Toi même !

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Parfois, quand tombe le soir, j’ai soif. Mais il parait que je ne suis pas le seul dans ce cas. Je suis rentré dans le bar accompagné par Julien. Vous connaissez Julien ? Voilà un mec qui ne mourra jamais de soif. Où qu’il soit, il trouve moyen de se faire servir à boire. Et attention, pas de l’eau. Non, rien que du bon. Oui, je sais, je diverge. Mais tant pis, on a le temps. Hé bien ce soir là, il y avait déjà Marcel, Roger et Juliette. Vous voyez, rien que du beau linge ! Ils étaient déjà accoudés au comptoir en grande discussion avec le patron. Le patron, lui, il lorgnait du côté de Juliette. Son âme débordait par ses yeux tellement il était amoureux, le pauvre. Un vrai poète :

Ha, Juliette, déclamait-il, j’eusse tant voulu que nous chantassions tous deux hier soir. Mais vous disparûtes sans que je le susse !

Un poète, oui, je l’ai déjà dit. Mais là, il s’est fait comme un grand silence. Roger a plissé le nez devant tant de grossièreté. C’est que le patron croit que Juliette aime la littérature. Alors il s’est mis au subjonctif. Tout ça parce qu’un jour, elle est arrivée avec un livre. Elle m’a avoué bien plus tard que ce n’était pas le sien. En tout cas, depuis ce jour, Pierro – Pierro c’est le patron – il est persuadé qu’elle possède une bibliothèque chez elle. Au moins dix bouquins, qu’il clame derrière son comptoir ! Et il a même affirmé, les yeux dans les yeux, qu’elle les avait tous lus ! Comment c’est possible, d’abord ? Et puis qu’est-ce qu’il en sait ? Juliette, ce qu’elle aime, c’est les chats. Roger, les chats lui filent la toux. Il dit que c’est allergique, qu’on est de plus en plus nombreux à tousser. A cause des chats, je veux dire. Mais moi, je ne peux pas savoir. Je n’en ai jamais mangé. Toujours est-il que ce soir là, Pierro était en forme :

– Ma Juliette, j’eusse voulu que nous prissions tous les deux un pastaga bien frais, loin de ces langues de peille.

– Toi même, a roumégué Marcel. Et en plus elle est pas à toi, la Juliette.

Le patron s’est rapproché, menaçant. Amoureux bafoué, regard viril, on a bien cru que ça allait péter. Mais Marcel s’est reculé d’un bond. C’est pas que Pierro soit tellement costaud, non. Mais c’est qu’il adore manger de l’ail. Son haleine surchargée ferait fuir un bataillon de vampires. Marcel raconte que c’est pour ça qu’il n’y a jamais de bagarre dans le bar. Il dit aussi que ça attire les filles. Pas la bagarre, l’ail. Marcel est de bon conseil. C’est pour ça, pour ne pas rentrer seul à la maison, qu’avant d’aller à une fête, je croque une dent d’ail, toujours.

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