Semaine 11.2 - A la recherche du prince Phasaël

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Le lendemain, Okmet fut réveillée par le chant des oiseaux. Revêtant sa tunique de la veille -mystérieusement lavée avec soin- elle rejoignit la cuisine. Zlitchbrunn s'y affairait déjà. Il leva à peine la tête en l'entendant. Il clama une joyeuse salutation à laquelle la princesse marmonna une réponse. Elle était souvent de mauvais humeur le matin. Alors qu'elle s'asseyait, le sorcier se retourna et déposa des pancakes dans son assiette. Elle les dévora après un remerciement grognon. La chaleur sucrée fit fondre sa mauvaise humeur. Okmet ferma les yeux de contentement : c'était délicieux.

- Le prince Phasaël a été enlevé par le royaume voisin, princesse.

Elle fut brusquement sortie de sa transe. Sa bouchée fut dure à déglutir et elle toussa.

- Hein ?

- Votre frère. Le roi de Dazzle le séquestre.

Puis le sorcier avala un morceau de pancake comme si de rien n'était. Okmet cligna des yeux. Les royaumes de Dazzle et Njäd étaient rivaux depuis la nuit des temps. Depuis si longtemps, en réalité, que personne ne savait plus la raison de cette animosité.

- Le prince est sous son autorité depuis presque deux semaines, c'est tout ce que je sais. En revanche, je peux vous donner ceci, princesse, pour vous aider.

En parlant, Zlitchbrunn avait posé un carré de tissu sur la table. Okmet tendit la main pour le prendre et il se révéla être une longue cape. Son matériau était si fin qu'il lui sembla couler entre ses doigts. Elle leva la tête vers l'homme.

- Ceci est une cape d'invisibilité, princesse. Elle vous rendra indiscernable aux yeux des autres. Mais attention, ils pourront toutefois vous toucher. De plus, elle ne peut couvrir qu'une personne à la fois.

Okmet plia avec soin l'objet avant de le glisser dans une de ses sacoches. Elle s'inclina respectueusement devant le sorcier, le remercia une nouvelle fois pour son hébergement et son aide, grimpa en selle et encouragea sa monture à avancer. Quand elle se retourna, la maison brillait légèrement. Son image chatoya avant de disparaître et de laisser place au taudis de la veille.

Sachant où elle allait, le chemin fut court. La jeune femme arriva bientôt aux portes de la capitale de Dazzle. Les rues étaient animées, des enfants courant dans tous les sens, leurs parents les surveillant d'un œil tout en travaillant la laine, la viande ou toute autre ressource. Okmet s'approcha d'une auberge qui lui sembla bien tenue. Elle lança une pièce à l'écuyer, lui demandant de prendre soin de son cheval, puis s'enfonça plus profondément dans la ville. A un moment donné, la princesse déplia la cape et l'enroula autour d'elle. Quand elle baissa le regard, son corps avait disparu, ce qui était légèrement perturbant, mais elle dut reconnaître que ce fut d'une simplicité enfantine que de pénétrer dans le château de cette manière. Elle put même passer par les portes principales, se faufilant entre les visiteurs du roi.

Les cachots n’étaient guère cachés, si bien qu’elle les trouva rapidement. Un seul était occupé, si elle en croyait la lumière filtrant sous la porte. La princesse subtilisa le trousseau d'un garde endormi puis batailla avec les clés avant de trouver la bonne. Elle poussa un cri de victoire. Le soldat grogna. Elle fit volte face, craignant de l'avoir réveillé, mais il se retourna juste, reprenant son ronflement. Rassurée, Okmet tourna la clé dans l'épaisse serrure et le loquet se retira dans un « clang ! » retentissant. Elle poussa le battant.

La cellule était froide, un peu humide. Il y avait un pot de chambre, dans un coin, et un pichet vide un peu plus loin. Sur la couchette était endormi un jeune homme, un bras en travers des yeux. La princesse repoussa la porte en silence afin que le garde ne trouve rien d'étrange s'il se réveillait. Elle s'approcha et poussa doucement son frère.

- Eh, Phasaël !

Il sursauta et ses yeux s'ouvrirent brusquement.

- C'est Okmet, Phasaël.

Elle ôta sa capuche et sa tête apparut, flottant au-dessus d'un corps toujours invisible. Le prince frotta son visage, ne croyant visiblement pas ce qu'il distinguait.

- Mais... comment... ? Qu'est-ce que tu fais là, Okmet ?

Elle roula des yeux. Son frère, franchement !

- Ça me paraît évident : je suis venue te ramener à la maison. Papa et maman sont inquiets. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Des soldats sont arrivés alors que je me promenais, j'ai été assommé, et quand je me suis réveillé, j'étais ici. Je...

Le grincement de la porte l'interrompit. Okmet remit en place sa cape à toute vitesse. Ce ne fut pourtant pas un garde qui entra mais un jeune de leur âge. Il portait en équilibre un plateau sur lequel étaient posés un pichet propre et une assiette pleine. Il repoussa délicatement le battant dans un mouvement fluide montrant qu'il l'avait fait de nombreuses fois. Phasaël se détendit.

- Ah, Lisban, c'est toi.

Le nouvel arrivant eut un doux sourire. Il s'approcha de Phasaël, posa le plateau à côté de lui avant de caresser doucement sa joue. Le prince ferma les yeux de contentement puis les ouvrit, se rappelant soudainement de la présence de sa sœur. Il se racla la gorge.

- Hum, Okmet, c'est bon, tu peux te montrer.

La princesse ôta sa cape sous les yeux incrédules de l'autre. Ce dernier laissa glisser son regard vers l'épée pointée dans sa direction.

- Qui est-ce, Phasaël ?

L'inconnu se redressa, le dos droit, fier. Puis il fit une élégante révérence.

- Lisban, prince héritier du royaume de Dazzle, répondit-il durement. Et vous, qui êtes-vous ?

Phasaël posa une main sur l’épaule de son ami, le calmant instantanément.

- C'est ma sœur, Lisban, tu sais, je t'ai parlé d'elle.

- Oh.

Lisban fit la moue, circonspect. Il croisa les bras. En face, Okmet fronça le nez et baissa son arme sans pour autant la rengainer.

- Et que fait le précieux héritier dans un cachot où son petit papa a enfermé un ennemi ?

- J'ai besoin d'une raison ?

Phasaël soupira et se leva pour se mettre entre les deux.

- Vous vous comportez comme des enfants.

Okmet se retint de lui tirer la langue. Lisban roula les yeux mais ne répliqua pas.

- Bien, reprit Phasaël. Vous êtes grands, comportez-vous comme tels. Okmet, range ton épée.

- Mais...

- Okmet.

Elle grommela à propos de quelle tête de nœud son frère était mais obtempéra avant de s'adosser au mur humide. Lisban réprima un petit sourire de satisfaction.

- Mais donc ? Pourquoi est-il là ?

Son frère ouvrit la bouche pour répondre mais Lisban le prit de vitesse :

- Parce que je l'aime.

Il avança d'un pas et serra la main de Phasaël, comme pour défier Okmet de réagir. Cette dernière souffla lentement par le nez. Elle mordit sa lèvre afin de ne pas parler trop vite.

- Depuis combien de temps ?

- Oh, euh... un an... ou deux ? rectifia Lisban avec un regard hésitant vers son ami.

- Presque deux, acquiesça Phasaël.

Sa sœur le dévisagea, les coins de sa bouche retombant.

- Pourquoi tu ne me l'as jamais dit, Phasaël ?

Le jeune homme se frotta la nuque, gêné.

- J'avais peur que tu le prennes mal.

Okmet se sentit triste que son frère ait une si pauvre opinion d'elle. Elle déglutit un peu difficilement, avalant son émotion.

- Peu importe, il faut te faire sortir d'ici. Sauf si tu t'y plais... ?

- Non. Non, je veux sortir.

- Bien. Au moins, il reste un peu de sens dans ta tête de linotte. Bon, et toi, Joli Coeur, si tu aimes mon frère, pourquoi ne l'as-tu pas aidé à s'évader ? T'es le prince, non ?

Lisban plissa les yeux.

- Oui, mais il y a des gardes à tous les étages, et mon père ne laisserait jamais Phasaël quitter le château.

Okmet soupira et se tourna vers le prisonnier.

- Mais qu'as-tu bien fait pour le mettre autant en colère ?

- Oh, ça, répondit à sa place Lisban.

Il émit un rire nerveux et baissa le regard, soudainement embarrassé.

- Il se peut que ce soit de ma faute.

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