Chapitre 20 : Le rendez-vous sous la tonnelle

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J’ai passé la journée d’hier et ce matin seule. Misrord était parti faire le tour de la ville rentrant tard le soir, je ne l’ai même pas entendu dans la chambre. Ce matin nous nous sommes aussi séparés pour mieux organiser l’arrivé de mon frère. J’avais reçu dans la soirée de la veille une missive me prévenant de la venu de mon frère qui exigeait un traité destiné à me protéger avec ma descendance. J’avais directement dépêché un serviteur pour conduire un message à mon mari. Il m’avait fait savoir ensuite que nous verrions cela aujourd’hui.

C’était toujours aussi étrange pour moi de travailler en binôme. Cependant lors de ce moment de travail en tête à tête avec moi même, je découvris une réel dépendance. L’administration avec lui avait quelque chose de très amusant et occupant. Ici je ne ressentais qu’un ennuie important face aux ordres que je préparait par écrit pour ensuite les distribuer au personnel.

A l’heure du midi, je ressentis une vraie impatience pour son retour, il m’avait prévenu ce matin qu’il préparait quelque chose pour notre repas. L’idée semblait avoir germée après notre nuit d’il y a deux jours, au matin duquel il avait rechigné à me laisser seul. Ces réactions me faisait désormais rire et j’avais de plus en plus de mal à repousser mes sentiments. Je soupira au moment où la porte s’ouvrit.

« On vous embête tant que cela que vous soupirer ainsi ? »

Phira, la guerrière féroce, passa sa tête par l’entrebâillement de la porte.

« Non, je réfléchissais juste à quelque chose qui me prenait la tête depuis un moment. » Mes paroles sortirent d’elles-même, je ne voulais pas que s’ébruite ma relation avec Misrord, de peur que mon peuple ne le voit d’un mauvais oeil.

« Je suis dans le regret alors de vous proposer de vous changer les idées sans que vous en ayez trouvé la solution. Le chef m’a quémander pour vous chercher. » Je lançai à la femme un regard interrogateur avant de me lever pour la rejoindre. Elle me tendit une main pour m’inviter sur le chemin mais quand je pris les devant, elle m’arrêta une main tendre sur l’épaule.

« Je pensais vous bander les yeux pour vous conduire jusqu’au point de rendez-vous. »

Je me figeais un instant avant d’accepter, laissant toute ma confiance à la louve fermant alors que les yeux se plongèrent dans le noir. Je la sentis à l’arrière de ma tête nouer le foulard puis elle me prit la main pour que je puisse la suivre. Mon pas était lent et hésitant à cause de l’obscurité.

Phira me retira le bandeau après avoir marché un temps dans l’herbe. Je sentais le soleil d’été réchauffer mon visage, et je mis du temps avant d’ouvrir les yeux pour ne pas m’éblouir. Pendant ce temps, j’entendis la guerrière prévenir de son départ et je sentis la présence animal de ce que je me doutais être Misrord. Un souffle chaud caressa ma main et j’y sentis une truffe humide qui tentait de me guider vers l’avant. J’ouvris les yeux et je retiens mon souffle.

On avait installé dans le jardin une tonnelle recouverte de draps et de fleures qui se balançaient au grès du vent. Sur le sol des tas de coussins étaient installés autour d’une table basse sur laquelle reposait des collations. Je n’avais jamais vu telle installation et en me retournant vers le loups pour le lui signifier, je me retrouva nez à nez avec un regard bleu qui m’observait intensément. Il attendait de savoir ma réaction tout en ne voulant pas me brusquer. J’en fus troublée et ne savais comment réagir. Je ne comprenais pas ce que je ressentais, un mélange de sensation qui me bouleversait. Je tentais de reprendre contenance quand l’animal au pelage noir pencha sa tête sur le coté.

« Tu vas bien ? » Sa voix résonna dans ma tête inquiète malgré l’impatience que j’y entendais.

« Oui. » Lui repondis-je en m’avançant vers lui. Je levais les mains et lui baissa sa tête pour que je puisse la prendre en coupe. Mes pouces se posèrent sur ses joues et les lui caressèrent distraitement. Nos yeux étaient de nouveau plongés les uns dans les autres.

Misrod souffla un bon coup et je compris qu’il avait beaucoup de stresse accumulé à cause de ses derniers jours. Il ferma les yeux et je le sentis succomber à la douceur de mes caresses.

On resta un moment ainsi, jusque’à ce que je romps le contacte trop tourmenté par ce qu’il provoquait en moi. J’vais besoin de me détourner de ce moment et je me concentra donc sur l’installation.

« Les fleurs viennent du jardin de ta mère et du parterre que entouraient la tombe de ta fille. » En entendant la résonance mystique de sa voix, un frisson me parcourut tout le corps. Je me figeai et le sentis se rapprocher de moi.

« J’espère que tu ne m’en veux pas. Je les trouvais jolies. D’une certaine façon elles te ressemblaient et…

— Tu n’as pas à te justifier. Merci. » Le coupais-je. « Je trouve ça féérique. Je n’ai jamais vu quelque chose comme ça auparavant.

— C’est plutôt courant chez nous, lors des festivités on en installe souvent pour être confortablement assis au grand air. Ou bien pour les grandes révélations. »

Je sentis le ton de sa voix changer, il devenait plus gêné. De nouveau je le comparais au louveteau farouche mais timide de mon rêve. Je comprenais que Misrord avait deux facettes : celle sérieuse du chef d’état, responsable de la survie de son peuple et porteur de tous ses fardeaux et celle plus proche de Lillemord, gentille et joueuse qui a gardé son âme d’enfant, celle qu’il avait à notre mariage.

En me retournant vers lui je passais une main sur son pelage pour l’inciter à continuer ce qu’il fit en tournant la tête sur le coté : « En tant normal, c’est sous ces installations que l’on flirte avec le futur partenaire avant de le demander en mariage. » Il fit une pause se grattant le museau avec sa patte.

Je pouvais aisément me le transposer sous forme humaine et le voir ainsi mal à l’aise me fit rire tout en m’attendrissant. Je comprenais l’idée qu’il voulait me faire passer et assurément dans une autre circonstance je me serai prêtée au jeux Mais ici ? Non ici aussi je le voulais, je n’étais tout simplement pas prête à me l’avouer Notre relation à connu beaucoup de haut et de bas enfin plus de bas, mais j’avais enfin de l’espoir pour que cela se passe bien.

« Nous n’avons pas fait les choses dans l’ordre mais nous pouvons encore en discuter ? » Me proposa le loups.

Je voyais dans ses yeux une centaine supplice. Il voulait se racheter. Nos yeux se cherchaient, les miens étaient écarquillés de surprise. Je me répétais que je devais faire ça pas à pas mais dans l’instant présent, je voulais ne pas y penser. Je verrai les conséquences plus tard. J’avais besoin de ça pour me donner du courage.

« Très bien essayons de reprendre un cours normal pour une relation de deux personnes s’étant déjà jurés fidélité. » Dis-je sur un lège ton de l’humour.

Misrord souffla de façon brève et je pris ça pour un rire produit de façon lupin. Je souriais aussi en attendant qu’il fasse le premier pas pour me guider.

Une puissante odeur embaumait l’air et rendais l’ambiance plus détendue. Les nombreux coussins au sol rendais celui-ci instable et je remerciai Misrord de m’inviter à m’assoir. Il fit de même s’allongeant de toute sa longueur à l’opposé de la table.

Je regardais fascinée sa grâce animal avant de prendre une tartine pour me donner contenance. Pendant ce temps un lourd silence s’était installé. Il est vrai que mise appart la politique du château nous avions peu de sujet disponible.

Misrord prit le premier la parole et je l’en remercia, il commençais à savoir que je n’étais pas à l’aise à commencer les conversations quand l’intérêt de quelqu’un n’était pas en jeux.

« Tu es bien installée ?

— Oui plutôt bien. » Un silence se réinstalla mais je l’interrompis vite pour ne pas retomber dans la gêne : « Comment t’es venu l’idée de faire une chose pareil ?

— Et bien après mes jours de chasse, j’ai passé quatre jours dans une détresse importante ne comprenant pas ce qu’il t’arrivais. Nous avions beaucoup avancé dans notre relation et j’avais peur d’avoir fait quelque chose qui l’avait brisée.

— Désolé. » Ne pus m’empêcher de dire. Il me coupa cependant presque instantanément : « Non, ce n’est rien, j’ai fini par comprendre et j’ai pu t’aider, d’une certaine façon. Après ça de nombreuses choses se sont succédés en peu de jours. La plus importante fut cette promenade d’il y a deux jours. Voir et sentir tes émotions à ce moment m’ont fit prendre conscience que je voulais plus te connaître. Alors j’ai suivis nos tradition et j’ai construit ce petit lieu dans l’espoir de te parle. »

Je fus attendri pas ses paroles. Je voulais le suivre dans son idée. Ma langue se délia d’elle-même et je m’ouvris à lui.

Misrord avait repris forme humaine après un temps pour manger plus facilement les sandwich sur la table. Les conversations s’enchainèrent jusqu’à ce qu’un sujet particulier qui m’occupai l’esprit ressurgit : « Tu vas concrétiser le procès de Wighlem avec le Conseil ?

— Oui, je pensais que c’est une bonne idée pour affermir les liens entre ton peuple et le mien.

— Surement mais j’ai toujours eu du mal à savoir pourquoi tu ne l’avais pas directement tué après la chute de Bruder.

— Je voulais qu’il sache avant de mourir qui était ses vrais maîtres et ce qu’il aurai du vivre depuis longtemps. Et puis Ninah ne voulait pas te soigner au risque de te blesser. Elle préférai étudier ton espèce pour être sûr de ne pas te donner une dose trop forte de soin. Elle a été la première à t’accepter et à te soutenir dans la meute. A ta première apparition elle t’a même qualifié de personne forte. Un trait de caractère que j’ai mis du temps à comprendre. Puis tu t’es battue, partagée entre ton devoir et ton instinct et c’est là que je t’ai comprise. Tu avais souffert des épreuves inimaginables pour moi et pourtant tu t’étais relevée mue par amour pour les tiens qui me fascine. Tu as besoin d’eux et tu cherches du réconfort dans leur présence, leur santé, leur sécurité. Et c’est cela que Ninah avait tout de suite vu en toi. »

Je ne savais pas pourquoi mais les mots de Misrord me transpercèrent en plein cœur. Je le détestais car j’avais l’impression de ne plus avoir de secret à lui cacher, il avait ouvert mon cœur embourbé dans la main mise de Bruder. La joie et le soulagement submergeaient mon corps, il dit les derniers mots qui brisèrent ma carapace : « Je te jure que désormais tu n’auras plus besoin d’avoir peur pour eux car je les protègerai comme les miens et comme les tiens. Je voulais te rendre ce que je n’aurai jamais dû retirer à une mère. 

— Maman ? » Mon coeur rata un battement le temps que je me retourne, un corps en larme se jeta à mon cou. Ma main tremblante vient d’instinct lui caresser le sommet de ses cheveux blonds. Je tenait dans mes bras Ernst mon quatrième enfant, alors que celui qui avait appelé, mon adorable Auloysius, s’approchait de moi essayant de contenir ses larmes face à l’assaillant. Derrière lui ma fille gardait la tête haute mais quand je les supplièrent de venir, leur assurant qu’il n’y avait aucun danger, ils se jetèrent à leur tour dans mes bras.

Les larmes coulaient et se mélangeaient sur nos joues. La joie immense réchauffa mon corps. En levant les yeux pour remercier le loup, je fus surprise de la honte et la tristesse qui transparaissent dans ses iris bleues. « Je ne peux malheureusement pas tous te les rendre. Nous ne sommes pas tout de suite parti à la chasse pour retrouver tes enfants. Mais quand… »

Je le coupai d’un geste de la main. Une mère savait quand il arrivait malheur à son enfant, Tarek était fragile depuis si longtemps qu’il était le seul que je n’aurai pas dû envoyer dans la forêt au risque de me le faire enlevé sous mes yeux. Cependant, la précipitation ne m’avait pas apporté conseil et la distance que l’on me contraignait à avoir avec mes enfants ne m’avaient pas permis de m’en rendre compte. Dans le mois précédant ma crise annuelle, ma poitrine avait cessé de donner du lait, mes dames de compagnie avaient vu cela comme un signe. J’avais accueilli la nouvelle sans aucune réaction mon cerveau sur le moment s’était éteint. J’en avais pleuré plusieurs jours par la suite, en voulant à mon caractère.

Cependant pour l’instant je voulais me concentrer sur les trois enfants qui m’étaient rendue. Je pleurerai plus tard avec eux le départ trop jeune de mon dernier enfant.

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