Mille ans plus tôt...

- Votre majesté ! s’écria le capitaine Sanderbolt en pénétrant dans la salle du trone. Ils arrivent ! Ils marchent tout droit sur Mysar.

Le roi Gildric Everlight leva un visage fatigué et pâle vers son capitaine qui semblait aussi mal en point que lui. Il posa les mains sur les accoudoirs de son trône, l’air grave.

- Où sont-ils exactement, Gérald ? Ont-ils traversé la forêt ?

Le soldat hocha la tête.

- Ils traversent les plaines, en ce moment. Nous n’avons pas pu les retenir. Il faut vous mettre à l’abri, votre majesté, ajouta-t-il d’un ton presque implorant.

Depuis le début, Gérald Sanderbolt avait insisté pour que le roi aille se réfugier dans les royaumes voisins, mais celui-ci s’entêtait à vouloir rester. Cela faisaient des jours qu’ils essayaient de retenir l’ennemi dans la forêt, cependant toute leur armée de mages avait été décimée et il ne restait qu’une poignée d’homme dans la ville. Une poignée d’homme pour accompagner le roi dans son exile.

Foutaises, pensa Gildric Everlight. Je ne laisserai jamais qui que ce soit envahir mon royaume.

Aussi, il se leva de son siège et planta son regard gris acier dans celui noir de son capitaine.

- Je n’abandonnerai jamais mon royaume, dit-il d’un ton dur. Même si le ciel devait me tomber sur la tête, je ne fuirai pas.

- Votre majesté, insista le capitaine en secouant sa tête brune. Il le faut...

- Non, pas si j’ai encore une carte dans ma manche. ( il descendit de l’estrade, ses longs cheveux se baladant dans son dos.) Préférez-vous fuir comme un lâche ou m’aider à exterminer ces vermines ?

Le capitaine n’hésita pas un seul instant. Il se mit un genoux à terre et abbatit le point sur son torse.

- Ma vie et mon épée sont vôtres, Majesté.

- Je n’en attendait pas moins de vous, Gérald. À présent relevez-vous, et rassemblez les Gardiens dans la salle du conseil.

- A vos ordres, Majesté.

Quand il fut partit, le roi passa une main dans sa barbe aussi rousse que sa chevelure. Le moment était arrivé. Il aurait préféré ne pas arriver à de telles extrémités, mais il n’avait plus le choix.

- Est-ce l’unique solution ? demanda une voix féminine.

Gildric se tourna vers la jeune femme qui se tenait devant la porte attenante à la salle du trône. Ses cheveux blancs se baladaient autour d’elle et ses yeux bleus sombres se détachaient dans son visage pâle.

- Je crains que nous n’ayons d’autre choix, ma chère amie. Il est temps.

- J’ignore si cela marchera, commença la jeune femme, les lèvres pincées, mais les conséquences seront terribles si vous échouez.

- Nous n’avons plus rien à perdre. Venez.

Le roi et sa Futurière s’engagèrent dans les obscures couloirs du château pour rejoindre la salle du conseil. Tous étaient présents et attendaient autour de la table au centre de la pièce. Il prit la place qui lui était réservée au bout puis regarda chacun des Gardiens. A sa droite, Rosemonde Fireway, Gardienne du feu et Ernold Adsonn, Gardien de l’air. A gauche, Conrad Barall, Gardien de la terre et Mesmin Richards, Gardien de l’eau. Chacun avait apporté le canaliseur de son élément, des pierres précieuses légendaires qui contenaient l’essence de leur magie. Comme le roi s’y attendait, ils ne semblaient pas ravis de sa décision, mais il n’en avait cure. Il en allait de la survie des Cinq Royaumes.

- Votre Majesté, dit Barall d’un ton lugubre, je persiste à croire que c’est une mauvaise idée. Nous ne sommes pas certains que cela marchera, de plus.

Gildric lui jeta un regard hostile. Barall était le plus réticent d’eux tous et il n’avait pas manqué de le faire remarquer. Malgré les soupçons que le roi avait sur son compte dans son implication dans cette guerre, il ne dit rien. S’ils réussissaient à s’en sortir, il aurait tout le temps nécessaire pour prendre les mesures qui s’imposaient. Il prit son mal en patience, attendant le dernier élément de son plan. Enfin, la porte s’ouvrit pour laisser entrer Eryna Bronquilh, la sorcière Gardienne de la magie originale.

- Votre Majesté, dit-elle en s’inclinant.

- Bien, dit le roi. Le moment est venu de joindre nos forces et notre magie pour notre royaume. Je comprends vos inquiétudes, mais n’est-ce pas le moment de déployer notre dernier atout quand l’ennemi est plus menaçant que jamais ? Bien sûr, nous prenons des risques, mais avons-nous le choix ? Je vous invite à laisser vos crainte de côté et à faire votre devoir pour Illyaque.

A présent, la tension dans la salle était plus que pesante. Le roi sonda le visage des Gardiens à la recherche d’une quelconque objection. Mais chacun affichait une mine impassible.

- Bien, commençons le rituel, dit Gildric Everlight.

Les Gardiens sortirent tous leur réceptacle et le posèrent sur la table. Il s’agissait de pierre précieuses en forme de losange pour le quatres éléments et un cercle pour la magie originaire. Il y avait plusieurs années de cela, le roi avait demandé aux Gardiens d’emmagasiner autant de magie que possible dans ces pierres. Il avait eu l’idée de créer un artéfact puissant qui pourrait les sortir des situations comme celle-ci. Il en avait fait part à Adélaïde Perkins, sa Futurière et sa conseillère Eryna Bronquilh. Ensemble, ils avaient modelé ce projet, même s’il comportait d’énormes risques. Comme il l’avait dit plusieurs fois déjà, ils n’avaient plus le choix.

Ils placèrent les réceptacles au centre de la table, puis, ils s’attrapèrent les mains.

- Dans le meilleur des cas, nous exploserons tous, prévint sombrement Eryna Bronquilh d’une voix blanche. Au pire, les Cinq Royaumes seront réduis en poussière.

Personne ne pipa mots, et ils se concentrèrent pour invoquer leur magie. Les auras de plusieurs couleur - Bleu, gris, orange, vert, marron - se mêlèrent les unes autres. Une lumière dorée les enveloppa et s’intensifia vivement, dégageant une chaleur intense qui les propulsa dans la salle du conseil. Elle dura plusieurs secondes et lorsqu’elle se dispersa, le roi et ses Gardiens se relevèrent stupéfaits. S’ils étaient intactes, ce n’était pas le cas de la pièce. Les murs étaient zébrés de long en large et le château tremblait. La lumière dorée se dégageait toujours de la table qui avait miraculeusement résister à l’impact. Gildric s’en approcha, le souffle coupé. Les réceptacles avaient fusionné et dégageaient une telle énergie magique que des éclairs dorés les parcouraient.

- Nous avons réussit, murmura-t-il d’une voix rauque. La source de notre magie. Notre Ether.

Il se tourna vers les Gardiens, l’air déterminé.

- Nous allons sauver les Cinq Royaumes.