et depuis un moment.

— Cesse de gonfler tes chevilles, miss. Tes figures ont beaucoup à apprendre encore, souligné Nick, et toi, surfeur solo, il me semblerait que tu aies trouvé une partenaire. Je me trompe ?

Un bras sur la banquette, derrière moi, Chris baisse la tête, gêné, s'arme d'un sourire avant de plonger ses yeux clairs dans les miens.

— Pour l'instant, elle apprend encore. Le reste suivra, si elle le veut, bien entendu.

— Si c'est pas une déclaration, ça. Je ne sais plus qui je suis, plaisante Nick.

Le blond échange un regard avec son pote avant de sourire largement. Visiblement, le barbu aurait compris des choses qui ne me semblent pas forcément évidentes. Pour le moment, le seul élément dérangeant, reste l'amitié que voue Meg envers Chris.

Le beau blond reste silencieux à mes côtés, attentif à mes échanges avec ses deux amis, curieux d'en apprendre sur moi. Cela n'est pas pour me déplaire et note — une fois de plus — son intérêt à mon égard.

— T'as appris sur Miami ? interroge le tatoué.

— Sur Océan Drive. Je travaillais dans un lounge sur South Beach.

— Cool ! Les vagues sont belles là-bas. J'aimerais y aller un jour, argumente Lenny, puis il promène son regard sur l'assemblée, ça vous dit ?

Tout le monde semble accueillir son idée avec enthousiasme. Quant à la brune, elle se rapproche une nouvelle fois de Chris, le buste en avant. Ce qu'elle lui dit ne semble pas particulièrement intéresser le blond à mes côtés. Ses réponses brèves et sans détour dénotent qu'il essaie de se sortir d'un échange un peu trop ennuyeux.

Les trois hommes enchaînent bières et bourbon, de telle sorte que je m'interroge sur leur capacité à gérer autant d'alcool. La brune semble tenir la distance et June aussi. Quand à moi, je me contente d'une Twodogs et de soda. Je tiens à rester sobre.

— Charmant ton accent, petite Frenchie, ironise Lenny en avalant une gorgée de bière.

— Mec, elle s'en fout de ton avis et que tu l'aies remarqué également ! raille Nick, Change de sujet mon pote et arrête de draguer comme si tu avais 15 ans !

La réplique du barbu élève l'esprit ironique de June

et offre l'occasion de se ridiculiser un peu plus au timide Lenny qui tente de se dédommager mais en vain. De son côté, Chris s'impatiente, pianotant contre son verre d'alcool.

— Je lui fais la conversation ! répond Lenny faisant mine d'être étonné.

— C'est ça, prends-moi pour un abrutis ! continue son ami, on est ici pour passer une soirée tranquille, donc tu lui feras les yeux doux une autre fois, si elle veut de toi !

Saisissant la perche tendue, Chris se sort des griffes de la brune, se penchant vers moi d'un air candide, prenant part à la conversation :

— Je ne te laisserai pas embêter mon amie, plaisante Chris en me dédiant un clin d'œil.

Nos échanges de sourires me font vibrer au plus profond de mon âme. Tellement que cela n'est passé inaperçu pour personne. La brune se rembrunit dans son coin alors que tout le monde est à la plaisanterie.

— Attention ! Si tu te permets une nouvelle fois de l draguer, je crois que Chris va te régler ton compte ! annonce Nick, hilare.


Mon cœur palpite et la température de la pièce augmente de plusieurs degrés. Un seul sourire de lui et mon esprit s'évapore complètement. Bien que je me répète en boucle de conserver une certaine prudence, je ne peux pas contrôler mon attirance à son égard.

— En tous cas, je te souhaite de réussir ! C'est une belle preuve de courage, tout ça, annonce Nick.

— Pareil ! lance Lenny.

— Déjà, être infirmière c'est une aventure, mais en plus aux urgences et à Los Angeles, c'est carrément une virée à 180 degrés, commente Chris en me souriant.

— On fait un beau métier oui, rajoute June, et on ne s'ennuie pas.

— Merci à tous. C'est très animé, effectivement. Il se passe toujours quelque chose dans notre service, continué-je.

— Surtout lorsque certains ont décidé de tailler la route en moto par temps de pluie ! précise le tatoué en considérant Chris.

Le sourire du beau blond disparaît, laissant place à une mine plus sérieuse. Cette virée inopinée sous les trombes d'eau semble avoir été motivée par un élément perturbant. Et comme il ne m'en a pas encore touché mots, je lui laisse le soin de le faire, s'il le désire.

L'ambiance semble perdre quelques degrés tout à coup. Meg saisit cette occasion pour poser une main sur celle de Chris. Curieusement, il ne la chasse pas et la serre dans la sienne. De mon côté, j'accueille ce rapprochement comme une déception cuisante. Une douleur sourde me terrasse sournoisement tandis que je tente de rester réaliste.

On ne se connaît que depuis un mois. Il ne te doit absolument rien du tout.

Les garçons en profitent pour accaparer mon attention. Si Lenny semble m'accepter plus facilement, Nick montre qu'il étudie encore la question, par des regards appuyés et des attitudes distantes. N'ayant rien à cacher, je pense que ce n'est qu'une question de temps. Sans surprise, la brune m'appréhende avec hostilité. La froideur qui émane de ses regards glacerait n'importe qui. D'un intérêt assez pâle, elle ne me semble pas être une personne louable et sa main touchant celle du blond m'horripile éperdument.

Les boissons alcoolisées s'enchaînent à la suite.

June participe joyeusement aux plaisanteries des deux hommes à mon égard et son bonheur me fait du bien.

— La première fois que Stéph a bossé avec moi, j'ai beaucoup ri. Les gens parlaient hyper vite et elle leur faisait répéter trois fois, singe June, avec Cam et Hayden on allait se cacher rien que pour en rire !

— Ça nous a valu de long fou rires en pause, rié-je à mon tour.

— Content d'apprendre que vous vous éclatez sur le compte des patients, déclare Lenny, le regard en biais.

— Il faut bien qu'on allie l'humour à la prise en charge, sinon on déprime ! lance June, hilare.

Du fait de l'intérêt que me portent ses deux joyeux amis, Chris lâche la main de la brune pour la ranger sous la table et se plonge dans notre conversation.

— Ils font du bon boulot et crois-moi, elle a couru dans tous les sens le jour où j'y étais, précise Chris, alors, ouais, ils ont le droit de se détendre !

Ses amis se moquent de lui, une nouvelle fois et il semble le prendre du bon côté. Néanmoins, il demeure d'une tristesse qui me touche vraiment alors je m'enquiers de ses nouvelles.

— Tout va bien ? lui demandé-je.

— Oui, je suis claqué de ma semaine, ne m'en veux pas si je reste souvent en retrait, me confie-t-il avec un sourire

— Oh, tu aurais dû nous le dire on se serait débrouillé pour organiser ça plus au calme, répond June, avec compassion.

— Non, ça me fait plaisir de vous voir et ça m'offre l'occasion de souffler un peu, sourit-il, adossé contre la banquette.

L'expression de son visage se voile d'un sourire qui n'en est pas un, puis il plonge son regard entêtant dans le mien. Il souhaite découvrir toujours plus à mon sujet et, dans ces moments-là, je reste dubitative sur ses intentions : pour quelles raisons veut-il percer mon esprit ? Et s'il y voyait des choses qui ne lui plaisent pas ?

Mon cerveau s'immerge dans un questionnement sans fin que les rires de mon amie viennent perturber joyeusement. June savoure sa quatrième vodka orange et sombre déjà dans une béatitude éthylique assez inquiétante, en mon sens. Je sais qu'elle a besoin de lâcher prise mais je ne souhaite pas non plus qu'elle s'abîme la santé.

De son côté, Chris avale quelques shots de vodka avec ses trois potes. Quant à la brune, elle reprend des couleurs et s'anime d'une joyeuse satisfaction depuis son rapprochement avec le blond, tout à l'heure. Elle ose d'ailleurs me lancer des regards hautains, comme si mon sort était décidé d'avance.

Malgré cela, je me mêle aux conversations, même si j'éprouve parfois de la difficulté pour comprendre les mots argotiques employés. Par moment, je me trompe de mots et Chris vole toujours à mon secours, murmurant à l'oreille la bonne réponse. Et ceci me transporte de joie.


Vers les trois heures du matin, le bar ferme ses portes, laissant les traces de soirées bien arrosées. Alors que nous sortons du bar, des rires résonnent encore dans la rue.


— Bon ! Ce fut une joie de te rencontrer petite frenchie, à bientôt je l'espère ! me lance Lenny en souriant.

— Par contre, Chris tu ne peux pas conduire dans cet état ! Tu ne me feras pas le coup, passe les clefs de ta caisse ! affirme Nick avec autorité.

— Je te dis que ça va ! Et puis, je rentre pas seul ... June et Steph sont avec moi, répond Chris tranquillement les mains dans les poches, et j'te file pas les clefs de ma caisse, non.

— Ah parce que tu as deux femmes chez toi en plus ! s'exclame Nick d'un ton ironique.

— M'emmerde pas s'te plait, rigole Chris.

— Euh .. je dors chez moi, les amis, merci. répond June, hilare.

— Oh mais je ne tiens pas à savoir ce que vous allez faire, se gausse le barbu.

La brune se mêle aussitôt à la conversation.

— Je peux conduire si tu veux Chris. J'ai déjà conduis ta voiture et ça ne me pose aucun problème de ramener tout le monde, annonce-t-elle, fièrement.

Sa proposition est accueilli avec surprise. Les deux bruns s'adressent un regard avant de considérer étrangement Megan mais le blond vient hausser les épaules en signe d'approbation.

— Ça me convient. Je ne voudrais pas te créer de problème Meg. Je t'assure que je peux conduire.

— Mais oui ! se raille-t-elle, enfin Chris. Ce serait un peu risqué. Tu sais que les flics adorent les personnes comme toi à cette heure-ci.

Il roule des yeux, d'un air suspicieux, puis vient hocher la tête. Satisfaite, elle se tourne vers moi, me dévisageant de toute sa hauteur. Une sorte de rivalité semble être signée avec cette fille sans que j'ai demandé quoi que ce soit.

Curieusement, cette décision met fin aux plaisanteries de Nick qui conserve un silence étrange. Le regard de Lenny s'assombrit et il semble ne pas l'approuver. La brune brille par son insolence, arrachant les clés de la Cougar des mains de Chris et les agitant sous les yeux de tout le monde. Sa toute puissance m'agace.

— Le problème est réglé ! Je vous dis bonne nuit les gars ! lance-t-elle, avec arrogance.

Les deux hommes nous saluent et prennent le chemin du retour, s'éloignant à l'opposé. Les mains dans les poches, Chris marche aux côtés d'une Megan débordante d'allégresse, suivi de mon amie et moi. La conversation se limite uniquement aux dires de cette garce qui se plaît à vanter ses prouesses en conduite. Elle saisit enfin le bras du blond, rapprochant son corps bien fait du sien. Et comme il accueille la chose avec bienveillance, lui accordant un sourire tendre, mon esprit se fissure.

Une douleur sourde survient près de ma gorge, à la hauteur de ma déception. Je savais que je ne devais rien attendre de ces deux journées passées avec lui et que ne présageait un rapprochement entre nous. Mais l'idée qu'il soit proche avec Megan, me plonge dans la mélancolie et me force à faire une croix définitive sur lui. Jouer Back street, non merci. Si, par le passé, je me suis faite duper, je ne désire pas renouveler cette expérience.

Assise aux côtés de June, je ne perds pas une miette de leurs échanges, surtout lorsqu'elle lui propose de surfer le week-end prochain. Mon amie qui s'est assoupi, laisse retomber sa tête sur mon épaule. Sa respiration contre la mienne me force à occulter ce qui se déroule à l'avant. Les quelques minutes qui me séparent de mon domicile sont une torture.

Arrêté devant mon appartement, Chris me laisse sortir de sa voiture en souriant.

— J'espère que tu as passé une bonne soirée.

— hum, ça va. Je te remercie, réponds-je, avec un léger sourire.

— N'hésite pas si tu veux surfer, ça me fera plaisir de t'accompagner !

— OK ! Bonne soirée ! lancé-je, froidement, en m'élançant vers mon appartement.

Sa main accroche mon bras, me retenant un instant. Obligée de lever un regard sur lui, je croise ses yeux verts amande, intrigués.

— Ça ne va pas ? Tu as l'air contrarié, murmure-t-il près de moi.

— Je vais très bien, je t'assure. Je voudrais juste aller me reposer, à présent.

— OK. Pas de souci, abdique-t-il.

Et sans accorder un seul regard à la brune désagréable qui se joue de cette scène, je m'éloigne promptement. Chassant de mon esprit toute possibilité de le revoir, je renonce à cette amitié. Fouillant dans mon sac d'une main nerveuse, je cherche mes clés tandis que le rugissement de la Cougar pèse encore dans mes oreilles.

Un poids inexprimable de fait sentir dans mon cœur. Une larme roule le long de ma joue et mon désarroi serre ma gorge autant que mon cœur.

Ouvrant la porte de mon appartement, je referme énergiquement derrière moi, comme s'il m'était possible d'être suivi. Restant adossée contre l'entrée, j'essaie de mettre de l'ordre parmi le flot d'émotions qui s'agitent en moi : colère et tristesse œuvrent de concert sans gagner réellement la partie.

C'est insensé. Je ne le connais que depuis deux mois et je ne peux pas aspirer à autant d'égard de sa part. Et puis, je ne sais presque rien de lui ! Comment puis-je m'assurer qu'il est celui qu'il prétend être ?

A présent, si la brune désagréable


Enveloppée d'une douce mélancolie, je prends une douche, mets un long tee-shirt et je m'introduis sous la couette. Mon chat vient bientôt me rejoindre, tricotant sur le dessus de lit. Avec les nombreuses questions qui embrument mon esprit, je vais sûrement m'endormir tard.

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