Chapitre 33

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De sa main libre, Kita frappa la bête aux temps, tira sur la chaîne. Elle ne lui répondit que par cliquetis narquois. Trois membres sur quatre étaient encore libres mais avec ses mouvements limités, le combat n’en n’était plus un. Comment une telle créature sur quatre pouvait posséder autant d’intelligence ? Comment pouvait-elle savoir ce qu’étaient des chaînes ? Sous le regard teinté d’incompréhension de sa victime, le serpent s’éloigna par des ondulations souples et hypnotiques, qui sorties de leur contexte, répondraient aux exigences du mot « fascinant ». La bête braqua son regard jaune sur celui de la cavalière. Elle remarqua pour la première fois que derrière sa lueur malveillance brillait le feu d’un esprit réfléchi.

—Quelle chimère es-tu ?

Le serpent s’affaissa et comme terrassée par un éclair, trembla. Il convulsait, son crâne se rétrécissait, adoptait une forme globuleuse. Ses pattes s’allongeaient, se musclèrent, ressemblait à des bras humains. Cette longue queue musclée se détachait du corps dans des lanières du chair, dessinèrent le tracé brouillon de membres humains. Les écailles s’assombrissaient : d’abord la pointe et les bordures pourrissaient, se scindaient et couvraient le serpent d’un manteau de peau. A la place d’un monstre, se tenait une femme. Les spasmes, moins violents s’évanouirent et une fois ses jambes assez fortes, elle se révéla : un visage impérial la fixait, un sourire aiguisé et des yeux plus durs encore que la pierre. Les muscles tressautaient encore à certains endroits. Celui de la joue, un parmi une dizaine d’autres ondulait la commissure de ce sourire, peignant sur sa figure une expression de perfidie joyeuse. Elle s’arma de la hallebarde et s’approcha de Kita, la lame pointée sur sa poitrine. La cavalière cracha, toujours en balançant sa jambe enchaînée.

—C’est donc vous qui me suiviez tout ce temps.

—Dame de Valia, Reine de Cerralion. Pour vous servir.

—Votre plan est condamné à l’échec. La Horza n’acceptera plus aucun dirigeant à sa tête.

—J’aurai tant aimé te tromper ! Quel dommage que tu resteras emprisonnée ici.

—A chaque problème sa solution : enlevez les chaînes.

—La parole est l’arme la plus faible, celle qui est la plus libertine, qu’on utilise en moindre recours. Le gueux s’en servent, à défaut de fourche. Au moins elle-est distrayante.

—Ceux qui sont là-haut, ils sont tous à votre sole ?

—Grassement payé : je leur ai promis une seigneurie pour service rendu.

Vala la menaça de la hallebarde, l’orienta sur sa gorge. Inconsciemment, la jeune femme recula. Ses talons rencontrèrent la roche.

—Attache-toi.

—Vous obligez le condamné à s’enchaîner ? Faites-le vous-même.

—Trop dangereux. C’est plus divertissant si tu le fais. Si tu refuses, il reste toujours l’autre méthode.

La pointe d’acier s’enfonça dans sa chair.

—Vous n’avez aucune chance contre moi, Kita. La chaîne. Sur votre cheville.

Contrainte, elle enroula l’attache autour de son articulation.

—Je ne pourrai plus m’asseoir ni m’allonger si j’attache mes mains.

—Me juges-tu de cruelle alors que je te maintiens en vie ? Le bras droit, maintenant.

La hallebarde glissa sur sa gorge, emportant avec elle un filament de peau. Kita s’exécuta.

—Ce serait comme demander à un pendu de nouer sa propre corde.

—Je te rassure : tu ne mourras pas tout de suite. J’ai encore des histoires à te raconter et une surprise. Réfléchis avant d’agir.

La princesse jeta l’arme au sol et la poussa du pied. Elle gisait hors de portée de sa prisonnière. La dresseuse banda ses muscles, ramena son biceps contre sa poitrine. D’un mouvement sec, Valia l’arracha. Pieds et mains formaient les quatre pôles d’un cercle parfait. Elle renversa sa tête contre la paroi de la grotte. Quelques plaques d’écailles mouchetaient sa peau, la plus longue couvrait son flanc, aussi fine qu’une griffure.

—Je te présente ton tombeau.

Une forêt de stalagmites s’étendait de part et d’autres. Avec les stalactites, rangées de crocs supérieurs, la grotte lui rappela une mâchoire.

—Etaient-ils tous au courant de mon sort ?

—Oui.

—Et les pierres ?

—Un prétexte pour t’amener ici.

—Le dragon ?

—Ne me trouves-tu pas potable en dragon ? Réfléchis à tes paroles, je me vexe facilement.

—Tâches de Myosotis ?

—Il t’aurait averti. Un élément indésirable à éliminer. Supprimé aujourd’hui.

Un sourire carnassier dévoila ses dents : parfaitement humaine.

—Quel dommage que ce soient mes écailles et non mes crocs qui persistent après la transformation. C’est assez douloureux : les os doivent se briser et se ressouder, les muscles se malaxent pour les recouvrir.

Tout dans sa posture puait la témérité : son fier port de tête, son corps affaissé entre deux stalagmites, les ondulations des ombres des flammes sur sa peau. A des yeux inexpérimentés, elle était magnifique. Son silhouette était mise en avant selon des angles avantageux, calculés, expérimentés : la rondeur de ses épaules appelant les lèvres d’un amant, la courbure de son dos accrochant un regard curieux sur ses sens et donc un centre tendu séduisant aux bourrelets invisibles étirés par cette position qui feignait la paresse. Sous l’ombre, elle dissimulait des vergetures propres aux femmes ayant enfanté. Un corps nu dévoilait plus de secrets qu’une langue pendue pour qui savait les arracher des ténèbres. Kita n’était pas de ces gens mais pour avoir expérimenté des semaines de gestation, elle pouvait reconnaitre la morphologie de femelles pleines. Valia l’était, inéluctablement.

—Tu es amusante. Enchainée que tu es, tu t’inquiètes de mes fréquentations ! Quelqu’un de bien, rassure-toi.

—C’est Reikoo ?

—Lui ? Non ! Il n’est qu’un pion sur un échiquier qui le dépasse. Ses intentions sont nobles, cela dit. Et je compte les exploiter.

—Et moi dans ce bourbier ? Est-ce que je vous empêchai de vous bâtir ce monde dont vous rêvez ?

Son visage se durcit, ses doigts se resserrèrent sur une des ramures d’un stalagmite.

—Ce n’est pas le monde que je rêve mais celui de milliers d’innocents. Des enfants qui, comme moi, souffrent, des adultes qui ont souffert.

Elle balança ses jambes d’un geste souple et d’une démarche voulue féline joignit sa prisonnière. Valia coinça sa mâchoire entre l’index et le pouce.

—Comment peux-tu juger sans ne rien connaître de son interlocuteur ?

—Ce n’est pas le cas, maugréa-t-elle. Je tire des suppositions des non-dits.

—Il est vrai que je te dois une histoire.

La dame relâcha son menton avec brusquerie.

—On pourrait commencer cette histoire par « il était une fois » et la terminer en deux phrases. Ce n’est pas mon but. Je veux que tu comprennes comment je me suis sentie et ton rôle, même involontaire, je ne l’ai compris que récemment. Tu es responsable. Arrête de faire cliqueter ces chaînes.

Si elle ne hurlait pas, son ton froid lui intima de cesser. Ces maillons étaient indestructibles.

—Je vais te raconter une autre histoire que tu connais très probablement. Elle me permettra d’introduire la mienne. Ce conte n’en pas un même si beaucoup le considèrent comme tel. Que connais-tu des Terres Centrales ?

—Il fait froid.

Plus excédée qu’amusée, elle applaudit.

—Quel esprit de déduction ! J’en pâlis presque. Que sais-tu de leurs légendes ? Je te donne un indice : elles parlent de loups. Tous les parents récitent cette comptine à leurs enfants.

Kita se la remémorait pour l’avoir entendu dans les tavernes.

—Il s’agissait de trois sœurs qui gouvernaient la Reigaa. Elles protégeaient un secret : celui d’être des louves. Les villageois l’ont découvert ont voulu les tuer. L’une des sœurs a dit qu’une malédiction annulerait une autre et par chance, elles étaient maudites deux fois. Elles dormiraient cent ans pour se réveiller entièrement humaine. L’une serait morte brûlée par sa jumelle, la deuxième aurait choisi sa forme animale et la troisième dormirait encore. Tous les enfants la connaissent.

—Tu ne sais pas comment conter une histoire mais le résumé est juste. Cette histoire est véridique. La Reine Cilanna se lèvera très bientôt, les cents années sont presque écoulées. Les gouvernements de la Reigaa ont étouffé l’affaire au point qu’elle en devienne un mythe mais ce pays est toujours une régence.

—Vous mentez.

—Alors que je t’ai promis la vérité ? Tu me déçois.

Si c’était vrai, cette Reine ferait trembler Naarhôlia.

—Je ne la verrai pas si je reste enfermée dans ce trou.

—C’est vrai.

—Comment le savez-vous si les autres l’ignorent ?

—Tous les dirigeants le savent, même votre frère la connaissait. Je suis étonnée que tu l’ignores. Nous trompons les gueux avec des fables, pas les personnalités les plus influentes. Ce n’est pas de votre faute ; vous n’avez pas eu d’éducation, ni de précepteur.

Elle tira sur ses chaînes, sa colère à peine contenue.

—Vous avez connu…

—Meorwen ? Je l’aimais.

Ces termes roulèrent sur la langue comme s’ils la dégoûtaient.

—Sale pute !

—Tu t’es donnée au premier venu et tu oses m’insulter ? Mauvaise langue, va.

Elle s’amusait ! Si Kita avait été libre, elle lui aurait arraché son membre si précieux avec lequel elle osait la narguer. Or, la dresseuse se retrouvait aussi ficelé qu’un morceau de viande et hormis des hurons et siffler, attachée à la paroi, elle était aussi inoffensive qu’un petit moineau.

—Ne t’inquiètes pas, il ne t’a jamais trahie.

—Ne souillez pas sa mémoire.

—Ecoute-toi, très chère ! Tu me vouvoies encore. Je n’ai jamais vu une personne si aisément manipulable.

—Chienne.

Valia se pavanait, offrant sa nudité à cette caverne, ses charmants sourires, ses délicates fossettes, cette langue ensorcelante.

—Tu me connais mal, Kita : jamais je ne souillerai la mémoire d’un vivant mais revenons à notre histoire.

La jeune femme se pétrifia. Son cœur gorgé de haine se transformait en pierre, ankylosait sa poitrine. La gravité pesa sur ses épaules, l’oppressa. Elle cherchait de l’air, ouvrit sa bouche, haleta, n’en trouva pas.

—Il est mort, hurla-t-elle à l’agonie, transpercée par les millions d’aiguilles que Valia lui tendait.

—As-tu vu son cadavre ? Non, donc tu n’as pas de certitudes. Tu as bien vite perdue espoir. De nombreuses femmes refusent le décès de leur amant et toi, tu le précipites dans la tombe. C’est fascinant.

—Sorcière ! Protesta-t-elle entre ses larmes.

—Ne me traite pas de sorcière !

La gifle assenée la sonna quelques instants.

—Je suis une victime de créatures immondes et vicieuses, un dommage collatéral. Ta foi t’imposait de les haïr, moi, je parle d’expériences. Je ne suis pas croyante. Comment aurais-je pu l’être après m’être transformée en ça ?

Elle désigna ses écailles avec un dédain nouveau.

—Ne me traite pas de sorcière. Je soutiens les enfants de Nogaïla autant que possible pour les exterminer. Revenons à mon histoire. Mon père était encore roi à l’époque où il a épousé sa première femme, un mariage arrangé qu’aucun ne souhaitait. Il était et vigoureux, sa femme laide au possible. La révolte grondait dans les campagnes, pas suffisamment pour menacer directement son pouvoir mais assez pour l’inquiéter. Un héritier détournerait l’attention de gueux de la politique et sa descendance serait assurée. Il grimpa dans le lit de sa femme, la besogna seulement dans l’obscurité la plus complète. Elle se releva décevante en tout point : autant pour le plaisir que pour son ventre stérile. Mon père en vint à la haïr profondément, redoubla ses efforts en la baisant matin et soir, chaque jour, indisposée, malade ou saine. Les années passèrent et elle ne lui présenta aucun poupon. Les paysans s’enhardirent, attaquaient ses troupes au grand jour, refusaient de payer les impôts à leurs vassaux. Les rois devinrent la risée de la cour : les autorités déclinaient. Les Majestés de jadis se plaisaient à trop jouir des simples joies de la vie pour remarquer leur sujets souffraient et s’enfonçaient dans une colère noire. Elle mit quelques décennies à éclater et une fois éclot, elle détruisit notre régence. Les fils de ses rois ne purent rien faire, hormis subir. Et sa femme qui ne lui donnait pas d’enfant ! Si elle lui en donnait un à temps, il était sûr d’enrayer la révolte, au moins sur son propre domaine. Désespéré, il se rendit chez une sorcière, une des dernières qui révélait sa magie à Naarhôlia entière, la plus facile à trouver surtout. Il emporta son laideron de Reine dans ses bagages et la présenta à cette sorcière. Cette femme fut loin de l’image qu’il se fit d’elle : à bas les baguettes, les chapeaux pointus, la peau verte, le nez crochu et les verrues. Elle ressemblait à une jeune femme innocente, commune, ni d’une beauté renversante ni aussi moche que celle qui lui servait d’épouse. Mon père dit qu’il était tombé amoureux de cette femme, de son charme naturel, son intelligence, son corps avenant. Elle l’a ensorcelé, évidemment. Ce femmes sont des crapauds déguisés, des potions pour allonger le corps, des formules pour aplatir les pustules, des plantes pour le maintien. Là n’est pas la question. En quelques jours, la sorcière se retrouva enceinte. L’enchanteresse et non la femme emmenée ! La Reine serait morte la nuit même : la plupart des conteurs s’accordent à dire que, trahi par son époux, elle se serait enfui dans les marécages et bête qu’elle était dévorée par un crocodile. Une minorité des ménestrels préfèrent la voir pendue à un arbre, préférant la mort à la vie sans son roi qui l’aimait d’un amour secret. Pour cette raison, le roi n’aurait pas semé une flopé de petits bâtards. Ah, ces marioles ! Réduits à enjoliver une réalité pour s’asseoir à une place de choix lors d’un banquet.

Elle s’interrompit.

—Connaissez-vous au moins ce début ?

—Dans les grandes lignes.

La prisonnière abandonna l’idée de se contorsionner, son corps pour happer une arme pendue à ses hanches. Quelle ingénieuse torture de ne pas les lui avoir ôtées ! Elles piquaient sa chair à la moindre rotation du bassin.

—Ceci est le premier socle de mon histoire. Le roi, à la place d’une épouse, se retrouva avec une sorcière enceinte. Il ne l’emmena pas à la cour, prétextant un deuil pour la perte de sa femme. L’enchanteresse ne mena pas sa grossesse à terme, c’est ce que mon père dit mais qu’y connait-il en histoire de lunaison, de sang écoulé et de reproduction ? J’étais née après six mois et demi de gestation, en pleine forme. Un beau bébé braillard. Mon père était fou de joie à ma naissance. Il m’a emmené à Cerralion, au château des vents, laissant ma mère dans sa forêt. Elle ne tenait pas à quitter sa chaumière et supportait mal l’agitation d’une ville. Une excuse que mon idiot de père goba. Une fois revenu en ville, son titre de roi lui était destitué. Il ne touchait plus que des impôts minimes et la ville dut rendre à Cerralion, devenue Serres-de-Lions, son indépendance. Personne ne l’appelait ainsi, cela va sans dire. Je n’eus pas l’effet escompté auprès du peuple de mon père. Ils ont appris à m’aimer mais cet amour ne s’est pas révélé comme un coup de foudre, il s’est construit cycle après cycle. Je grandissais, devins une fillette de deux ans avec un père veuf. J’entendais ses suzerains chuchoter sans son dos qu’il était le meurtrier de sa défunte femme. J’ai tout entendu sur cette souillon : l’amour, la haine, la jalousie… Je m’en fichais. Durant ces deux années, il n’y avait eu que mon père et mon. Un jour pourtant, l’équilibre d’un monde forgé par une fillette de deux ans s’effondra. Une femme s’est présentée au château, a demandé à s’entretenir avec mon père et moi. En la reconnaissant, j’ai découvert sur son visage une expression qui m’était inconnue : la peur. Il chassa ses gardes. Je ne comprenais rien de leurs échanges sinon qu’elle exigeait que je parte avec dès ce soir car : « un homme ne suffit pas à élever une enfant. » Je me souviens à quelques termes, tu m’excuseras, de cette conversation :

« —Nous n’avons rien convenu de la sorte, s’excitait mon père. Tu n’as aucun droit.

—J’ai le droit de mère. A moins que tu ne prétendes l’avoir conçu seul ?

—Mes gens se demanderont où elle a disparu.

—Qu’ont-ils à faire d’une gamine quand leur seigneur est jeune et en bonne santé ? Elle viendra un an et demi dans la forêt avec moi.

—Crois-tu que la porter te donne le moindre droit sur elle ?

—Oui. Ta semence et mon ventre, c’est ce qu’il faut pour un enfant. »

Je connaissais ce principe de mère, une femme qui aime ton père, qui porte des petits princes et des petites princesses. La sorcière n’éprouvait rien pour mon père. Il n’y avait toujours que nous deux. Aucune présence maternelle. Sans l’accord de mon père, elle m’a emmené. Lui n’a même pas daigné envoyer des chevaliers à mon secours. Soit il savait qu’il ne pouvait rien contre une enchanteresse soit il ne m’aimait pas autant que je pensais. Il souhaitait ma naissance pour consolider son royaume. J’ai lamentablement échoué.

—Pauvre gosse, ricana Kita.

Sans plus d’attention, plongée dans les souvenirs de son passé, elle poursuivit :

—Elle était plutôt sympathique, gentille. Je l’ai même considéré un moment comme une mère, jusqu’au jour où elle m’offrit un cadeau : un petit vers qui se tortillait comme tu te contorsionnes maintenant. Cette « friandise » comme elle l’appelait, elle me l’a offert parce que j’étais très gentille et que je méritais d’avoir un don. Fière de ma docilité, j’avalais la larve sans la mâcher en suivant ses recommandations. Un parasite ! J’avais ingurgité un parasite qui m’a transformé en ce que je suis aujourd’hui. Elle m’a renvoyé chez mon père. J’ai cultivé une haine indicible à son égard toute mon enfance, jusqu’à apprécier cette bête qui habitait en moi. L’une de ces Reine de la berge voisine à Naarhôlia aimait aussi sa louve. Elle voulait me le retirer ! Cette sorcière m’a considéré comme un cobaye et maintenant elle le regrettait ? Moi aussi, je suis tombée amoureuse de mon serpent. J’ai appris à l’aimer. Elle voulait me le retirer, m’a capturé, à inhiber les effets d’une parasite avec une drogue. Comment ? Grâce aux sucs gastriques, le ver a fondu et s’est dissous dans mon sang. Elle m’a torturé, j’aurai aimé être à ta place, seulement enchaînée à écouter les histoires d’une autre. Je n’étais plus Valia, sa fille, Dame de Cerralion- Serres-de-Lion, j’étais le misérable serpent, l’expérience de celle qui voulait créée qui a dégénéré. Elle s’est prise pour une déesse, elle a créé un monstre en sacrifiant sa propre progéniture. Mais tu t’en fiches, n’est-ce pas ? Venons-en à ton frère. J’ai réussi à m’échapper de ma génitrice et ai découvert que mon père s’était remarié. Oui, ma belle-mère. Je me suis prise d’une étrange affection pour elle. J’ai retrouvé ma place d’héritière. En digne Dame que je suis, je devais me procurer un dorakkar, ou plutôt un bâshki selon les coffres de mon père. J’ai fait comme tant d’autres, je suis allée à la Breille. Aucun dragon ne m’a attiré mais un cavalier ! Meorwen était magnifique ce jour-là (Elle ignora le hoquet de sa victime). Je l’ai voulu dès que je l’ai vu. J’avais tout préparé pour lui déclarer mon amour : la plus belle robe que je possédais, des bijoux extravagant de dernière mode, ma richesse, loin d’être celle que j’ai acquis ces trois dernières années, je te l’accorde. Il les refusa, le gredin ! S’il s’était tu, je serai partie la tête haute, pensant qu’il préférait les hommes mais il a osé me révéler que son cœur appartenait à une autre qu’il aimait d’un amour si violent qu’il ne pourrait jamais la trahir. Veux-tu jouer à ça, coquin, ai-je pensé, alors nous allons jouer. Comme pour toi, je lui ai proposé de tuer un dragon. Il a refusé bien entendu mais je l’ai eu à l’usure. Il ignorait que tu attendais son enfant, non ?

Kita grimaça.

—Je lis ta question dans tes yeux avant même que tu ne la poses : comment je le sais ? J’y viens. Je l’ai emmené à Cerralion, essayé de le séduire de toutes les manières possibles et inimaginables. Même nue, il m’a repoussée ! Rien à faire, il n’oubliait pas cette fille. Cette stupide garde meilleure que moi. Je l’ai envoyé ici et lui tendu un piège. Il ne t’est plus revenu. Je t’ai cherché, Kita. Votre secret était bien gardé mais il y a toujours des traces, des fragments qui mènent à la vérité pour qui veux les voir. Je le voulais vraiment. C’est ainsi que j’ai découvert que la femme dont Meorwen avait été fidèle jusqu’au bout était sa sœur ! Une relation incestueuse. C’est tout de même étrange qu’aucun de mes hommes n’ait trouvé de guérisseuse qui t’ais aidé à avorter. Ton frère n’étais pas revenu de la Breille, tu étais enceinte d’un enfant interdit, sans père et sans le sou. Tu le pensais et tu as paniqué : l’avortement te semblait la solution idéale. Ai-je raison ?

Kita hocha la tête, vaincue.

—Je n’ai pas pu avoir l’homme que je voulais et je voulais éradiquer sa cause. Quel bonheur, quand j’ai appris que tu reprendrais le flambeau de la Breille. Tu t’es même débrouillée pour que je puisse te sortir des cachots. C’était facile, trop facile. Meorwen était si beau, comment a-t-il pu te choisir toi, sa propre sœur ?

—Quel est la suite de ton plan, Valia ?

Elle grognait presque.

—M’aider de Reikoo pour devenir reine, très chère.

—Si tu comptais me tuer, pourquoi m’avoir donné les gants de fer ?

—Pour survivre jusqu’ici.

—Pourquoi ?

—Je ne suis pas un monstre, Kita, laisse-moi te le préciser si tu penses le contraire. Je suis même attristée de la fin de votre idylle. Mon cœur doit être fort. Amenez-le.

Cinq hommes émergèrent de l’obscurité du tunnel qu’elle avait traversé quelques instants plus tôt. La cavalière reconnut le blanc des vêtements de son ancien guide et les cheveux rouges aux multiples tresses d’Arment. Ils trainaient un homme inanimé, chauve.

Meorwen !

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