Chapitre 12

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Les jours sont passés, puis les semaines. Nina et moi avons continué à discuter de tout et de rien. On se remontait le moral l’un l’autre. Nina a toujours dans l’espoir de m’aider à accepter mon état pour que je puisse quitter ce corps de statue et secrètement, je souhaite qu’elle puisse faire pareil. Nous avons également établi une sorte d’habitude afin de savoir quels sujets de conversation nous pouvions aborder. Avant de commencer une discussion on doit situer notre moral sur une échelle de 1à 5. Plus on se rapproche de 5 et plus cela signifie que nous nous sentons bien et que nous sommes donc enclins à parler de nos souvenirs et de notre vie passée.

Aujourd’hui, le temps est magnifique. Mon moral se situe à 3 et celui de Nina, à 4. Il est plus haut que le mien ce qui arrive fréquemment. Nous sommes maintenant en plein été, il n’y a aucun doute possible là-dessus. Depuis très tôt ce matin, le soleil et les températures estivales font en sorte d’attirer des hordes de promeneurs et de touristes venus profiter de la fraicheur du lac. Ce genre de journée remonte un petit peu nos morals respectifs. Un jour, il y a quelques semaines, Nina m’a confirmé ce que j’avais déjà compris : nous pouvions communiquer entre nous mais pas avec les humains. Néanmoins, voir du monde nous permet de remplir nos journées et, soyons honnêtes, de parler d’autres choses que de nous-mêmes. Nous observons les gens, commentons leur façon de s’habiller ainsi que leur conversation et tout ça sans que personne ne puisse nous entendre. En réalité, nous ne faisons qu’agir comme deux vieilles commères mais ça fait du bien.

La journée se déroule sans encombre. Aucun chien ni enfant n’a eu la bonne idée de venir nous uriner ou nous grimper dessus. Lorsque l’après-midi touche à sa fin, les familles commencent à rentrer peu à peu chez elles rendant l’atmosphère plus tranquille. Ne restent autour du lac que quelques couples ou groupes d’amis venus profiter des rayons du soleil prêt à aller se coucher.

 -  J’aime ce genre de journée, je dis à Nina un sourire au coin des lèvres.

 -  Oui, moi aussi, me répond-elle. Voir tout ce monde, ça fait du bien.

Alors que nous sommes en train de discuter, des voix et rires d’hommes se font entendre dans mon dos.

 -  Ils sont combien ? je demande à Nina qui est positionnée de façon à pouvoir voir derrière moi. Je parie sur quatre.

 -  Raté ! Ils sont trois. Et à mon avis ils sont prêts pour prendre l’apéro ici au vu du bac de bières qu’ils trimballent avec eux.

Les voix se rapprochent. Au fur et à mesure que les hommes avancent dans notre direction, mon cœur se met à battre plus vite. Je reconnais ces voix.

 -  Allez magnez-vous les gars !

Jordan. A l’entendre, mon cœur se serre. Mon meilleur ami est ici ! Soudain, il rentre sur la droite de mon champ de vision, un bac de bière à la main suivit quelques secondes plus tard de Luc et Adrien.

Je dois faire une tête bizarre car Nina me demande :

 -  Ca va pas ?

 -  C’est … ce sont mes potes…

 -  Oh merde !

Les quatre hommes passent à côté de nous deux et continuent sur une dizaine de mètres avant de s’installer sur le bord du lac. Nina leur tourne le dos et ne peut pas les voir mais moi, j’ai une vue parfaite sur eux.

 -  Tu… tu veux parler de quelque chose pour ne pas avoir à les entendre parler ?

 -  Non. S’il-te-plait, je voudrais écouter leur conversation.

 -  Comme tu veux.

Je suis complètement sous le choc. Je ne m’attendais absolument pas à voir tous mes amis ici et je ne sais pas si cela me rend heureux ou triste. Sûrement un mélange des deux. Jordan, Luc et Adrien décapsulent leur bière tout en plaisantant entre eux. Putain qu’est ce que ce genre de soirée me manque !

 -  Depuis combien de temps on n’a pas fait ça ? demande Adrien.

 -  Depuis trop longtemps, lui répond Luc. Et puis, on n’est venu qu’une seule fois ici ensemble. C’était quand… quand…

 -  Quand Mike était encore là, termine Jordan avant de prendre une gorgée de bière. Personnellement, je ne me sentais pas légitime de faire une soirée sans lui.

 -  Moi non plus, rétorque Adrien.

A les entendre parler de moi, mon émotion augmente un peu plus. De son côté, Nina me fixe intensément, essayant de déceler le moindre de mes sentiments. Pendant quelques minutes encore, mes 3 amis se remémorent tous les bons moments que nous avons pu passer ensemble. Ils ont l'air heureux à l’évocation de tous ces souvenirs. Je me rends alors compte que je ne suis pas triste non plus mais seulement un tantinet nostalgique. Je souris également.

 -  Imaginez un peu toutes les conneries qu’on aurait pu continuer à faire ensemble s’il avait été encore là, dit Luc.

 - T’inquiète, des conneries on en fera encore et Mike sera avec nous pour les vivre, lui répond Adrien.

Je souris. Les voir ici aujourd’hui, à parler de moi ainsi me réchauffe le cœur. C’est comme un échantillon de ma vie passée. Mais contrairement à ce que j’aurai pu croire, cet échantillon m’apaise, il fait disparaitre le poids et l’immense sentiment de tristesse que je n’ai cessé de ressentir depuis mon arrivée sur les bords de ce lac. Je me sens bien et même s’ils n’en sont pas conscients, je participe à leur conversation et me remémore avec eux ces si bons souvenirs.

Le temps passe. Luc, Jordan et Adrien continuent de discuter et de refaire le monde, vidant petit à petit leur bac de bières. Ils ne sont pas saouls, juste gais. Soudain, Nina me sort de l’état hypnotique dans lequel je me trouve.

 -  Mike ? Ca va ? Tu n’as rien dit depuis qu’ils sont arrivés, me dit-elle.

 -  Oui ça va très bien ne t’inquiète pas.

A peine ai-je fini ma phrase que Jordan lance d’une voix forte :

 -  Je propose que nous rendions hommage à Mike une bonne fois pour toute. Il le mérite, dit-il en levant sa bouteille de bière en direction du ciel.

 -  A Mike ! poursuit Luc en adoptant le même geste que Jordan

 -  A Mike ! répètent Adrien et Jordan.

 -  Tu as intérêt à être en train de trinquer avec nous mec ! ajoute Adrien les yeux levés au ciel.

Ma gorge se serre. Leur venue ici me fait prendre conscience qu’en 28 années, j’ai accompli beaucoup plus de choses que je ne pensais. J’ai fait des choses incroyables et en ai profité, j’ai des amis et une famille extraordinaire sur qui j’ai toujours pu compter. Dans ma tête à ce moment-là, plus aucun des moments difficiles que j’ai dû affronter n’existe. Ils ne comptent plus. Toujours empreint d’un immense sentiment de béatitude, je me rends compte que j’ai enfin compris. C’est l’amour que j’ai reçu et donné aux autres au cours de mon existence qui importe, pas le reste.

Les battements de mon coeur deviennent beaucoup plus lents et tandis que mes amis continuent de rire et de discuter, je regarde Nina. Elle sourit et je fais de même. Puis, je ferme les yeux et lui dit :

- C’est bon Nina, je suis prêt à partir.

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