Chapitre VIII : La Fournaise

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D’un mouvement leste, Firo esquiva l’énorme griffe qui s’abattait sur lui. Il trébucha, mais fournit d’impressionnants efforts pour retrouver son équilibre. Son adversaire ne le laisserait pas souffler une seule seconde. Le dragon renouvela ses attaques, mais il ne parvint pas à toucher le jeune humain qui évitait chacun de ses coups ou s’en défendait à l’aide de son épée. La bête tenta ensuite de l’attraper entre ses crocs, mais son mouvement de tête ne fit que fendre l’air, alors que Firo roulait sur le côté. Celui-ci se releva d’un bond et frappa sèchement sur les écailles de Pyros. Mais la créature ne sentit rien, et elle se redressa pour l’assaillir de nouveaux coups de serres. Le garçon para les puissantes attaques du mieux qu’il put, jusqu’à se retrouver acculé contre un gros rocher. Et, tandis qu’il recherchait une échappatoire, le dragon savourait déjà sa victoire. Le monstre inspira longuement, gonfla ses poumons et, dans un rugissement dévastateur, lâcha sur Firo un déluge de flammes.

Ce qu’avait oublié Pyros, c’était que le dragonnier était immunisé aux dégâts du feu. Il se camoufla dans le cœur du brasier que son opposant avait lui-même créé, et il profita de cette distraction pour le contourner. Dans le dos du reptile, il aperçut une minuscule embouchure et se précipita dans sa direction. Mais à peine fut-il sorti du couvert des flammes qu’un craquement alarmant retentit. Par instinct, il se baissa sur ses genoux et se protégea le crâne de ses mains. Une boule de feu vint s’écraser sur le plafond de stalactites juste au-dessus de lui, décrochant l’un des énormes pics de pierre. Firo eut seulement le temps de relever la tête pour apercevoir la masse rocheuse qui lui tombait dessus. Il était trop tard pour réagir ; il allait finir broyé par le spéléothème.

Mais soudain, alors qu’il se voyait déjà mort ou agonisant, le rocher assassin se désintégra sous ses yeux. D’un formidable coup de queue, Pyros avait repoussé et fait exploser la stalactite avant qu’elle n’atteigne sa cible. Les deux adversaires se regardèrent, l’air confus et incertain de ce qu’il venait de se produire. La lueur des flammes déclina doucement et, alors qu’un silence pesant s’était installé dès la fin des hostilités, Firo le brisa en soufflant à son dragon :

« Tu aurais pu me tuer…

— Je suis désolé, répondit-il sans dissimuler son choc dans sa voix mentale. Je crois que… je me suis pris un peu trop au jeu.

— C’est le moins qu’on puisse dire ! râla le jeune homme en se redressant sur ses jambes.

— J’ai eu un mauvais réflexe. Mais toi, pourquoi as-tu essayé de t’enfuir ? Ce n’était pas le but de notre entrainement d’aujourd’hui !

— Parce que me faire tomber un rocher dessus pour m’écrabouiller, ça faisait partie de l’exercice ?! commença-t-il à s’énerver.

— Un véritable ennemi aurait fait la même chose, Firo ! gronda Pyros. En plus, si ce que tu m’as dit sur les Darklidians est vrai et qu’ils ont des dragonniers dans leurs rangs, alors des attaques venant par le haut, tu auras l’occasion d’en subir d’autres si tu viens à les affronter directement ! Et je ne peux pas t’apprendre à t’en prémunir si tu t’enfuies à chaque fois que tu te trouves en difficultés pendant nos entrainements !

— Eh bien je t’écoute, maintenant ! Alors apprends-moi, au lieu de me disputer ! »

Les deux partenaires se toisèrent sans un mot quelques instants de plus, avant que Firo n’éclate de rire. Pyros ne tarda pas à l’imiter en pensées, tout en faisant de faux signes réprobateurs de la tête. Leur hilarité chassa rapidement le moindre signe de tension ou de conflictualité qui avait pu naître après leur combat, et tous deux s’assirent l’un en face de l’autre, comme maître et élève, en reprenant leur sérieux.

« Pour poursuivre la leçon, reprit le dragon, il faudra te souvenir d’une chose très importante : nous sommes une équipe, un duo. Pendant une bataille, nous combattons ensemble, en adéquation ou en complément. C’est comme ça que nous sommes plus forts, bien plus qu’en restant seuls. Et puisque je sais voler, cela veut dire que tu n’es pas obligé de rester au sol. Les combats entre dragonniers se déroulent souvent dans les airs…

— Tu veux dire que… qu’il va falloir que je monte sur ton dos ? »

Les yeux de Firo brillèrent à cette idée. Il ignorait pourquoi, mais il avait une envie irrépressible de se retrouver dans le ciel, chevauchant Pyros et observant depuis ce havre de hauteur l’immensité des paysages qui défileraient alors sous ses pieds.

Peut-être était-ce à cause de son séjour sous terre qui, même s’il lui restait encore plusieurs dizaines de jours à passer dans ces cavernes avant la fin de la Fournaise, avait d’ores et déjà un goût âpre de perpétuité. Il souhaitait ardemment revoir le ciel, les plantes, les animaux, les maisons, la lueur d’Orlaïli et sa chaleur sur sa peau. Tout cela lui manquait, et il s’imagina tout à coup ce que devait ressentir son dragon après avoir passé plusieurs siècles dans la roche et l’obscurité. D’ailleurs, son envie de vol provenait peut-être de ce dernier, finalement. Il était probable que Firo éprouve ce désir par procuration, via le lien qui l’unissait à son familier ailé.

Comme s’il était conscient des envies brûlantes de Firo, Pyros lui répondit avec un clin d’œil :

« Nous ne pourrons malheureusement pas voler ensemble tant que nous serons coincés dans ces cavernes. En revanche, nous pouvons dès à présent exercer notre cohésion et notre synchronisation, ce dont nous aurons particulièrement besoin une fois en vol. Alors vas-y, je t’en prie, tu peux grimper sur mon dos. »

Il n’eut pas besoin de répéter sa proposition. Firo s’était déjà remis sur ses jambes et approchait de la nuque du dragon. Il chercha pendant quelques secondes d’éventuelles écailles auxquelles s’accrocher afin de se hisser entre les omoplates de la bête, mais à l’exception de son dos hérissé d’épines, sa peau demeurait trop lisse. Il parvint finalement à attraper la base de l’une des ailes et, à la force de ses bras, se tira jusqu’à se retrouver sur le ventre, entre les rangées de pointes. Il usa une dernière fois de contorsions et de gesticulations pour se positionner correctement sur Pyros, assis à la base de son cou.

Le dragon se redressa et se tint aussi droit qu’il put entre les parois de la grotte. Il jeta un coup d’œil en arrière et, alors qu’il se mettait à parler via son lien émotionnel, son apprenti dragonnier avait décelé une lueur de malice dans son regard :

« Tu es bien accroché ? »

Par réflexe, Firo s’agrippa de toutes ses forces aux premières épines qui lui tombèrent sous les mains. Ce geste le sauva d’une honteuse chute. Il n’avait même pas eu le temps de répondre que Pyros se mit à remuer, à se dandiner et à avancer par petits bonds dans la caverne. Chacun des pas du reptile, transpirants d’une fougue étouffée, menaçait de désarçonner son monteur. Et cela l’amusait beaucoup. Il s’ébroua, sautilla, et fit plusieurs fois le tour de la cavité, tandis que Firo luttait pour rester sur son dos. Mais lui aussi était hilare, et heureux.

Puis, après plusieurs minutes de cette danse grotesque, Pyros se stoppa et s’affaissa pour laisser son cavalier descendre sans encombre.

« Bon, le premier test est passé, plaisanta le dragon, tu arrives à tenir sur mon dos malgré les saccades. Tu es donc autorisé à voler avec moi, dès que nous en aurons l’occasion !

— J’ai hâte ! lui sourit le jeune homme avant de changer de sujet. Ça m’a ouvert l’appétit tout ça. Et si on allait manger ?

— Attends, nous n’avons pas fini l’entrainement, j’ai encore quelque chose à te montrer. »

La créature ailée se retourna et sembla chercher quelque chose. Mais, caché derrière ses grandes ailes, Firo ne put voir ce dont il s’agissait. Puis, lorsque Pyros lui fit à nouveau face, il déposa un énorme morceau de stalactite qu’il avait pris dans sa gueule juste devant son dragonnier.

« Qu’est-ce que tu veux que je fasse de ça ? s’étonna ce dernier.

— Cela fait bientôt vingt jours que nous nous entrainons ensemble, et je pense que tu maitrises très bien les rudiments du combat à l’épée. Cependant, je ne te vois que très peu utiliser ta magie pendant nos exercices. Et cela pourrait devenir un point faible très handicapant en situation de danger réel. J’aimerais donc voir ce que tu es capable de faire. Je veux que tu casses en deux cette stalactite, en un seul coup.

— Mais je n’ai pas la force d’un dragon, moi !

— Certes, mais souviens-toi, nous partageons en quelque sorte notre puissance. Je te dis que c’est dans le champ de tes capacités, il faut juste que tu t’y prennes de la bonne manière. »

L’idée de relever ce défi stimula la fibre orgueilleuse de Firo. Il saisit son épée et commença à réfléchir. De toute évidence, frapper aussi fort qu’il le pouvait avec son arme ne servirait qu’à lui faire mal aux membres. Et si Pyros avait évoqué ses pouvoirs magiques, c’était certainement parce qu’il voulait les voir à l’œuvre. Il se concentra alors, puisa dans sa force mentale et essaya d’invoquer le feu le plus chaud et le plus dévorant qu’il avait jamais généré. Il en enveloppa son épée et, lorsque la lame s’était transformée en un trait de flammes pures, il la brandit au-dessus de sa tête et l’abattit sur le rocher. Et ce qu’il avait craint se produisit.

Son coup ne détacha que quelques grains de la pierre, et l’arme rebondit sur elle en manquant de fendre le visage de son manieur. Les mains de Firo vibrèrent si violemment qu’il en tomba à la renverse, et une douleur brève mais vive transperça ses poignets et ses avant-bras.

Du bout de sa queue, Pyros aida son dragonnier à se relever et à s’épousseter. Son expression n’était pas moqueuse, bien au contraire : le drôle de sourire qui était dessiné par ses crocs apparents était compatissant et empli de patience.

« Tu t’y prends mal, Firo. Il ne suffit pas de recouvrir de flammes ton épée pour qu’elle en soit plus efficace, en tout cas pas à ce point. Tu dois insuffler ta magie à l’intérieur-même de ton arme. Elle doit en être parcourue au point que tu puisses la ressentir et la visualiser sans l’aide de tes yeux, comme tu le ferais pour ton feu.

— Mais je n’ai jamais fait ça, déplora-t-il. Je ne sais pas comment m’y prendre.

— Ne t’en fais pas, c’est une capacité commune à tous les dragonniers. Il faut juste que tu prennes conscience de ton pouvoir, de sa présence en toi mais aussi en-dehors de ton corps, du fait qu’il s’agisse d’une extension de ton être que tu peux manipuler, comme tu contrôles tes bras et tes jambes. Et si tu décides de placer ce pouvoir dans un objet, alors il deviendra à son tour une extension, et il acquerra toute la puissance que tu pourras y convoquer.

— D’accord, je vais essayer. »

Firo ferma les yeux et se concentra à nouveau. Cette fois, suivant ce qu’il avait compris des conseils nébuleux de Pyros, il resta un moment calme et attentif à son environnement. Il essayait d’y déceler mentalement la moindre brise, la moindre chaleur, la moindre présence qu’il saurait reconnaître comme sienne. Dans un premier temps, il parcourut aisément le lien émotionnel qui l’unissait à son dragon, et le corps de l’animal lui apparut aussi nettement que si son âme y avait pris la place de celle de Pyros. Puis, il tenta d’aller au-delà de ces limites, et son esprit fut comme doucement projeté dans la caverne. Sa présence et son intégrité physiques demeuraient inchangées, et pourtant, il ressentait cette sensation étrange de diffusion de son être à travers l’espace environnant. Il flotta ainsi pendant un moment qui lui sembla interminable, jusqu’à ce qu’il parvienne à focaliser ses sens sur l’épée. Il s’y accrocha, s’y engouffra et y plaça toute la force et l’ardeur dont son esprit était capable.

Lentement, Firo rouvrit les yeux. Le temps paraissait s’être figé alors qu’il avait vécu une éternité dans ses songes éthérés. Son énergie l’avait quittée et s’était réfugiée dans la lame qui se trouvait toujours au creux de ses paumes, brillant à présent de la même phosphorescence rougeâtre qu’elle arborait lorsqu’il l’avait découverte la première fois. Le jeune dragonnier leva une nouvelle fois l’arme au-dessus de sa tête… et il hésita. Comment pourrait-il réussir à fracasser le rocher alors qu’il se sentait encore plus épuisé qu’à sa première tentative ?

Ce ne fut que le regard encourageant de Pyros qui le convainquit d’abattre son coup. Il n’eut quasiment aucun effort supplémentaire à fournir. L’épée fondit sur la pierre en crachant d’elle-même des explosions de flammèches étincelantes. Elle découpa proprement la pierre, ne laissant qu’une fine crevasse incandescente entre les deux morceaux. Il avait réussi.

Fier de sa prouesse, Firo se tourna vers Pyros avec un sourire victorieux. L’ivresse de son triomphe l’empêcha de s’apercevoir qu’il titubait, et que ses cuisses tremblotaient en essayant de supporter son poids.

« Vraiment utile, cette capacité, affirma-t-il d’une voix vacillante, oubliant une fois de plus de contacter son drafgon seulement à l’aide de ses pensées. Et elle ne fonctionne qu’avec les objets inanimés ? Par exemple, si je voulais insuffler de ma magie dans un autre être vivant…

— Malheureusement, à ma connaissance, cela est impossible. Chaque être vivant a sa propre énergie vitale, sa propre magie, en quelque sorte. Y faire cohabiter une autre forme de magie me parait totalement prohibé.

— Je vois ce que tu veux dire… »

Firo avait soufflé sa dernière phrase, juste avant que ses jambes ne se transforment en gelée et ne puissent plus le soutenir. Après une chute au ralenti, il atterrit sur ses fesses et resta assis en respirant bruyamment. Sa vision se troublait peu à peu, et il ne distinguait désormais son dragon qu’à travers un flou sombre. Celui-ci glissa alors son cou sous le torse de son humain pour lui permettre de s’y accrocher. Il se leva précautionneusement et transporta Firo à travers un tunnel, lequel était juste assez large pour qu’ils puissent s’y faufiler.

« Je suis désolé, je t’ai peut-être un peu trop poussé vers tes limites aujourd’hui. Je crois que tu as bien mérité ton repas, en tout cas.

— Je ne comprends pas… gémit Firo depuis sa position inconfortable. C’est normal que je me sois vidé de mes forces de la sorte ?

— C’est normal dans le sens où tu n’es pas habitué à fournir ce genre d’efforts. Comme j’allais te l’expliquer avant ton malaise, ta magie est directement liée à ton énergie vitale. Il faut la considérer comme un de tes muscles. Plus tu l’utilises, plus elle te fatigue ; et plus une technique est puissante ou compliquée, plus elle est épuisante et difficile à maîtriser. C’est pourquoi l’entraînement est si important. Comme pour tes muscles, cela renforcera ton endurance lorsque tu voudras utiliser ton pouvoir. Ta magie gagnera en force, en précision et en rapidité d’exécution.

— J’ai l’impression d’être encore très loin du compte… souffla-t-il. Et sinon, comment je reviens à un état normal, maintenant que j’ai trop sollicité mon “muscle magique” ?

— Il te faut du repos, de l’eau et de la nourriture, tout simplement. Et tu as de la chance, puisque ces cavernes regorgent de tout cela.

— Oui, enfin, il manque tout de même quelque chose : un goût qui ne soit pas complètement infect lorsque je prends mes repas. »

Firo, lui qui avait pourtant faim, déchantait à présent à la perspective de rejoindre le lac souterrain où était en train de l’emmener Pyros. Le dragon lui avait montré ce lieu dès leur deuxième jour sous terre, lorsque le ventre du garçon s’était mis à gargouiller bruyamment.

La cavité était la plus spacieuse de toutes les grottes et galeries qu’il avait pu explorer. Elle accueillait en son centre une mare souterraine au moins aussi large que la Source Froide, et qui devait être reliée à un réseau plus large par des tunnels aquatiques cachés sous la surface de l’eau. Une plage de roche froide et lisse bordait l’étang et était par endroits recouverte de lichen ou d’algues vertes. Plus loin de l’eau, des champignons, dont certains étaient comestibles, poussaient en bosquets cachés entre la paroi de la caverne et les innombrables stalagmites.

De multiples embouchures trouaient le pourtour de la grotte et, depuis les plus étroites d’entre elles, un sifflement continu pouvait se faire entendre, se transformant parfois en des rafales stridentes. Pyros avait expliqué à Firo que ces passages menaient très certainement jusqu’à l’air libre, et que le son qui leur parvenait était le résultat des ravages de la Fournaise. Le jeune homme avait d’ailleurs déjà songé à s’échapper des cavernes avant la fin du phénomène cataclysmique ; mais même si les flammes l’auraient certainement épargné, la violence des vents l’aurait tué dès ses premiers pas au-dehors.

Heureusement, dans la situation dans laquelle Firo et son dragon se trouvaient, les destructions que la Fournaise impliquait apportaient aussi leurs avantages. Les animaux cavernicoles craignant encore plus que d’ordinaire de se retrouver à la surface, les eaux de l’étang souterrain grouillaient de poissons venus y trouver refuge, tandis que ses berges accueillaient nombre de lézards et de salamandres. Pyros avait donc tenu sa promesse, puisque son dragonnier ne manquait jamais de viande, de légumes et d’eau pour se restaurer.

D’ailleurs, lorsque le reptile le déposa sur une petite bute moins dure et froide que les autres rochers, il s’aperçut qu’il avait encore quelques provisions déjà prêtes à être consommées. Deux petits poissons, pêchés la veille, étaient étendus sur un morceau de chiffon qu’il avait découpé à partir de l’un de ses vêtements. Avec des gestes lents, il attrapa l’un d’eux d’une main et, tout en restant allongé, cueillit une poignée de champignons qui poussaient non loin. Pyros alluma un feu et Firo y plongea les mains pour y faire cuir ses aliments. Il les dégusta sans plaisir, leur goût amer et leur texture gélatineuse l’écœurant toujours autant à chacun de ses repas.

« Je n’aurais jamais cru que la cuisine de mes parents me manquerait autant, avoua-t-il en avalant difficilement ses dernières bouchées. Et je vais encore devoir manger ça pendant des jours…

— De ce que je lis de nos émotions partagées, ça n’a pas l’air fameux, en effet. Mais il faut bien que tu te nourrisses…

— Et toi alors ? Tu n’avais pas faim, comme moi ? Et d’ailleurs, je viens de me rendre compte que je ne t’ai encore jamais vu te nourrir !

— Ne confonds pas émotions et sensations, Firo. Lorsque tu croulais d’épuisement, je n’ai pas ressenti de fatigue physique, seulement une sorte de lassitude. Et de toute façon, je ne ressens jamais la faim. J’ai l’avantage de ne pas être un dragon sauvage, mais une créature magique, je n’ai donc pas besoin de boire ni de manger. Ma façon de me régénérer, c’est uniquement en passant du temps dans l’Épée de Pouvoir. Cela me suffit. »

Tandis que son repas, dégoutant mais nutritif, faisait effet dans son corps et y redéployait de l’énergie, Firo écouta son dragon continuer de parler de sa vie, des dragonniers et du monde. Pyros semblait capable de lui apprendre de nouvelles choses à chaque nouvelle heure qu’il passait en sa compagnie.

Mais même si d’habitude, il avait soif de ces nouvelles connaissances, son esprit divagua peu à peu et se détacha des paroles de son familier. Ce que ce dernier remarqua :

« Je suis en train de te perdre, Firo, non ?

— Excuse-moi… J’étais en train de penser à… à Gao… et à retourner à la maison…

— Je comprends… »

Tous deux gardèrent leur esprit silencieux pendant quelques instants supplémentaires, se plongeant chacun de leur côté dans des songes profonds et secrets. Puis, Pyros reprit :

« Que comptes-tu faire, une fois que nous serons sortis ? Les Darklidians seront très certainement encore au village à notre retour, tu ne crois pas ?

— Je dois obtenir des informations de leur part, c’est mon seul objectif. Je veux savoir pourquoi mon frère est mort. Et je le saurai, même si je dois utiliser la force.

— Firo… commença le dragon, un air désolé visible à la fois dans sa voix et dans ses yeux. Certes, je t’entraîne pour que tu puisses savoir te battre… Mais si l’armée Darklidiane est aussi bien munie en termes d’hommes et d’équipements, tu n’auras pas la moindre chance en cas de confrontation directe. Et pense à tes parents…

— Tu as raison, répondit Firo après une rapide réflexion, il faut d’abord que je les mette à l’abri. Et ensuite, je rassemblerai des alliés pour m’aider à libérer nos soldats, repousser les intrus et même en capturer certains pour les interroger.

— Tout cela risque d’être très dangereux et de prendre beaucoup de temps.

— Peu importe les moyens que je devrai utiliser ou les efforts que je devrai fournir. Lorsque nous serons dehors, c’est tout ce qui importera : je délivrerai Alapos ! »

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