Chapitre 35

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—Mon amour, père m’a-t-il toujours détestée ?

Des certitudes, des doutes, d’effroyables images se mêlaient à ses souvenirs, elle tenait à s’assurer qu’ils appartenaient bien au domaine de l’imaginaire et emprisonnée de la sorte, perdre sa mémoire était d’une aisance déconcertante. Ces rêves furibonds, car ils n’étaient rien de plus, surgissaient, effroyables, dans des instants de vulnérabilités et décontenancée, elle les chassait d’un hochement de tête. Chasser des images, oui, cela était en son pouvoir, pas les sensations qu’elles incluaient ; le manche lisse de ce poignard aux nombreuses ravines creusées par des ongles perçait la chair de son ventre. Elle avait des difficultés à se remémorer mais le visage de sa mère, lui, la hantait : une belle femme aux cheveux de sable, au regard fou, au poignard enchâssé dans sa main (encore un ?). Kita superposait cette image façonnée sur ses souvenirs : celui de la serre du dorakkar fourrageant dans sa joue, les éclairs irradiant dans ses pommettes, ça oui, c’était vrai.

Ce qu’elle ignorait, ou refusait d’admette avec la férocité des aliénés était son erreur de jugement qui faussait ses souvenirs –bons ou mauvais-, d’une durée de vingt-trois années, selon les calculs chez nomades rencontrée. Kita falsifiait sa mémoire à l’aide d’alcool et de chagrin ; le meurtre de son enfant était dû à une sorcière, en réalité une passante croisée par hasard et le poignard que tenait sa mère ce terrible soir, légèrement courbé rappelait la griffe d’un dorakkar. Un cerveau traumatisé, à partir de bribes, élaborait un scénario dont la victime était le principal acteur.

Tout cela, Kita n’en n’avait cure. Elle ne remarquait pas la surprise de son amant-à chaque événement traumatisant, pour la protéger, son esprit élaborait une histoire encore plus crédible qui se rapprochait d’une perfection irréelle. C’était ainsi que la cavalière rencontra les Dieux, les adopta, les intégra au scénario nouveau de sa vie et les scènes qui s’y déroulaient remaniés avec précision pour s’accrocher à ce fil qui s’étoffait. Depuis le départ de Meorwen, ce fil se transformait en pelotte, aux nœuds incompréhensibles.

Désemparée devant le comportement de celle qu’il aimait, il l’avait conduite chez une sorcière dont les plantes n’avaient servi qu’à le dépouiller de son argent et hormis accepter sa folie, dont toute l’écurie était au courant et dont il était tombé amoureux, il n’y avait rien à faire. Le prisonnier essayait de reconstruire la dernière histoire inventée par sa sœur. Kita ne se doutait de rien mais pour Meorwen dissocier délire et réalité représentait un défi de taille, au moins était-il sûr que voyage et dragon étaient vrai. Valia l’ignorait et cette histoire la précipita vers une fin plus atroce qu’elle ne l’avait imaginé et son aimée, trahie, inventait une autre histoire, de vengeance inéluctablement.

Elle se vengerait, elle y comptait bien, et surtout avec plaisir mais d’abord, un plan était nécessaire. Ses pensées ne possédaient plus aucun flux contenu, plus aucun fil directeur, elle subissait les assauts de ces vagues destructrices, ballotée sans même puiser dans la force de ses bras pour tenter un crawl. Ces mots n’étaient pas même une motivation, c’était la première ride d’un esprit déchiré.

Kita tira sur ses liens, ses pensées toutes orientées vers Valia au point d’en oublier Meorwen et lorsque la Dame descendit la pente sous sa forme humaine un bol de gruau en main, elle l’attendait. La cavalière allait s’échapper, ce n’était qu’une question de temps et une fois libre, elle mettrait son plan à exécution, ne restait plus qu’à en avoir un.

—Tu parais en meilleure forme grâce à mes bons soins.

—Oui, tu m’as donné un but et je t’en remercie.

—Quel courage ! Lequel est-ce ? S’échapper ou peut-être me tuer.

—Les deux.

La Dame glissa des morceaux de charbons et les flammes éclatèrent. La prisonnière s’agenouilla, Valia avait eu la bonté d’allonger ses chaines avant que ces forces ne s’épuisent et selon un certain angle, en épousant les courbures de la paroi, la jeune femme pouvait s’allonger et dormir. Elle lui tendit la cuillère comme on la présente à un enfant capricieux, accepta deux bouchées avant de sceller les lèvres.

—N’as-tu pas faim ? Tu t’amaigris, pourtant.

Nuls subterfuges pour les besoins primaires, son estomac appelait la nourriture comme en témoignait son gargouillement, se tordait au bout de son œsophage et sa migraine la lançait.

—Une fois que je serai assez maigre, mes poignets et chevilles passeront à travers les chaînes.

Valia éclata de rire, Meorwen la sondait perplexe.

—Je tiendrai ma promesse, prophétisa-t-elle.

—Kita (elle l’interpellait telle une petite fille aux idées extravagantes), ce ne sont pas tes poignets qui ne sont pas assez fins mais l’assemblage des os d’une main humaine.

—Je me les briserai pour déguerpir d’ici.

—Poignets et chevilles ? Tu serais incapable de marcher.

Elle avait raison, ce plan était mauvais mais aucun autre ne se présenta à son cerveau, sa voix, elle-même se taisait, l’abandonnait à des souvenirs qui refluaient.

—Mange, Kita.

Et elle avala.

—Meorwen, est-ce un chien qui m’a défiguré ?

—Oui.

C’était un dogue aux babines écumantes de salive, aux griffes fines mais féroces dont Kita avait ignoré la dangerosité pour s’approcher de lui, enfant, avec la naïveté caractéristique des gosses pour enserrer son énorme cou dans l’étreinte de ses petits bras. L’animal la défigura non pas une mais trois fois dont deux cicatrisaient et la dernière lui arrachant l’œil et malgré les nombreux cataplasmes appliqués par sa mère, elle ne réussit à le sauver. Soudain, elle éclata de rire.

—Cette idée de dragons était ridicule ! Je m’étonne de ne pas avoir décelé le piège.

—J’y ai aussi cru, la rassura Meorwen.

Ca, elle n’en n’était pas sûre, des contraintes extérieures l’obligeait à prendre place dans cette patrouille mais quelle était l’excuse de Meorwen ?

—Pourquoi y as-tu cru ?

Il fronça les sourcils.

—Une épée de Damoclès pendait au-dessus de ma tête et la promesse d’obtenir l’écurie me tirait mais qu’a-t-elle voulu t’offrir pour que tu acceptes de t’aventurer dans les Forêts Jaunes ? Ne me mens pas, je sais que tu les détestes, comme n’importe qui censé de la Horza.

La vérité, Meorwen la fuyait et ne pouvait l’avouer et tout autant qu’il adorait sa sœur, sa folie le dépassait. Juste pour partir et l’oublier et revenir près d’elle en manque et l’aimer comme elle le méritait.

—Tu avais l’argent et la gloire, reprit-elle comme il ne répondait pas. Alors quoi ?

—Est-ce vraiment important ?

—Meorwen comment puis-je te faire confiance si tu ne me la rends pas ? Cette confiance est la base même de notre relation, j’ai toujours eu foi en toi lorsque tu partais et aujourd’hui, tu me refuses un petit aveu ?

Son amant lui adressa un sourire triste, sincère mais empli d’amour, elle en était certaine. Que se passait-il sous son crâne qui le partageait tant ? Elle avait besoin de réassurance, certaines périodes plus que d’autres, il s’attela à combler le vide :

—Elle m’a promis de ne pas chercher à découvrir qui se cachait derrière mon insensibilité.

—Si tu lui avais offert un baiser, peut-être n’en serions-nous pas là, soupira-t-elle.

Elle aimait son frère parce qu’il n’avait couché avec autre femme qu’elle et pour cette raison, elle ne pensait pas sa remarque et Meorwen ne s’en offusqua pas. Lui donner ses lèvres, ça aurait été plus de la trahison, ç’aurait été renié son identité.

—Je te remercie de ne pas l’avoir fait même si ça nous aurait peut-être évités de nous retrouver dans ce fourbier.

—Nous n’en sommes pas sûrs.

Le jeune homme se racla la gorge, jamais il n’avait songé à embrasser Valia ; il aimait une femme, celle-ci lui suffisait. L’amour qu’il lui portait s’alternait entre passion dévorante et usure et comme toute personne traumatisée, la pauvre ne se doutait de rien, souffrait en silence d’une histoire horrible enfouies sous des dizaines d’autres avec toujours des stigmates de l’originale. C’était toujours un objet recourbé qui l’éborgnait : un couteau (jamais longtemps), une griffe, une faux, même des ongles parfois alors le chien lui paraissait tout à fait crédible.

—Kita, raconte-moi ton histoire.

C’était une devinette à laquelle ils jouaient souvent, par ce moyen Meorwen cherchait à connaître sa nouvelle histoire dans un but de démarche thérapeutique et obligeait Kita à se recentrer.

—Je ne sais pas comment nos parents se sont rencontrés mais notre père est propriétaire d’une écurie de dorakkar et notre mère vient du Silimen, une tribu de nomades, toujours est-il que tu es né quelques temps après. Ils t’aimaient beaucoup. Pour moi, ça a été une autre affaire ; l’accouchement était difficile alors pour la sauver, ils lui ont donné une décoction à base de plantes…

Du sang de dorakkar en réalité connu pour ses vertus curatives, terriblement rare à obtenir et un poison après quelques années de croissance de l’animal, devenu son surnom bien que personne n’osait l’appeler de la sorte.

—Je ne me souviens plus vraiment de ce qui s’est passé après ça mais notre mère est morte peu de temps après. Père me le reprochait…

Kita s’interrompit, les bras au-dessus de sa tête dans une position qui aurait été cocasse sans ses chaînes.

—Une autre image me vient ; celle d’un poignard arqué, long et doré mais je parviens pas à voir qui le tien.

L’unique chose qu’elle distinguait était ses doigts serrés autour d’un manche et en périphérie la vision se brouillait comme si les détails disséminés derrière n’avait aucune importance.

—Ca n’a rien d’important, se convainc-elle. Les enfants se moquaient de moi, ils m’appelaient « rase-motte ».

Les gamins la surnommaient « sang du dorakkar ». Malgré les silences imposés à la sage-femme les rumeurs courraient bon train et si les serviteurs les plus timides murmuraient à son passage, échangeaient des propos élogieux face à elle de par son statut et crachaient le dos tourné, les plus hardis murmuraient que la mère enfantait d’un dragonneau et que les cris le jour de l’accouchement se rapprochaient plus de rugissements que de pleurs. Nul ne put affirmer cette hypothèse car les hurlements de la femme et les barrissements des dorakkars, puissants cette nuit-là, recouvrit ceux du bébé et Meorwen, curieux, n’eut pas le droit de seconder la sage-femme. Qu’il avait été impatient de rencontrer son petit-frère ou sa petite-sœur !

Elle était l’animal faite femme, une sorcière, une guérisseuse pour qui gouttait le sang, parfois une empoisonneuse selon les bruits de couloirs. Quant aux dorakkars, Kita ne partageait aucun lien privilégié avec eux et le sang qu’il léchait durant leur nuit d’amour ne fut d’aucun secours lors des tortures inventées par Valia : ni guérison miraculeuse ni force suprême, seulement la déception du temps. Dans quelques histoires revenaient le surnom de Trempe-Egouts, Meorwen ignorait s’il s’agissait d’un détail de la réalité comme elle aimait bien en recycler de temps à autre, lui, ne l’avait jamais entendu.

—Notre père voyageait beaucoup ; il commerçait avec les autres écuries et c’était toujours toi qu’il emmenait.

Pour la protéger. La folie était souvent héréditaire et déjà à un jeune âge, leur géniteur soupçonnait qu’elle en avait écopé et plus elle resterait à l’abri à l’écurie, mois elle se révélerait. Tous ignoraient que le danger venait de l’intérieur. Leur père s’inquiétait réellement pour sa fille ; il demandait à Meorwen de la surveiller autant que possible et c’était en la veillant cycle après cycle qu’il avait découvert sa sœur derrière le rideau de la maladie. Les audacieux colporteurs susurrait à l’oreille de son père une idée de malédiction qu’ils balayaient d’un geste de main ; peu de Horziens croyaient à ces calomnies destinées à vous faire acheter des élixirs par dizaines surtout si votre propre femme souffrait de la même curiosité.

—Je crains qu’il ne m’aimait pas beaucoup. Et puis maman est morte en se pendant à un rideau. Pourquoi voulait-elle nous quitter Meorwen ? Avions-nous fait quelque chose de mal ? Ne m’aimait-elle plus ?

Ses yeux éclairés par les ombres dansantes des flammes s’humidifièrent, elle ressemblait tant à la vulnérable gamine, à la petite sœur chérie qu’il avait choyée, celle qui avait tué leur mère mais ne s’en rappelait plus. Comment aurait-elle pu vivre après cet acte si son cerveau ne l’avait effacé ? Parfois pendue, parfois étouffée mais toujours revenait ce drap blanc, qu’il serve de corde ou s’entortillait autour de ses jambes alors qu’on lui broyait la tranchée, il était toujours là. Il se souvenait de cette nuit où sa petite sœur se glissa dans lit bien avant que ne se réveille ses appétits d’homme pour lui dire cette terrible phrase : « je crois que j’ai tué maman ». Meorwen ignorait comment elle s’y était pris, comme une enfant de sept ans aurait pu venir à bout d’un adulte et une autre hypothèse avait germé dans son esprit d’enfant de douze ans : le suicide. Il ne sut jamais ce qu’il s’était réellement passée cette nuit-là mais son souvenir hanterait le reste de ses jours ; au doux visage de sa sœur qui cicatrisait lentement malgré la perte d’un œil, aux différentes versions suffisamment brumeuses et hypothétiques qu’il ne parvenait à faire les liens pour reconstituer la scène. Etait-ce elle qui s’était auto flagellé ou subi les tortures de sa mère ? Son cœur le portait vers cette seconde option, il lui paraissait inconcevable qu’une fillette aussi jeune se mutile ainsi.

—Quelques cycles plus tard, un chien m’a attaquée et j’ai perdu mon œil. Et j’ai pu monter Sapin pour la première fois !

Son vol avec sa dorakkar demeurait toujours, s’extasiait à chaque fois, décrivait ce ciel qui hésitait entre le bleu et le mauve, sa peur et son impatience de dompter les airs. Désemparée par la maladie de sa fille, son père lui avait promis la monte d’un dorakkar et Meorwen ne pouvait qu’affirmer cette réussite ; assise sur la croupe du dragon, elle se transformait en la petite fille rieuse qu’elle aurait toujours dû être. Plus qu’un animal de compagnie, le dorakkar était devenu une thérapie. Elle grandit ainsi sans autres accidents majeurs jusqu’à ce que le plus terrible de tous, le plus beau aussi, et par sa faute survint.

—Tu partais souvent, mon frère. Concourir était ta passion et plus tu revenais, plus je te trouvais éblouissant.

C’était la période la moins triste de sa vie, peut-être osait-il dire heureuse ? Ils se rencontrèrent, se découvrirent, s’aimèrent, il aimait sa vision de la vie si particulière entachée par une folie non soignée. Il l’aimait. Et après plusieurs centaines de cycles de bonheur, son humeur se détériora ; elle recommença à inventer de nouvelles histoires, découdre et replier son existence, à dessiner le patron d’une expérience incroyable. Ils partirent pour la Breille, il y a trois ans de cela :

—Et nous sommes partis à la Breille.

A cet instant, elle déformait les phrases, interprétait les paroles, soupçonnait des complots, chaque réplique semblait une agression et pour cause ; elle invertissait les mots selon les caprices d’une voix malveillante, nouvelle étape dans son délire, qui bourdonnait dans sa tête.

—Il y avait cette crainte du Fashim lors de leurs fêtes mais nous avons tout de même couché ensemble.

L’amour qu’ils se portaient figuraient dans toutes les histoires, un point crucial que son cerveau refusait de déformer et en un sens, la plus belle preuve d’amour.

—Tu es partie avec cette princesse pour une raison idiote alors que tu aurais dû rester avec moi ; j’étais enceinte, Meorwen.

S’il l’avait su, jamais il ne serait parti, jamais il ne l’aurait abandonné alors que son esprit était si fragile et il avait eu raison, elle l’avait tué. La vérité est plus simple, plus cruelle ; il devait la fuir pour sa propre survie, quelques cycles pas plus mais il n’avait jamais imaginé qu’il glissait le doigt dans un engrenage mortel.

—Qu’as-tu fait de l’enfant ?

Kita l’avait avoué mais il doutait qu’elle se souvenait ; un avortement des plus brutal : un poignard plongé dans l’utérus

—Je l’ai perdu.

—Comment ?

C’était cruel de lui demander, plus encore de perdre sa paternité.

—Dans une rixe en sortant des tavernes. Un homme m’a tabassé, mon pantalon était couvert de sang.

La grimace qui tordait son visage rappelait plus la douleur et le chagrin que la colère.

—Tu… tu m’en veux ? Je sais que j’avais beaucoup bu ce soir-là et que ce n’était pas bon pour le bébé mais tu me manquais tant… Tu me laissais affronter la grossesse toute seule.

—Ce n’était pas ta faute…

Voilà où sa lâcheté le menait ; à la mort d’un innocent, à la destruction, à l’aggravation de l’état de sa sœur. Elle se souvenait de son voyage, ne le déformait que rarement, seul un point le chiffonnait ; la disparition d’un des membres de la patrouille dévoré par des alligators et le froncement de sourcils engendré. Kita arborait cette mimique lorsqu’elle ravalait un souvenir mais quoi qu’il se fût passé, elle ne s’en souviendrait plus.

—Comment s’appelait-il ?

Kita inclina la tête, un son sortit de sa bouche puis se figea :

—Ca devait commencer par un « ks » je crois.

Si le tiroir où elle enfermait tous ces souvenirs éclatait, elle mourrait ; son esprit serait hanté par des fantômes si violents qu’elle perdrait pied et rien ne la différencierait des fous vêtus d’une chemise seule griffonnant autant l’écorce des arbres de la forêt où ils habitaient que leurs bras. Pour la protéger, il l’encourageait à créer.

—Meorwen… Nous pourrions toujours avoir un autre enfant, suggéra-t-elle.

Comment un ventre pourrait-il encore concevoir une fois poignardé ?

—Oui, nous pourrions.

Il avait dû mal à croire que ces mots sortaient de sa bouche, jamais il ne serait père.

—Valia ! Cette sorcière mérite de mourir. Je la tuerai dans son sommeil ou peut-être… Non, je l’attacherai à des chaines et la forcerai à se nourrir…

Ainsi commença un nouveau délire sur la vengeance aux milles tortures démentes : éventration, l’étouffer avec ses viscères, arracher ses dents une à une et les relier avec ses ongles pour en faire un collier ou mieux encore ! les coudre dans des orbites débarrassés de leurs yeux. Pourquoi ne pas ouvrir son dos, séparer les côtes des vertèbres, les tirer à l’extérieur et la pourvoir d’ailes de chair ? Meorwen la suppliait de se taire. Convaincue qu’elle était, la cavalière décrivait chacune de ces scènes avec une précision méticuleuse à se donner la nausée. Qu’il haïsse sa geôlière n’était un secret pour personne mais la torture subie entre ses mains, les séquelles conservées lui interdisait d’infliger cette douleur à autrui, même à sa tortionnaire. Meorwen, devant les propos qui atteignaient des sommets d’horreur, de cruauté, là où la sœur bondissait et où le frère rechignait à grimper, s’inquiétait du mal grignotant l’esprit de Kita, le colonisait d’idées perverses et dangereuses. Il ne la reconnaissait plus, pis encore : elle l’effrayait.

Leur salut vint un soir après la brève apparition de Valia en la personne de Galtriel. Kita haussa à peine un sourcil.

—Que veux-tu, ordure ?

—Te sauver.

Une clé se matérialisé entre son index et son pouce.

—Elle la cache sous une pierre.

—C’est un piège : va-t’en et ne reviens jamais !

—Je ne mens pas. Reikoo et les autres rentrent à Cerralion pour chercher leur or, je me suis subtilisé durant mon tour de garde.

Il la glissa dans la serrure qui émit un cliquetis avant de libérer son poignet. La cavalière s’affaissa, affaiblie.

—Pourquoi as-tu mis tant de temps ?

—Ce sont là tes remerciements, siffla-t-il J’ai attendu que nous soyons assez loin pour qu’ils ne rebroussent pas chemin à ma disparition. Je ne suis pas certain qu’ils ne le fassent pas mais un homme seul se déplace plus vite qu’une meute. Chaque instant compte, cesse de râler et aide-moi !

Il ne lui restait plus qu’une chevillière et enfin libre, elle se redressa à l’aide de la paroi, la tête lui tournait, les ombres se voulaient gigantesques et obscures. Meorwen tirait sur ses gênes avec l’énergie d’un nouvel espoir retrouvé.

—Pourquoi nous aides-tu ? Tu ne m’as jamais apprécié.

—J’avais une dette envers toi. Tu m’as attrapé lorsque personne ne l’aurait fait dans les montagnes, personne ne te l’aurait reproché. Son propre instinct de survie avant tout, n’est-ce pas ?

Il libéra son frère et enroula son bras autour de son épaule, sa main retenait sa taille.

—Sortons.

Et sans poser de questions supplémentaires, Kita le suivit.

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