La Bête

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  Je marchais seul, perdu dans la brume de la forêt. Le froid enveloppait mon corps fatigué et odorant. Je tenais fermement dans ma main droite mon épée, couverte d’un sang qui n’était pas le mien. Mon armure de cuir était déchirée et tombait en lambeaux. Malgré la fatigue et mes blessures, mes sens étaient alertes. J’étais attentif à chaque mouvement, chaque son de la forêt qui m’entourait. Le brouillard recouvrait le sol. Je ne voyais plus mes pieds. Je prenais garde aux embûches de la forêt.

  Une branche craqua à ma droite. Je fis un pas en arrière, me tournant dans sa direction, l’épée en avant. Rien… Soudain, un bruit derrière moi me fit faire un écart sur le coté. J’eus tout juste le temps de me jeter à terre lorsque la Bête me sauta dessus.

  Elle était là, face à moi, à me regarder de ses deux yeux blancs. Son poil brun était couvert de feuilles et de branches mortes. Cette…chose…ne semblait pas vivante. Certaines parties de son corps étaient dénuées de chair et son odeur rappelait celle d’un cadavre en putréfaction. Elle me tournait autour, comme pour me juger… Je voyais clairement ses crocs luire. Son museau était couvert du sang de mes compagnons. Malgré la prédominance du loup, cette abomination avait une part humaine : elle avait des mains et marchait sur ses deux pattes arrières, plus courtes que ses membres supérieurs.

  Elle grogna. Je restai muet, concentré sur chacun de ses mouvements. Elle frappa la première. Je reculai d’un pas et fit voler ma lame dans sa direction. L’air fut tranché en un léger sifflement… La Bête s’élança vers moi à toute allure. Je voulus me déplacer, mais la peur et le froid avaient saisi mon corps entier. Elle m’attrapa le mollet, juste sous le genou. Cette abomination me fit trébucher et me traîna dans l’humus de la forêt. Les impuretés du sol firent d’immenses dégâts à mon dos. Paniqué, je ne savais pas quoi faire. Par instinct, ma main droite saisit une pierre. Mon corps, poussé par une force inconnue, assena un puissant coup à la tête du loup-garou, y mettant toute sa volonté. Sa mâchoire se desserra, libérant mon membre meurtri. Je rampai en arrière, paniqué. Mes jambes tremblantes me relevèrent péniblement. Je marchai vers mon épée, dont je pouvais parfois apercevoir le scintillement. Mes doigts raidis par l’air froid et humide du bois s’enroulèrent péniblement sur la poignée de mon arme.

  Je crachai à terre et grimpai à un arbre tout proche. Quelques secondes s’écoulèrent avant que le monstre ne retrouve ma piste et s’arrête sur mon crachat. Ni une, ni deux, je me laissai tomber de l’arbre, lame en avant. La Bête allait se retrouver empaler sous mon poids, j’en étais presque certain. Presque…

  Par chance, je retombai sur elle, enfonçant ma lame jusqu’à la garde. Elle se retourna et me donna un puissant coup de patte, arrachant une bonne partie du plastron de mon armure et me lacérant le buste. Le goût âcre du sang m’emplit la bouche. Un arbre arrêta mon vol dans un fracas de bois et d’os. Le liquide pourpre jaillit de ma bouche sous la puissance du choc.

  La Bête avança vers moi, persuadée d’avoir gagnée. Elle semblait affaiblie et se déplaçait avec difficulté. Elle grogna de nouveau, je lui répondis en jurant, du sang au coin de la bouche.

  Elle s’arrêta juste devant moi, son immense tête au-dessus de la mienne. De la salive s’échappait de sa gueule nauséabonde et finissait sa course sur moi. La sensation de viscosité et de chaleur était particulièrement dérangeante. Mais cela importait peu. Ma vie allait prendre fin, et j’en ai étais convaincu. Enfin… C’est ce que je croyais.

  Deux carreaux fendirent l’air et vinrent se planter dans le crâne de l’abomination. Elle recula, désorienté. Un troisième l’acheva. Son corps s’écrasa lourdement au sol et se figea. Ma vision commença à se troubler. Je vis un homme approcher, arbalète à la main. Il était chauve et avait une barbe. Il semblait brun. Il s’accroupit près de moi et observa mon poitrail lacéré. Il mit sa main devant sa bouche, comme pour ne pas vomir. Il me prit l’épaule, me regarda avec tristesse et quitta les lieux aussi vite qu’il était venu. La forêt autour de moi s’assombrit, et je perdis connaissance.

  Lorsque j’ouvris les yeux, plusieurs jours devaient s’être écoulés au vu de l’état du cadavre en face de moi. La faim, ainsi que la soif, me tordaient l’estomac. Je rampais en quête d’eau. Ma vision était trouble et mon corps me faisait atrocement souffrir.

  Je trouvai finalement une rivière. Je me laissai tomber dedans pour me laver. Je bus l’eau qui coulait autour de moi. Mais celle-ci n’apaisa pas ma soif… J’entendis plus bas, en aval, des voix. Je sortis de l’eau et marchai dans la direction des voix. Je vis un jeune couple s’installer pour pique-niquer. J’approchai pour demander de l’aide quand soudain, ils se mirent à hurler et s'enfuirent en courant. Étonné, je regardai mon reflet dans un des plats posé sur la nappe. Je ne vis pas mon reflet, mais celui de la Bête…


  Ma nouvelle vie commençait, et je savais qu’elle serait difficile… Mon nom était Vanari, j’étais chasseur de primes. Aujourd’hui, je suis loup-garou et je n'ai plus de nom...

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