Battue (prologue)

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Cela faisait une heure, peut-être deux, que Sam marchait le long de cette petite route de campagne. La vraie campagne, pas le moindre signe de vie dans un rayon de 50 km. Il regrettait amèrement le choix de ses chaussures en toile, commodes en ville, elles étaient évidemment peu recommandables pour qui voulait s’aventurer sur des bas-côtés boueux. Si de temps en temps un animal égaré croisait sa route, sa seule vraie compagnie était un petit bruissement dans des arbres sinistres, aux feuilles jaunâtres rongées par les insectes. Le ciel venait de déverser toute son amertume pour la troisième fois en quelques minutes. De petites averses, comme pour éviter la surchauffe de son cerveau qui en ébullition, troublaient ce calme trop convenu. Impossible de chasser de son esprit ce qu’il avait fait et ce qu’il devait faire. Un trente-trois tonnes sur les épaules, des roches à la place des pieds, il fallait continuer d’avancer sans jamais se retourner. C’était le deal.

Il tombe, je le tue. Il s’arrête, je le tue.
Le fauve le suivait depuis déjà depuis huit heures. La consigne était simple, mais il éprouvait le besoin de se la répéter intérieurement, en continu. Et plus les heures défilaient, moins la fatigue se faisait ressentir. L’adrénaline le tenait en éveil, l’excitation le faisait avancer à grandes enjambées. Sam était à quelques dizaines de mètres devant lui, il pouvait sentir son odeur. L’odeur caractéristique de la proie facile. Il s’amusait à fermer les yeux de temps à autre, il n’y avait qu’à se laisser guider. Son sourire carnassier s’affichait de plus en plus grand.

D’une main, Sam fouilla nerveusement une énième fois ses poches détrempées à la recherche de cigarettes, sans succès. En colère, il ne parvenait même plus à crier : sa gorge brûlait et la douleur s’amplifiait. Il était perdu, loin de tout. L’espoir s’était tranquillement effiloché pour ne laisser place qu’à la souffrance.  Il tentait de se remettre ses souvenirs en place. Le moment où tout avait commencé, ce coup de téléphone, cette quête idiote. Lui qui voulait s’extirper de son quotidien, briser une routine suffocante, une vie pleine de vide et de rendez-vous manqués. La tâche était amusante, alors il avait naïvement donné toute sa confiance à son mystérieux interlocuteur.
Il pensait également à son entourage. Son tempérament acariâtre et ses recherches interminables avait fini par l’isoler, doucement. Au final, des proches, il n’en avait pas tant que ça. Une larme jaillit, il était seul. Personne ne s’inquièterait.   
Si près du but, il ne songeait même plus à regarder derrière. La route s’arrêta brusquement. Elle laissa place à un petit chemin sinueux contenu par des haies de ronces. Un violent coup de tonnerre éclata sans crier gare, Sam ne réagit même pas. Il tremblait, l’humidité de l’air et la froideur de son corps créa une sensation désagréable. Un petit vent lui faisait prendre conscience qu’il dégageait une odeur d’urine et de transpiration. Une gêne de plus. Il traînait fatalement les pieds et finit par s’écrouler sur le dos. Les yeux grands ouverts vers le ciel, le tournoiement de trois corbeaux s’imprima sur sa rétine.
- « Tu as gagné, j’abandonne… je… je ne peux plus continuer. C’est terminé. » balbutia-t-il.

Le bourreau s’approcha. Une lame de chasseur, des yeux injectés de sang. Plus de sourire, seulement de la salive qui inondait son menton. Sam ferma les yeux, sa dernière pensée allait pour son chat.
Je suis trop con.

Le Fauve se mit au travail, consciencieusement.
Trop facile.

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