Chapitre 5

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Une seconde passe, puis deux. Je continue de fixer la statue en face de moi. C’est une très belle sculpture de marbre représentant une femme de la Grèce antique. L’artiste qui l’a créée avait sûrement voulu représenter une muse ou bien une simple paysanne de cette époque. Je ne m'y connais pas beaucoup en histoire de l’art mais cette pièce est vraiment superbe et aurait très bien pu être exposée dans un musée d’art ancien.

Les secondes continuent de s’écouler et je reste là, sans rien faire alors que l’on m’a apporté sur un plateau d’argent cette nouvelle "distraction". Aucun son n'arrive à sortir de ma bouche et ce n’est pas une question de physique cette fois. C’est mon cerveau qui refuse de produire le moindre son. Ca fait si longtemps que je n’ai pas parlé à quelqu’un que j’ai l’impression de ne plus savoir comment faire. Qu’es-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Et si ça ne fonctionne pas ? Si elle n’était qu’une simple sculpture tout ce qu'il y a de plus banal, sans personne piégé à l’intérieur ?

Je m’empêche de penser à cela et commence à essayer de former une phrase correcte pour lui adresser la parole. Je me sens comme un lycéen à quelques minutes de son premier rendez-vous amoureux. Soudain, alors que je suis toujours en train de réfléchir à la meilleure façon d’engager la conversation, les lèvres de la statue s’entrouvrent, elle cligne des yeux et les traits de son visage se mettent à bouger.

Les yeux de la sculpture se posent sur moi et sans préambule cette-dernière me demande d'une voix féminine au timbre plutôt grave :

 -  T’es là depuis longtemps ?

A entendre ces quelques mots, je me sens instantanément à la fois soulagé, interloqué et perdu. Il y a donc bien quelqu’un prisonnier de cette statue et ce quelqu'un est une femme. Qui sait si malgré l'apparence féminine de la statue, un homme aurait pu être coincé à l'intérieur également. Je suis soulagé qu’elle m’ait adressé la parole la première mais je ne sais pas comment je suis censé faire pour lui répondre. A chacune de mes précédentes tentatives pour parler ou faire sortir un son de ma bouche, mes lèvres avaient refusé de bouger et mes cordes vocales n’avaient pas daigné produire le moindre son non plus.

Plusieurs secondes s’écoulent entre le moment où elle m'adresse la parole et celui où je me décide enfin à lui répondre. Je respire un bon coup, me concentre et à mon grand étonnement, sans devoir faire beaucoup d’efforts, j’arrive à faire sortir un petit « euh… » de ma bouche. En entendant ça, j’ai envie de me mettre à pleurer. J’y arrive ! J'arrive à parler ! Rapidement, je tente de me remettre de mes émotions et de formuler une réponse un peu plus claire à l'intention de mon interlocutrice.

 -  Je… Je ne suis pas sûr. Quelques semaines, peut-être trois mois tout au plus.

Ma voix tremble un petit peu. Si quelqu’un m’avait affirmé dans mon ancienne vie que prononcer une simple phrase pouvait procurer un tel sentiment de jouissance, je me serais bien moqué de cette personne. Mais aujourd’hui, la joie que je ressens est incommensurable et intérieurement, je ne peux m’empêcher de sourire. La réponse de la sculpture ne tarde pas.

 -  Et tu as toujours été tout seul ? Ca ne devait pas être la grande joie, tu as dû bien paniquer quand tu t’es rendu compte de ce qui t’arrivait.

Je ne sais pas trop quoi lui répondre. Bien sûr que j’ai paniqué en me réveillant ici. Qui aurait pu rester calme en pareilles circonstances ?

Cette personne semble relativement à l’aise, comme si la situation que nous étions en train de vivre était parfaitement normale. Néanmoins, je suis encore tellement sous le choc de savoir que je peux parler que cette observation ne me préoccupe pas réellement. Je me sens soulagé et espère qu'au delà du fait de m'apporter un peu de distraction et de compagnie, cette femme (si on peut toujours la considérer comme telle) va pouvoir éclaircir mes interrogations.

Après avoir repris quelques peu mes esprits, je me rend compte que cette nouvelle connaissance attend une réponse de ma part. Soudain, et sans que je ne m'en rende réellement compte moi-même, je me mets à déverser tout le lot de questions qui m'obsédait depuis plusieurs semaines.

 -  Comment se fait-il que nous pouvons parler ? Est-ce que vous savez comment faire pour nous libérer ? Est-ce que toutes les statues ont un être humain coincé à l’intérieur d’elles ? Est-ce qu’on peut bouger d’autres …

 -  Ola, ola du calme ! me coupe-t-elle la parole, un brin de moquerie dans la voix. Ne t’inquiète pas, tu finiras par être au courant.

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