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Après avoir garé leurs hoverides, Liram traversa le quartier sud, suivi d'Acher qui se comportait tel un touriste de la misère. Il s'offusquait de détails - une poubelle renversée, un mendiant dans une ruelle -, ou s'amusait d'autres. Il s'inquiéta plus d'une fois pour son précieux véhicule et ne cessa de palabrer qu'en apercevant la devanture du club.

 — J'ai lu des articles sur cet endroit. Il paraît qu'ils ont encore un vestiaire pour femmes. T'imagines l'antiquité ?

Liram le fixa abasourdi, puis roula des yeux en le conduisant à l'intérieur. Ils furent interpellés par le maître des lieux, un homme d'une quarantaine d'années :

 — Que puis-je pour vous, messieurs ?

 — Noam m'a donné rendez-vous ici.

 — Quatre crédits l'usage des casiers. Trois, le prêt du matériel et cinq de plus si vous voulez un cours.

Liram extirpa son téléphone, pianota dessus, puis tendit son poignet gauche à son interlocuteur. Ce dernier lui désigna une borne. Une vraie antiquité, ce qu'Acher ne manqua pas de préciser. Liram scanna le code-barres tatoué et s'éloigna, sous les regards curieux.

 — Elle est en train de se changer ! dit l'entraîneur qui suivit du regard les deux hommes puis revint à un de ses élèves. Mo' ! Qui t'a permis de reprendre ton souffle ?!

Acher eut un sursaut de fébrilité devant la porte du vestiaire dédié au personnel féminin. Ils pénètrent dans le leur, les consignes s'alignaient sur un carrelage fissuré, mais propre, jusqu'aux douches communes occupant tout le fond de la pièce. Ils s'installèrent, côte à côte et enfilèrent leur tenue de sport aux couleurs des jeunesses de la Ligue. Acher se pavana un moment, toisant Liram de son mètre quatre-vingt-dix. Il fit quelques feintes puis palpa son torse, rieur.

 — Tu penses que je devrais enlever le t-shirt ?

Il passa ses doigts sur sa peau d'ébène, suivit les lignes de ses biceps avec un petit sourire.

 — Je te rappelle qu'il n'y a pas de filles ici.

Acher exagéra une grimace et s'engagea vers la sortie. Liram s'étudia, moins costaud, plus petit et d'un épiderme moins foncé, il n'était pas en valeur au côté de son camarade.

En entrant dans la salle, il aperçut Noam sauter à la corde. Il s’immobilisa pour l'observer : les mains bandées, était vêtue d'une brassière et d'un short fuchsia sur un corps finement musclé et à la carnation couleur bronze ; la plus claire de toutes les personnes présentes. Ses iris charbon arpentèrent ses muscles, saillant à chacun de ses mouvements. Il en oublia le vacarme ambiant. Acher tapota sur son épaule :

 — C'est elle ? Pas mal, mais elle manque de poitrine, puis c'est quoi cette coupe ?

Noam avait les cheveux tressés en fines nattes sur les côtés de son crâne, le reste de sa chevelure brune formait de larges tresses qui tombaient au milieu de son dos. Elle interrompit son échauffement et s'approcha du duo. Liram n'avait pas répondu à son ami, il contempla, charmé, la boxeuse au port altier et à l'allure austère.

 — T'avais raison, elle est bizarre. On ne dirait pas une U4, commenta Acher, à voix basse, ce qui lui valut un coup de coude.

 — Vous êtes en retard, déclara-t-elle. On peut aller cogner dans les sacs ou vous pouvez tourner sur le ring en tant que sparring-partner. Personnellement, je n'en aurais l'accès que dans une heure.

 — Débrouillez-vous. Moi, je vais aller montrer à ces merdeux ce qu'est un vrai homme, plaisanta Acher, se dirigeant en direction du ring.

 — Navré, il est un peu exubérant, dit Liram. Je suis partant pour la frappe.

Noam ouvrit la marche jusqu'à l'angle ouest. Elle se positionna derrière la poire et incita Liam à débuter. Il enchaîna les coups sans y aller trop fort. Elle se vexa de son attitude modérée et le provoqua afin qu'il donne son plein potentiel. Ils alternèrent durant une heure. Liram fut étonné de sentir la puissance des impacts de son binôme. Pendant ce temps, Acher put goûter au mauvais cuir des gants de son opposant. Il avait enchaîné les passes et joué le jeu assez convenablement pour avoir droit à un combat réel.

 — Pause ! s'exclama Noam. On va aller voir votre ami. 

Elle lui lança une petite bouteille d'eau et s'avança. Elle était en sueur, mais semblait parfaitement s'en accommoder. Liram l'admira marcher ; inaccessible et troublante dans cet environnement masculin.

 — Liram ! hurla Archer. Viens par là, tu vas me servir de soigneur.

L'étudiant en médecine sourit et s'installa. Un seau d'eau, une éponge, de la glace, il n'y avait pas grand-chose pour soulager les contusions.

Le match commença tranquillement. Les adversaires se jaugeaient puis l'attaque vint d'Acher qui tenta d'alterner les feintes et les crochets. Son attitude ne déstabilisa pas l'homme plus expérimenté. En quatre rounds, l'affrontement se solda sur une victoire par KO pour le boxeur local. Acher menaça Liram des pires représailles s'il venait à raconter ses déboires, mais malgré son apparente mauvaise humeur, il était satisfait de son après-midi. 

L'entraînement des hommes terminé, Noam put prendre place sur le ring. Tous les regards n'étaient pas bienveillants. Cela faisait deux ans qu'elle venait s'entraîner régulièrement, mais elle restait une anomalie. Toutefois, le propriétaire l'avait accepté et encouragé, sans pouvoir pousser ses élèves à combattre le jeune femme.

Elle invita Liram à la rejoindre. Elle avait choisi de ne pas mettre de gants. Il grimpa avec un sourire crispé. Il avait perdu son enthousiasme après avoir pu évaluer la puissance de la jeune brune. Le début de l'échange fut plutôt cordial, un mélange d'esquives et de feintes, peu de coups portés. Acher encourageait son acolyte tandis que les autres spectateurs restaient silencieux. Un flot de murmures approbateurs se fit entendre quand le match gagna en agressivité. Liram encaissa les coups, les rendit, s'efforçant d'oublier qu'il combattait un membre de la gent féminine. Plus, il cognait fort, plus il voyait le sourire de Noam s'élargir. Le troisième round touchait à sa fin quand un groupe fit une entrée fracassante : 

 — Bureau des contrôles ! On recherche une femme ! hurla un officier.

Liram reconnut la voix, tourna la tête du côté de l'entrée. Noam en profita pour lui envoyer un uppercut, il s'écroula, sonné. Elle posa un genou à terre pour l'aider à se relever après le décompte marquant sa victoire. Du coin de l'œil, elle aperçut un officier qui avançait vers le ring.

 — Noam Grisfald. Votre père ne m'avait pas dit que vous étiez une pugiliste, se railla-t-il. Liram, notre père ne serait pas fier de vous, l'a-t-il déjà été, cela dit ?

La concernée se redressa, tenant par le bras son partenaire. Liram secoua la tête, clignant des yeux pour reprendre ses esprits. La douleur de sa lèvre tuméfiée vrillait ses tempes.

 — Ca... Capitaine ? bafouilla-t-il. Que faites-vous ici ?

Le militaire fit un signe aux trois miliciens. Aussitôt, ils procèdent aux vérifications d'identité.

 — Une bagarre s'est produite hier. Une petite furie, m'a-t-on dit. Je ne me serais pas attendu à retrouver la fille du Maréchal.

Liram encaissa la nouvelle et se tourna face à Noam qui serait sa mâchoire afin de dissimuler sa colère.

 — Comment me connaissez-vous ? cracha-t-elle.

 — Votre père ne vous a rien dit ? Bien sûr que non, il n'en a pas eu le temps, vous avez fui, annonça-t-il avec outrecuidance. Je suis le capitaine Arad Blaker, votre promis. Veuillez descendre.

Son faciès arrogant eut raison de la retenue de la jeune femme.

 — Montez donc. Si vous êtes mon promis, montrez-moi ce que vous valez.

Arad éclata de rire. Il défit sa veste, puis sa chemise pour se présenter torse nu sur le ring. Il jaugea ses formes sans gêne et sourit d'un air suffisant.

 — Convenable. Une poitrine trop plate, mais rien que la chirurgie ne saurait améliorer.

Acher ricana, même s'il blêmit en croisant le regard furieux de son camarade. Liram voulut intervenir, mais Noam posa sa main à plat sur son torse.

 — Quittez le ring. 

 — Fais place aux hommes, gamin, se moqua Arad tout en s'échauffant.

 — Combat libre ? questionna Noam.

 — Ça durera encore moins longtemps. Vendu !

 — Que vous en soyez tous les témoins, cria-t-elle à la cantonade.

Dès le coup d'envoi, elle fondit sur le capitaine et enchaîna des coups ciblant les parties de son torse les plus vulnérables. Arad, bien que surpris, encaissa honorablement les attaques et riposta rapidement sans retenir sa puissance.

 — Je vois que mon père a consenti à vous laisser vous exercer avec mes frères, nota Noam alors qu'elle esquivait un enchaînement.

Arad commença à s'emporter. Lui, qui se targuait d'être l'un des meilleurs pugilistes du Bureau de la Défense, ne pouvait pas accepter de se faire avoir par une femelle. Cependant, ses mouvements et la précision de ses techniques lui étaient inconnues. Il ne vit pas le piège dans ce qu'il avait pensé être une ouverture et il permit à la brune de le contourner. Il sentit le bras contre sa gorge l'enserrer avec une force dont il ne l'aurait pas cru capable.

 — Deux ans et vous croyez toujours être mon promis. J'en conclus que vous devez désespérément vouloir être de la famille, lui susurra-t-elle, en l'étranglant. Jamais, il ne vous considérera comme un de ses fils.

Liram vit son aîné perdre connaissance, sidéré.

 — Je vis la plus incroyable journée de ma vie ! On va de surprises en rebondissements, taquina Acher. D'ailleurs, elle a sacrément amorti ses coups avec toi. La fille du Maréchal, la promise de ton frère. Tu n'aurais pas pu être plus dans la merde.

 — Merci, grogna Liram. 

Noam, qui avait accompagné la chute du capitaine, se releva avec lenteur.

 — Évacuez-le ! ordonna-t-elle en descendant du ring.

Les miliciens se dévisagèrent puis se précipitèrent pour récupérer leur officier. Ils disparurent suivis des rires des boxeurs. Noam garda un œil sur leur départ puis tourna les talons vers les vestiaires.

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